Laurent Sueur. La fragile limite entre le normal et l’anormal : lorsque les psychiatres français essayaient, au XIXe siècle, de reconnaître la folie. Extrait de la « Revue historique », (Paris), 591, juillet-septembre 1994, pp. 31-51.

Laurent Sueur. La fragile limite entre le normal et l’anormal : lorsque les psychiatres français essayaient, au XIXe siècle, de reconnaître la folie. Extrait de la « Revue historique », (Paris), 591, juillet-septembre 1994, pp. 31-51.

 

Laurent Sueur. Docteur en histoire. Le traitement de l’aliénation mentale, en France, de la fin du 18ème siècle au début des années 60 du 19ème siècle. Thèse de doctorat en histoire soutenue en 1996 à Paris 7. Sous la direction Michelle Perrot.
Quelques publications :
— La place de la religion catholique dans les asiles d’aliénés au XIXe siècle. Revue historique, Paris, n° 585, 1993/1.
— Les classifications des maladies mentales en France dans la première moitié du XIXe siècle. Revue historique, Paris, n° 586, 1993/2.
— Les psychiatres français de la première moitié du XIXe siècle face à l’isolement des malades mentaux dans les hôpitaux spécialisés. Revue historique, Paris, n° 590, 1994/2.
— La psychiatrie français@e du XIXe siècle fa@ce à la folie. Revue historique, Paris, n° 596, 1995/3.
— Le message médical français concernant les identités de genre (2e moitié du XIXe S. – fin du XXe S.). Déviance et société, 1996, volume 20, n° 4, pp. 359-375.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons corrigé plusieurs fautes de composition. – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

La fragile limite
entre le normal et l’anormal :
lorsque les psychiatres français essayaient,
au XIXe siècle, de reconnaître la folie.

[p. 31]

En 1943 paraissait la thèse de médecine de Georges Canguilhem (1), un philosophe devenu également médecin. Il s’agissait alors d’essayer d’appréhender le normal et le pathologique à travers une étude, à la fois médicale, philosophique et historique, s’appuyant sur quelques médecins célèbres du XIXe et du XXe siècle. Ce livre a indubitablement marqué l’histoire de la médecine et de l’historiographie, non seulement par son intelligence, mais aussi par l’importance du sujet abordé. En effet, c’est à partir de la reconnaissance de ce qui est normal que depuis le début de l’histoire de la médecine le praticien-détermine son sujet d’étude, c’est-à-dire la maladie ; et il est évident que la reconnaissance du pathologique est le premier stade qui voit le malade être pris en compte par la médecine, laquelle doit, à la fin, le rendre à la santé et à la société des bien-portants. Aussi, j’ai décidé de reprendre ce problème, en traitant plus particulièrement ici de la psychiatrie française au XIXe siècle.

Mais avant de commencer cette étude, il convient de rappeler que la psychiatrie moderne, qui naît à la fin du XVIIIe siècle, est particulièrement dépourvue en ce qui concerne ce problème. En effet, si la médecine antique lui a fait prendre conscience de l’existence de maladies mentales, ou plutôt de désordres mentaux, elle ne lui a pas donné de méthodes, de moyens, ni même de connaissances suffisantes pour bien reconnaître la folie. En conséquence, les aliénistes français du XIXe siècle ont presque tout à inventer en la matière. Nous allons vérifier cela en examinant, tout d’abord, leurs définitions de la folie. [p. 32]

  1. — Les définitions de la folie

Certains médecins ont une définition sociale de la folie. Ils ne font que reproduire en fait, sur un mode un peu scientifique, les opinions populaires sur le sujet : le fou est celui qui ne nous ressemble pas, le fou est celui qui nous est étranger. D’ailleurs, Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique (2) donne déjà la définition suivante : « Nous appelons folie cette maladie des organes du cerveau qui empêche un homme nécessairement de penser et d’agir comme les autres. » Cette définition peut nous paraître simpliste, mais il faut bien comprendre qu’il y a une logique qui est loin d’être, ici, toujours subjective. En effet, pour qui connaît un peu les malades mentaux, les troubles du comportement social sont un indice, parfois même une preuve sans équivoque d’aliénation mentale : par exemple, les bizarreries d’une schizophrénie bien déclarée permettent aux psychiatres de la fin du XXe siècle d’affirmer, tout de suite, qu’il y a folie, et il ne faudra que quelques heures d’observation, au maximum, pour diagnostiquer avec exactitude la maladie. Le seul problème dans cette approche de la folie réside, en fait, dans la définition de ce qui est normal ; c’est à partir de ce qui est normal, en effet, que l’on va se rendre compte des comportements anormaux ; mais comment définir la santé mentale sans trop de subjectivité ?

En fait, certains aliénistes ne se préoccupent pas de cela. Ainsi, Béraud écrit en 1858 (3) : « … je définirai donc la folie : une lésion des facultés mentales assez profonde pour que la personne qui en est atteinte ne puisse se soumettre habituellement aux lois et usages de la société… ». Ce médecin prend pour référence la société française du milieu du XIXe siècle, cette société hiérarchisée, patriarcale, catholique, rigide, pudibonde. Manifestement, cette conception de la folie laisse la porte grande ouverte à tous les excès : par exemple, une femme entourée par trop d’hommes peut être déclarée érotomaniaque si sa famille décide de la faire voir à ce genre de médecin. Pierre Berthier va encore plus loin ; il écrit en 1857 (4) : « … La folie est une affection morbide essentiellement nerveuse, qui empêche l’âme d’agir librement ou l’incite au mal, … ». En 1860, il est beaucoup plus clair (5) : « … De quelque [p. 33] côté que provienne la folie, elle a pour point de départ un combat, pour résultat une défaite, celle de la volonté. Dépourvu de cette faculté, l’homme est entraîné malgré lui à des actes répréhensibles, dont personne ne pense à le rendre responsable… ». Ainsi, aussi bien en 1857 qu’en 1860, le fou est celui qui fait le mal. Cette approche peut amener le psychiatre à de graves confusions : l’aliénation mentale recouvre alors la criminalité ! Dans le même ordre d’idées, Leuret affirme ceci (6) : « … La part de l’orgueil est si large dans la société que l’on s’étonne presque de voir l’excès de cette passion compter au nombre des aberrations de l’esprit… Sont-ce là des folies [à propos de l’orgueil] ? Hélas ! non ; car nos yeux y sont accoutumés, car nous en avons fait une partie de notre raison et de nos croyances. L’orgueil est folie, seulement à ceux qui, portant cette passion à l’excès, sont en même temps si maladroits et si aveugles que nul raisonnement ne peut les détromper et qu’ils manquent du talent et de la force nécessaires pour imposer aux autres leur propre conviction. Ceux-là on les abandonne aux médecins ;… ». Ici, la société reste le canon de la santé mentale bien qu’elle puisse déraisonner. Dans ce cas, on reconnaît le monomaniaque d’orgueil parce que celui-ci est encore plus orgueilleux que la moyenne des personnes qui composent la société, parce qu’il s’obstine dans sa folie, parce qu’il n’arrive pas à convaincre le monde qu’il n’est pas fou. A un autre endroit de son livre (Annexe 1), il ajoute qu’un homme qui n’est pas d’accord avec les idées de son temps et qui ne veut pas en changer est fou. On constate, dès lors, que le seul symptôme qui puisse limiter l’arbitraire du médecin, dans sa quête pour reconnaître l’homme fou, est l’obstination de l’aliéné à croire en ce qu’il raconte : la frontière entre raison et folie est bien fragile. Force est de constater, cependant, que l’opinion de ces deux médecins, sur la folie, est loin d’être partagée par tous ceux qui ont une définition sociale de l’aliénation mentale.

Avec Fodéré, par exemple, le flou qui entoure la définition de l’aliénation mentale s’estompe. Certes, un des symptômes est toujours la différence de jugement que porte le malade sur tel objet alors que toute la société en porte un autre, mais il est précisé que c’est le changement d’attitude du sujet qui présage le mieux de la folie (7) : « … Cet état de folie devient bientôt manifeste aux yeux de tout le monde, lorsque tel homme qui jouissait auparavant d’une bonne santé, porte, quoique bien éveillé, un jugement faux ou erroné sur les rapports d’objets qui se rencontrent le plus fréquemment dans le cours de la vie, et [p. 34] sur lesquels tous les hommes portent le même jugement ; lorsque surtout ce jugement est fort différent de celui qu’il avait coutume de porter lui-même habituellement ; … ». Le malade est toujours jugé par rapport au comportement de la société mais il est surtout jugé par rapport à lui-même : il est malade car il ne porte plus les mêmes jugements qu’autrefois, lorsque son esprit était sain. Plus qu’une simple définition de la folie, on trouve là une définition qui peut être valable pour toutes les maladies : la maladie est caractérisée par un changement, elle est perçue par les proches du patient et par le médecin grâce à ce changement, à cette rupture de l’habitude.

D’autres médecins insistent sur l’hallucination et le rêve dans leur définition de l’aliénation mentale. Moreau de Tours écrit en 1845 (8) : « … A nos yeux, l’aliénation mentale constitue un mode d’existence à part, une sorte de vie intérieure dont les éléments, les matériaux ont nécessairement été puisés dans la vie réelle ou positive, dont elle n’est que le reflet et comme un écho intérieur. L’état de rêve en est l’expression la plus complète ; on pourrait dire qu’il en est le type normal ou physiologique… ». En 1855 il ajoute (9) : « … La folie est le rêve de l’homme éveillé… ». Moreau de Tours a déduit, de sa pratique médicale, ce qu’il y a de plus évident dans l’aliénation mentale : le fou vit son monde, l’homme normal dans le sien. Toute personne confrontée à la folie constate cela tout de suite. Ce médecin va, cependant, plus loin dans sa logique. Ainsi, l’homme normal se contente de rêver la nuit alors que le fou vit dans un rêve perpétuel ; le rêve c’est l’univers du faux, mais un faux élaboré, quand même, à partir d’éléments réels car l’aliéné n’est pas complètement détaché de la réalité : par exemple, s’il n’est pas trop gravement atteint par sa maladie, il utilise, comme les êtres sensés, la parole pour s’exprimer, cependant, il va en user en déstructurant les phrases, ou en utilisant un mode symbolique, dès lors, celles-ci ne voudront plus rien dire. Là encore, on pourrait penser que c’est la raison du psychiatre qui va mesurer la folie des futurs malades puisque le rêve n’est pas défini avec exactitude. En fait, il n’en ai rien car Moreau de Tours a une vision assez claire de cet état de rêve éveillé : dans son développement il utilise l’expression « état hallucinatoire » (10) comme synonyme. L’hallucination, au contraire du rêve, a une définition médicale rigoureuse : il y a hallucination lorsqu’un individu perçoit un objet qui n’a aucune [p. 35] existence physique. Cependant, l’état hallucinatoire de Moreau de Tours ne recouvre pas exactement le terme hallucination : comme il le dit lui-même, il n’y a pas forcément d’hallucinations dans toutes les formes d’aliénation mentale. Quoiqu’il en soit, les fous vivent dans leurs rêves des situations qui ne sont pas palpables, qui n’ont pas d’existence physique : lorsqu’un malade déclare au médecin qu’il vient de déjeuner avec Napoléon, il n’y a pas à proprement parler d’hallucination, le malade a rêvé qu’il a mangé avec Napoléon, il a pu même confondre l’infirmier qui le nourrissait avec Napoléon, faisant ainsi une erreur d’interprétation ; le psychiatre peut facilement déduire la folie de ce cas de figure puisqu’il a vu le malade manger avec l’aide de l’infirmier ; aussi, l’affirmation du patient est objectivement fausse. D’ailleurs, le rêve et l’hallucination ont en commun une marque distinctive qui est l’irréalité, dès lors, on comprend mieux ce que peut être un état hallucinatoire pour Moreau de Tours : c’est un état qui recouvre hallucinations et sensations d’avoir vécu des choses qui n’ont pas existé.

Dans le même ordre d’idées, en 1856 Bourdin écrit (11) : « … L’hallucination est compatible avec l’exercice normal de la plupart des facultés cérébrales, mais elle est incompatible avec l’intégrité de la raison… ». Il faut remarquer ici qu’il ne s’agit pas d’une véritable définition de a folie, le médecin affirme simplement que si l’on constate qu’une personne est sujette à des hallucinations, elle est forcément aliénée. L’hallucination est un symptôme qui permet donc de diagnostiquer à coup sûr la folie. L’opinion de Jousset est, quant à elle, moins catégorique : l’hallucination est un des symptômes d’aliénation mentale, elle n’est pas le seul (12).

Pour d’autres psychiatres, la folie est caractérisée par une perte du libre arbitre. Ainsi, Baillarger écrit en 1853 (13) : « … L’aliénation mentale est la privation du libre arbitre par suite du développement incomplet ou d’une lésion de l’entendement… ». Pour Baillarger, le libre arbitre désigne la volonté et la conscience : le malade n’a plus conscience des actes qu’il effectue et il n’a pas la volonté nécessaire pour s’y opposer. L’aliéné est, dès lors, considéré par Baillarger comme un être déchu : il n’est plus maître de ses actes, il est un être passif qui n’est plus en mesure de diriger sa vie et encore moins celle des [p. 36] autres. Si ici il n’est pas rabaissé à l’état d’animal qui obéit à ses pulsions, il est tout de même considéré comme un être inférieur et mutilé qui a besoin d’une personne saine pour s’occuper de lui : le spectre de l’incapacité juridique hante l’esprit de certains aliénistes. D’ailleurs, Paul-Ferdinand Gachet écrit (14) : « … si, en un mot, il ne paraît plus jouir de toute la puissance de délibération qu’il possède, à l’état normal, sur lui-même, sur ses instincts, sur les objets extérieurs, sur ses semblables ; si enfin il paraît ne plus posséder l’intégrité de sa volonté, de son libre arbitre, on dit alors qu’il est fou ; il n’est plus, comme disent les jurisconsultes, compos mentis [en possession de sa raison]. Il a perdu la raison, et avec elle le droit de délibérer, non seulement sur lui, mais sur les autres ». La définition de la folie de Paul-Ferdinand Gachet est influencée par les conceptions des juristes en la matière. L’influence de ceux-ci sur Gachet s’exprime aussi dans la note correspondant à compos mentis(14) : « En effet, pour eux [les jurisconsultes], la définition de l’homme normal est : Mens sana in corpore sano. » Dès lors, si l’homme est malade, et surtout malade de l’esprit, il ne peut devenir qu’un incapable, du point de vue juridique. Il y a là une des justifications de l’enfermement des fous dans des asiles : il faut que l’on s’occupe d’eux puisqu’ils n’en sont plus capables, il faut aussi qu’ils redeviennent normaux. Cette définition de la folie, très fortement influencée par la monde judiciaire, s’inscrit, en fait, dans une lutte de pouvoir entre justice et médecine. Effectivement, tout au long du XIXe siècle, le psychiatre cherche à retirer des prisons des humains longtemps considérés par la justice comme des criminels, bien qu’ils soient des malades mentaux. Un des travaux essentiels des aliénistes, dès le début de la période, fut donc de faire prendre conscience à la société, et au monde de la justice, que la maladie mentale existait. Cette prise de conscience s’affirme, dès le début du XIXe siècle, pour se confirmer péremptoirement en 1838 : si la loi de 1838 n’est pas à l’origine de la naissance de l’asile d’aliénés, ni de l’asile départemental, elle fait obligation aux autorités (maires, commissaires de police, préfets) de séquestrer les fous dans ces hôpitaux spéciaux et non plus dans des prisons. Cette réforme de 1838 a été réalisée parce que les juristes se sont rendus compte que les aliénés ne pouvaient pas être traités comme des criminels car ceux-ci comprennent qu’ils ont fait le mal, ils l’avouent même parfois, alors que les fous ne peuvent pas être responsables, du point de vue juridique puisqu’ils n’ont pas conscience de leurs actes. Ce problème [p. 37] est d’ailleurs bien connu aujourd’hui du fait de nombreuses études (15).

 

Force est de constater, d’autre part, que Baillarger et Gachet ne sont pas les seuls à définir la folie par la privation du libre arbitre. Ainsi, Berthier écrit en 1860 (16) : « … De quelque côté que provienne la folie, elle a pour point de départ un combat, pour résultat une défaite, celle de la volonté. Dépourvu de cette faculté, l’homme est entraîné malgré lui à des actes répréhensibles, dont personne ne pense à le rendre responsable. Aussi, pourrait-on définir cette maladie : « la perte du libre arbitre » (Heinroth)… » On constate, là encore, qu’on cherche à montrer que l’aliéné n’est pas responsable, juridiquement, de ses actes, et Renaudin pense aussi la même chose (17) : « … l’aliénation mentale consiste principalement dans une lésion de la sensibilité ou dans son exercice anormal, dominant plus ou moins la volonté du malade, et détruisant en tout ou en partie la liberté morale, base de la raison et de toute responsabilité morale. » Il y a, tout de même, ici, plus de précision que dans la définition de Berthier. Ainsi, le malade perçoit mal la réalité car les sens, qui permettent justement à l’homme sain d’appréhender le monde extérieur, sont altérés. Dès lors, le malade ne peut plus être objectif puisqu’il ne perçoit plus les objets tels qu’ils sont : les sens imposent une image fausse de la réalité à la volonté qui entraîne la malade à agir et réagir subjectivement. Il n’y a plus de libre arbitre car le jugement est dicté par les sens viciés : la liberté n’existe plus. Aussi, le patient est une victime de ses cinq sens, en conséquence on ne peut pas le tenir responsable des actes qu’il commet.

Ces définitions de la folie, qui visent à faire de celle-là une perte du libre arbitre, reposent tout de même aussi sur une observation de la réalité pathologique. D’ailleurs, les juristes, bien que n’ayant pas de connaissances médicales très étendues, s’étaient bien rendus compte que dans la plupart des maladies mentales définies à l’époque le sujet n’était plus capable de discerner le vrai du faux : il évoluait dans le monde de l’imaginaire où tout est possible, le faux devenait le vrai et le vrai, le faux, celui-ci se prenait pour Napoléon (18) ou pour son [p. 38] fils, celui-là croyait qu’il était menacé de mort, à tout instant du jour et de la nuit, et osait même proclamer qu’il n’était pas fou. On rejoint là des définitions de la folie, décrites plus haut, qui affirment qu’elle est caractérisée par un état de rêve éveillé, par un état hallucinatoire ou par des hallucinations.

Mais tous les aliénistes français du XIXe siècle sont loin d’être sûrs d’un savoir qu’ils ont parfois conscience d’élaborer peu à peu. Aussi, leur définition de la folie reflète quelquefois leur ignorance ; dans ce sens, Turck écrit en 1862 (19) : « … On ne sait pas encore ce qu’est la folie… ». L’opinion de Falret est semblable à la sienne (20) : « … Qu’est-ce que la folie, qu’est-ce que la raison ? Ce sont là des questions auxquelles je me garderai de répondre… il n’existe de la folie aucune définition satisfaisante… ». Il leur est, d’ailleurs, d’autant plus difficile de différencier la folie de la raison que le malade ne déraisonne pas continuellement. Cette constatation les conduisit à créer une entité pathologique appelée folie raisonnante (21). De plus, Moreau de Tours alla jusqu’à affirmer que certains aliénés pouvaient avoir conscience des désordres de leur esprit (22) : il appela ce genre de folie « état mixte ». Reconnaître le fou devient dès lors une gageure : les épisodes raisonnants peuvent induire en erreur le médecin, surtout s’ils durent longtemps. De plus, on remarquera que cette prise de conscience de la fragilité de toute définition de la folie et de la raison est la preuve indubitable qu’une partie de ce corps médical est arrivée à admettre, par écrit de surcroît, qu’elle n’est pas omnisciente. Le psychiatre de cette époque n’est donc pas toujours comparable à un maître de réthorique campant obstinément sur ses positions.

Aussi, pour reconnaître avec plus de précision l’aliénation mentale, certains psychiatres cherchèrent à la définir en décrivant le plus de symptômes possibles. Dans ce sens, Georget écrivit en 1823 (23) : « … Nous nous servirons de l’une ou de l’autre de ces deux expressions {folie et aliénation mentale), pour désigner une maladie apyrétique du cerveau, ordinairement de longue durée, presque toujours avec lésion incomplète des facultés intellectuelles et affectives, sans trouble notable dans les sensations et les mouvements volontaires, et sans désordre graves, ou même sans désordres marqués dans les fonctions nutritives et génératrices : [p. 39] à quoi nous pourrions ajouter, si nous voulions chercher à donner une idée de la nature du trouble des facultés intellectuelles et morales, 1° que le malade a des idées, des passions, des déterminations, différentes des idées, des passions et des déterminations qui lui étaient familières, différentes de celles du commun des hommes raisonnables ; 2° qu’il conserve en général la conscience de sa propre existence, celle des objets avec lesquels ils se trouve en rapport, et se rappelle en guérissant toutes les impressions qu’il a reçues, tous les motifs de ses actions, etc. ; 3° qu’il méconnaît son état de délire, se croit en bonne santé, ou bien que s’il ne le méconnaît pas, sa volonté est impuissante pour la maîtriser… ». Ce médecin commence par définir la folie en situant la maladie dans le cerveau, mais si le cerveau est malade, il n’est pas concerné par la fièvre : c’est le premier symptôme manifeste. Ainsi, si le malade délire parce qu’il a de la fièvre, le délire devient le symptôme de l’état fébrile et non pas de la folie. Il est précisé, d’autre part, que l’aliéné n’a pas de troubles physiques particuliers, en revanche, Georget insiste sur les troubles mentaux, particulièrement détaillés, dans sa définition de la folie. Il remarque, tout d’abord, que l’aliéné ne perd pas complètement la raison, ni ses facultés affectives, ce qui le conduit à détailler les troubles intellectuels et moraux du fou, afin de permettre aux médecins qui le liront de reconnaître plus facilement l’aliénation mentale, maladie dont les symptômes ne sont pas patents. Le premier trouble exposé reprend la définition sociale de la folie décrite plus haut ; mais, Georget, esprit scientifique, s’attache d’abord à repérer la maladie en s’appuyant sur le changement d’habitude du patient. C’est là un réflexe essentiel du médecin : repérer la maladie parce qu’il y a changement d’état. Il admet, cependant, que l’on puisse repérer le fou en prenant pour modèle de la raison la société : il y a place, ici, pour l’arbitraire. Mais il faut se rendre compte que Georget a confiance en cette société française du début du XIXe siècle qui offre aux regards toute l’apparence de la raison : en 1823, la révolution et ses excès passionnels (les passions étaient considérées à l’époque comme des causes et des symptômes d’aliénation mentale) sont bien loins, tout est rentré dans l’ordre et cet ordre règne. Le deuxième trouble des facultés intellectuelles et morales de l’aliéné est caractérisé par une altération partielle de la conscience. Il y a là un rappel de ce qui a été dit dans le préambule, Georget apporte toutefois des précisions. Ainsi, le sujet a conscience de son existence, condition sine qua non de la survie de tout animal ; de plus, il perçoit les objets qui l’entourent et conserve, une fois guéri, le souvenir de sa vie de malade mental. L’aliéné n’est donc pas totalement détaché du monde extérieur : c’est une manière détournée d’affirmer que le diagnostic de la folie est d’autant plus difficile. Enfin, le troisième,[p. 40] trouble des facultés est la perte du libre arbitre. Par ailleurs, on aura remarqué que l’attitude de Georget doit être mise en parallèle avec ce que j’ai déjà pu dire en ce qui concerne les classifications des maladies mentales par les aliénistes français du XIXe siècle (24). En effet, une majorité de nosographies d’alors faisait entrer des descriptions de véritables symptômes comme critères de reconnaissance de la folie et de ses différentes formes. En conséquence, on peut affirmer que de nombreux aliénistes de l’époque avaient le même réflexe que Georget en ce qui concerne la reconnaissance de la folie vis-à-vis de la raison.

On constate, dès lors, à la lecture de toutes ces définitions de la folie, que la différenciation du fou de l’homme sain d’esprit fut un problème résolu de différentes manières. Ainsi, il n’y eut pas de définition reconnue unanimement par tout le corps médical. De plus, tous ces médecins ne firent pas entrer des symptômes de folie, c’est-à-dire la réalité objective et scientifique de la pathologie, dans leur définition de la folie. Il faut tout de même remarquer que contrairement aux autres disciplines médicales ces médecins n’avaient pas de désordres physiques pour les aider : pas de plaies purulentes, de tumeurs bombées, de vomissements, de diarrhées ; ils n’avaient même pas la mort pour les aider à déterminer l’ultime limite du fait pathologique. Quoi qu’il en soit, la « matière » malade de certains types de folie leur permit de s’accrocher à quelque chose de plus tangible. Il est vrai qu’il ne faut pas oublier que ce XIXe siècle psychiatrique est aussi l’époque de la découverte des déficiences mentales dont certaines sont caractérisées par d’indiscutables, de remarquables diformités physiques. Le physique de ces malades devient dès lors un repère sûr de la reconnaissance de leur folie. Cependant, on remarquera aussi que l’humeur du malade, laquelle est lisible sur son visage, fut aussi prise en compte par ces médecins qui cherchaient réellement à devenir des gens sérieux, si ce n’est des scientifiques.

  1. — Lorsque le physique dénonce la folie : la physiognomonie

Il convient tout de même de préciser que l’attitude qui veut que l’on reconnaisse la folie, le moral de l’être humain, grâce à son corps, aux traits de son visage, n’est pas une création de la psychiatrie (25). En fait, depuis l’antiquité, les hommes ont affirmé qu’il y avait, dans l’individu, des relations entre le physique et l’esprit. Mais c’est surtout [p. 41] à partir du XVIIIe siècle que La doctrine physiognomonique prend corps avec les écrits de Lavater. Au XIXe siècle, les aliénistes français, comme les écrivains et les artistes, vont s’approprier cette discipline en élargissant le domaine d’investigation : le corps, dans sa totalité, va être pris en considération. Cependant, même dans le cas de tics nerveux, de grimaces répétitives, de graves altérations comme dans la trisomie 21 (petite taille, diamètre antéro-postérieur du crâne inférieur à la moyenne, visage rond et aplati, yeux qui louchent, petite bouche, mains petites et courtes, abdomen distendu en besace), on peut se demander à juste titre si les aliénistes de l’époque avaient un modèle de la normalité physique proche de l’idéal (représenté par l’Apollon du Belvédère) ou s’ils se contentaient plutôt de faire une sorte de moyenne des caractéristiques physiques des êtres humains du XIXe siècle.

Pour essayer d’appréhender cette normalité physique, il ne faut pas suivre la méthode proposée par Sander Gilman en 1988 (26). En effet, cet auteur américain décrit une planche d’un livre de Philippe Pinel, mettant en parallèle la beauté classique, la manie et l’idiotie, afin de prouver que ce médecin créa ainsi une échelle de mesure de la normalité physique allant de la dégradation totale à la beauté absolue. Ce n’est certes pas là, à proprement parler, une erreur, mais c’est tout de même une approximation qui laisse croire au lecteur que tous les psychiatres du XIXe siècle avaient une telle échelle de mesure de la normalité et de son contraire. Nous ne devons surtout pas oublier que Philippe Pinel, premier véritable médecin des hôpitaux, si j’ose dire, ne fut qu’un psychiatre parmi tant d’autres.

Pour ma part, afin de connaître la norme physique qui servit de base aux diagnostics des médecins, j’ai relevé, dans la littérature médicale de l’époque, ce qui était considéré comme des symptômes pathologiques, car force est de constater que les aliénistes français du XIXe siècle, à ma connaissance, n’ont pas donné d’image claire du physique de l’homme mentalement sain : il fallait donc contourner ce problème.

 

Ainsi, la stature de l’homme normal dépasse une hauteur qui n’est pas, hélas, déterminée avec précision. Manuel Leven (27) considère qu’une femme âgée de 21 ans et haute d’un mètre est petite. Morel, dans le même ordre d’idées, dit d’Adélaïde, alors âgée de 22 ans (28) : « … Sa taille n’est que de 1 m 30 c… ». Un peu plus loin, il écrit [p. 42] que Nicolas, homme de 48 ans, est d’une taille élevée car il mesure un mètre quatre-vingt (29). De même, trois frères dégénérés, dont les tailles sont comprises entre un mètre soixante et un mètre soixante-cinq, sont considérés comme des individus à stature élevée : il se peut toutefois que Morel écrive individu au lieu de dégénéré, ce qui change totalement le sens de sa phrase. Quoi qu’il en soit, à l’aide de ces quelques renseignements, on se rend compte que la norme est située entre 1,30 mètres et 1,60 mètres : la stature dite normale est loin d’être élevée. Il fallait donc être très petit pour rentrer dans le cadre de la pathologie.

D’autre part, l’homme sain est un être charnu (sans être trop ventru cependant) pour Belhomme, Gachet, Leven et Koeberlé (30) ; ses membres sont droits (31), sa peau claire (32), lisse lorsqu’il est enfant (33) et jamais bouffie (34). Il doit atteindre la maturité sexuelle : la femme a des seins, l’homme, un pénis et des testicules développés, les organes génitaux des deux sexes sont recouverts de poils et peuvent procréer (35). La tête doit être bien conformée : elle n’est ni trop petite par rapport à son corps (microcéphalie), ni trop grosse (macrocéphalie), elle ne doit pas être déformée (36) et elle se tient haute (37). Le nez est en relief et non pas écrasé ; les yeux, recouverts de paupières fines, ne louchent pas ; les dents sont saines et régulières ; les mâchoires doivent être au même niveau l’une par rapport à l’autre ; les lèvres sont plutôt fines ; la bouche est ordinairement fermée et cache une langue peu épaisse ; aucun tic nerveux n’agite un visage mobile mais sans excès, un visage avec des cils, des sourcils, et des oreilles bien détachées de la peau, montrant ainsi leur lobe, un visage sans pommettes saillantes, un visage détendu dont les ailes du nez ne sont pas contractées (38). Les mains doivent être bien dessinées (39). La marche est [p. 43] assurée (40) et les cinq sens fonctionnent, ce qui est au moins la garantie de la conservation de l’intégrité physique de l’être : par exemple, certains dégénérés sont peu sensibles à la douleur ce qui entraîne, sur leur corps, un nombre considérable de meurtrissures visibles par tout observateur (41). Ainsi, grâce à cette sorte de portrait-robot, de la normalité physique, élaboré à partir de faits pathologiques, on constate que, à l’exception de la qualité des dents, l’épaisseur des lèvres et l’importance des pommettes, le physique de l’homme mentalement sain et très éloigné du beau des arts plastiques. Celui-ci n’est d’ailleurs pas normal puisqu’il n’est pas partagé par la majorité des hommes et des femmes qui composent la société : le beau est l’exception. Nos médecins préfèrent retenir, comme formes de la santé physique et mentale, ce qui se retrouve presque invariablement chez tous les êtres humains. Cela nous amène à penser que ces psychiatres ne prenaient pas constamment pour des malades mentaux, et plus particulièrement pour ceux qu’ils appelaient les dégénérés, des gens qui ne l’étaient pas.

Ainsi, comme je le faisais remarquer plus haut, la taille est l’un des symptômes saillants de certaines aberrations chromosomiques. Certes, au XIXe siècle ces maladies sont très mal-connues, mais les aliénistes ont des prénotions médicales qui leur permettent, cependant, de retenir la taille comme un indice de folie héréditaire. Dans ce sens, tout au long du XIXe siècle, on reconnaît les trisomiques 21 notamment par leur petite taille, une taille qui est inférieure à un mètre quarante environ. Il est important de noter que c’est la petitesse de la taille qui est un symptôme de dégénérescence, et non pas une grande stature. Il n’est pas très facile d’expliquer cela, il existe cependant des constantes, dans l’attitude des aliénistes, qui peuvent étayer un début d’explication. Un certain nombre d’aliénistes pense, à l’époque, que les microcéphalies entraînent des déficiences intellectuelles graves. Dès lors, les psychiatres font la relation entre un petit crâne humain qui contient un petit cerveau, alors considéré comme le support matériel de l’intelligence, et un faible développement des facultés intellectuelles. De plus, dans certaines formes d’aliénation héréditaire (trisomie 21), la petite taille est habituelle. A priori, une petite stature n’est pas un symptôme pathologique puisque la nature nous (leur) montre des exemples d’animaux et d’humains beaucoup plus petits que leurs congénaires et parfaitement viables. Mais dans le cas de cette aberration [p. 44] chromosomique, il y a des manifestations nettement pathologiques (strabisme, leucose aiguë, hernie ombilicale, hypotonie musculaire…) qui, par analogie, font passer toutes les différences physiques (décrites plus haut) par rapport à l’être sain, pour un fait morbide : c’est ainsi qu’une petite stature devient, ajuste titre d’ailleurs, un symptôme pathologique. D’autre part, l’aliéniste a des réflexes mentaux communs à tous les êtres humains ; l’un d’eux veut faire de l’homme grand et musclé le symbole de la force. Dans ce sens, Jean-Louis Brachet est convaincu qu’un homme fort et athlétique a peu de chances de devenir hypochondriaque (42). On peut encore imaginer d’autres explications… Mais la grandeur de la stature ne fut pas le seul critère physiognomonique pris en compte par ces médecins ; Morel écrit (43) : « … Les idiots sont rachitiques, scrofuleux, épileptiques ou paralysés. La conformation du thorax tient peut-être également au principe rachitique et au défaut de la parole. Les idiots ont les bras d’inégale longueur, contractés, atrophiés ; les mains sont déformées, tordues, amincies. Les doigts sont effilés, crochus, estropiés ou privés de mouvement. Ils tendent les bras et les mains d’une manière convulsive ; ils saisissent gauchement les corps, ne peuvent les retenir et les laissent échapper de leurs mains ; ils marchent lourdement, ou par saccade, sont facilement renversés à terre ; il en est qui restent où on les place ; ceux qui marchent se meuvent sur eux-mêmes, sans but, sans qu’on puisse deviner ce qu’ils se proposent… ». Ainsi, le corps fournit d’autres symptômes de dégénérescence. Il y a, dans ce texte, une description très exacte de la pathologie du squelette et des muscles (atrophie des membres et des mains, dissymétrie des bras) et des difficultés de mouvement qui en découlent. Mais les aliénistes français d’alors prennent aussi en compte, pour leurs diagnostics, les abdomens gros et tendus (44), l’absence de poils et l’arrêt de développement des organes génitaux ; Doutrebente écrit à ce sujet (45) : « … Les organes génitaux, dans le cas de mauvaise accumulation héréditaire, présentent un arrêt de développement qui retarde ou annule la puberté et la fonction de reproduction… ». Doutrebente est peut-être le médecin de cette époque qui a le mieux décrit le mongolisme associé au syndrome de Klinefelter ; il nous fait prendre conscience, une fois encore, que le corps de l’aliéné est examiné avec précision par les psychiatres. Cet examen a d’ailleurs permis de recueillir un grand nombre de symptômes chromosomiques dès avant la totale compréhension de ces maladies. Mais [p. 45] nos médecins ne se sont pas contentés de regarder le corps de l’aliéné ; en fait, ils ont observé sa tête et sa face.

On sait, au XIXe siècle, que le cerveau est le support matériel des facultés intellectuelles. En toute logique, les altérations de ce support matériel entraînent une altération des capacités mentales. De même, si l’on enlève de la substance à cet organe, il y a forcément un amoindrissement du potentiel intellectuel. Aussi, certains médecins, véritables ancêtres de nos neurologues, ont été conduits à étudier le cerveau en pratiquent des dissections sur des organes prélevés sur des morts. Ils ont examiné, également, les crânes qui renfermaient ces cerveaux et ont alors cru qu’une mauvaise constitution de ceux-ci pouvait être un symptôme d’aliénation mentale. Les aliénistes français ont même essayé de savoir si toutes les formes de folie pouvaient avoir pour symptôme un crâne soit déformé, soit trop petit, soit trop grand. Force est de constater qu’ils furent d’une grande imprécision dans leurs analyses craniologiques. Pour Koeberlé (46), par exemple, le crétin nouveau-né a une tête grosse ou petite ! D’autres, comme Doutrebente, voulant à tort regrouper les aliénés héréditaires dans une même entité morbide caractérisée par des tendances physiognomoniques semblables, finissent par se tromper lourdement ; celui-ci écrit en 1869 (47) : « … on constate presque toujours chez les aliénés héréditaires, l’aplatissement bilatéral et l’exagération relative du diamètre antéro-postérieur, coïncidant aussi le plus souvent avec une dépression frontale, que caractérise le front fuyant… ». Dans le développement d’où est extraite cette portion de phrase, il est largement question de l’apparence physique des mongoliens, cependant, Doutrebente n’a pas remarqué que ceux-là ont en fait un diamètre antéro-postérieur réduit et une zone bilatérale en relief. Morel s’est lui aussi intéressé aux crânes des aliénés ; il est même fort probable qu’il ait, tout au long de sa carrière, relevé presque systématiquement les dimensions des crânes de ses patients. Il considère une grosse ou une petite tête, ou toute déformation de celle-ci, comme un symptôme important d’aliénation mentale. Par exemple, un certain Julien (48) cumule une microcéphalie avec un front fuyant et une tête en pointe ; ce sont des preuves évidentes de dégénérescence, d’ailleurs Morel l’affirme péremptoirement dans l’explication de la planche d’où est tiré la gravure reproduisant cette personne (49) : « … Julien, nous représente une de ces conformations vicieuses de la tête avec lesquelles je n’ai jamais vu coïncider l’existence des facultés intellectuelles… ». Morel, si sûr de lui, peut nous amener à penser que tous les aliénistes français du XIXe siècle étaient persuadés qu’il existait une relation étroite entre la folie et la structure du crâne alors que ce n’est absolument pas le cas.

En effet, dès 1807, Amard affirme (50) : « … la manie ne dépend d’aucun vice de conformation appréciable du crâne ni de la face… ». En 1837, Lélut écrit qu’un très petit cerveau, dans une très petite tête, entraîne un faible développement de l’intelligence, au contraire, un gros cerveau dans un gros crâne laisse supposer un esprit brillant : mais il ajoute qu’entre ces deux extrêmes il est impossible de déduire le degré de développement des facultés intellectuelles à partir de la grosseur de la boîte crânienne (annexe 2) ; et en 1861, le lucide Manuel Leven expose ses conceptions sur le sujet en ces termes (51) : « … Le crâne, l’encéphale, ne peuvent servir, dans l’état actuel de la science, à apprécier la puissance intellectuelle d’un individu… Les dimensions du crâne et le poids de l’encéphale de l’idiot sont très peu différents des dimensions du crâne et du poids de l’encéphale d’un homme d’une intelligence moyenne… ». Ainsi, les informations données par la forme et la grosseur du crâne n’étaient pas admisent, unanimement et sans critique, comme un symptôme d’aliénation mentale par tous les médecins de l’époque ; qu’en fut-il en ce qui concerne le visage ?

Le visage des mongoliens offre aux regards de nombreux et spectaculaires stigmates dysmorphiques. Ceux-ci furent remarqués et décrits par les aliénistes français dès le début du XIXe siècle au moins. C’est en partie dans l’étude des trisomiques 21 que la physiognomonie appliquée à la psychiatrie conquit ses bases scientifiques ; bases très solides car, tout au long des XIXe et XXe siècles, aucun médecin ne vint contester que ces nez écrasés, ces yeux louches, ces faces bouffies n’étaient pas des signes incontestables de folie héréditaire. On constate, d’ailleurs, que plus on avance dans le XIXe siècle, plus la description de la face du mongolien est précise, ce qui est la garantie d’une plus facile reconnaissance de la trisomie 21. Ainsi, au début de ce siècle, Belhomme ne décrit que les yeux louches, les dents gâtées, les lèvres épaisses et la bouche béante des idiots (52) alors qu’en 1862 Koeberlé, dans son analyse du crétin nouveau-né, est d’une plus grande précision (53) : « … Leur physionomie déjà ridée, vieillotte, bouffie, par suite de l’hypertrophie de la peau et du tissu connectif sous-dermique, offre une expression [p. 47] stupide. Le Front est bas, ridé ; les paupières sont épaisses, presque dépourvues de cils, cernées, de rides profondes ; le nez est aplati et ordinairement très déprimé à sa racine ; les pommettes sont plus ou moins saillante ;… ; la bouche est grande ; leur langue volumineuse fait saillie entre les lèvres épaisses ; … ». Mais si les descriptions sont de plus en plus exactes, il se glisse assez souvent des erreurs de détail comme dans cet extrait : la bouche du mongolien nouveau-né est petite et ses lèvres ne sont pas particulièrement grosses. Quoi qu’il en soit, les médecins qui s’occupent des aliénés héréditaires ne sont pas induits en erreur par ces quelques exagérations car ils ont tous tendance à rassembler le plus grand nombre de symptômes : on observe la face mais aussi la stature, le crâne, les antécédents familiaux, de même que l’expression du visage. En effet, l’expression du visage, même dans le cas du mongolisme qui est une maladie si facile à reconnaître, est examinée avec sérieux ; par exemple, Doutrebente fait très attention aux tics grimaciers, à la vivacité ou à la stupeur, phénomènes visibles grâce au jeu de la physionomie des aliénés héréditaires qu’il étudie (54). Enfin, il faut remarquer que d’autres désordres physiques caractérisant certaines déficiences mentales furent pris en compte. Ainsi, Morel (55) étudia avec une grande précision des goitreux de l’Est de la France : on aura vite compris que le renflement au niveau du cou, par exemple, fut tout de suite considéré, ajuste titre, comme un symptôme de cette maladie.

Mais les aliénés héréditaires ne furent pas les seuls à être regardés de la sorte. En fait, les psychiatres étudièrent les visages de toutes sortes de fous. Dans cet ordre d’idées, Esquirol est le premier aliéniste de renom à avoir insisté sur l’importance de la physiognomonie dans l’étude de l’aliénation mentale ; il écrit d’ailleurs à ce sujet en 1818 (56) : « L’étude de la physiognomonie des aliénés n’est pas un objet de futile curiosité, cette étude aide à démêler le caractère des idées et des affections qui entretiennent le délire des malades… ». Esquirol a beaucoup étudié les passions des aliénés ; sa thèse de médecine, du reste, portait sur ce sujet (57). Dès cette époque, il observe les manifestations physiques de ces passions, manifestations physiques qui sont considérées avec les passions comme des preuves d’aliénation mentale. Dans la deuxième décennie du XIXe siècle, il demande à Gabriel [p. 48] de dessiner plus de deux cent aliénés ; quelques-uns de ces dessins seront publiés en 1838 dans sa somme sur les maladies mentales (58). A titre d’exemple, deux dessins (59) montrent une maniaque pendant et après l’accès d’agitation. Nous remarquons que la manie, pour Esquirol, est caractérisée par une contraction des traits et un désordre de la coiffure : la malade est agitée et manifestement en colère. Nous voyons, là encore, que la physiognomonie appliquée à la psychiatrie s’appuya sur la réalité, et surtout qu’elle ne sombra pas dans l’irrationnel comme elle le fit dans le domaine des arts. On peut d’ailleurs donner de nombreux exemple de sérieux de ces médecins. Ainsi, un dessin et son commentaire, les deux figurant dans un livre de Morel (60), prouvent que ce médecin classait, a juste titre, dans la pathologie mentale, les grimaces, les mines, les manières et les gesticulations d’un certain Didiche. Mais c’est très certainement Laurent qui poussa le plus loin ses analyses physiognomoniques. En 1863, il publie le résultat de ses recherches dans les Annales médico-psychologiques(61). Il écrit clairement que la face des aliénés montre les passions qui les agitent par le mouvement du visage, et non pas par la forme des chaires, ni la couleur des cheveux. Puis, il en vient à décrire, avec une grande précision, la physionomie des malades dans chaque genre de folie. Par exemple, sa description de la période d’invasion de la manie (annexe 3) nous montre qu’il connaît parfaitement la presque totalité des manifestations faciales de l’excitation. Mais il sait aussi parfaitement reconnaître, sur un visage, une lypémanie (la dépression nerveuse) ou une démence. Il ne faut pas oublier, néanmoins, que tous les psychiatres français du XIXe siècle ne furent pas tous aussi sérieux et observateurs que Laurent ; des exagérations furent commises mais elles n’entraînèrent pas forcément d’énormes erreurs de diagnostic car les aliénistes cherchaient d’ordinaire à rassembler le plus de symptômes possible avant de rendre un avis : je pense qu’une physionomie « vicieuse » ne fut pas souvent considérée à elle seule comme une preuve de folie.

On peut, dès lors, déduire quelques grandes tendances de ce qui vient d’être dit. Il est évident, tout d’abord, que les psychiatres de l’époque ne se comportent pas tous de la même façon face à la recherche de la distinction entre la raison et la folie. On pourrait croire [p. 49] que cela est le reflet de la présence de plusieurs écoles de pensée, mais il n’en est rien : il s’agit en fait d’une lacune méthodologique. Celle-ci les préoccupa énormément car nous les avons vu non seulement essayer de la combler, en tentant d’introduire des méthodes scientifiques (c’est-à-dire en introduisant pour point de référence la réalité des symptômes de la folie), mais aussi admettre leur faiblesse face à celle-ci. Par ailleurs, on aura remarqué que ce qu’ils considéraient comme la norme de la raison et du physique de l’homme mentalement sain n’était pas proche de l’absolue beauté, ni de la raison pure. En effet, on perçoit, non pas clairement mais d’une manière diffuse, qu’ils préféraient se contenter de la moyenne, de ce juste milieu se situant entre deux extrêmes : leur définition du normal n’avait rien à voir avec ce que les philosophes appelle un absolu, c’est-à-dire ici le degré ultime de l’idéal.

ANNEXE I

Leuret, Fragments psychologiques sur la folie, Paris, 1834, p. 76 à 83.

… Avec les mêmes idées, on peut donc être regardé comme sage ou comme aliéné ; … L’homme est la mesure de tout. Notre raison est la mesure de la folie des autres. Plus nous sommes clairvoyants et plus nos jugements ont de sévérité… Pour qu’une action soit raisonnable, il ne suffit donc pas qu’elle ait un but, ni que ce but soit digne d’approbation. Il faut en outre que les moyens employés pour y arriver soient de nature à y conduire… Beaucoup d’aliénés se comportent d’une manière analogue à l’homme en état d’ivresse. Aussi raisonnable ou, pour m’exprimer avec plus de justesse, non plus déraisonnables que les autres hommes, quant à leur but, ils extravaguent seulement dans le choix des moyens [pour arriver à ce but]… On s’est dit, la main sur la conscience : à la place de ceux que vous appelez fous, j’en aurais fait autant : je ne suis pas fou, donc les gens dont vous parlez ne le sont pas non plus. Pourtant leurs pensées, leurs actions sont bien folles ! D’accord. Eh bien ! Ce sont des folies propres aux gens raisonnables. Pour que ces folies rendent un homme fou, il faut qu’elles se trouvent en opposition avec le temps dans lequel on vit, avec les hommes dont on est entouré ; il faut qu’elles aient une fixité qui résiste à l’exemple, à la persuasion… Il faut que nous prenions ce biais pour ne pas trop rétrécir le champ de la raison ; autrement nous serions obligés de mettre la majeure partie des hommes hors de la loi…

[p. 50]

ANNEXE II

Lélut, Du développement du crâne considéré dans ses rapports avec celui de l’intelligence, Extrait de la gazette médicale de Paris, 1837, p. 28.

… Mais, s’il ne doit pas en être ainsi, si les résultats auxquels j’ai été amené sont l’expression de la vérité, d’où vient le préjugé moderne d’une relation étroite et nécessaire entre un vaste crâne et une grande intelligence ? Pourquoi ces coiffures qui élèvent le front, ces bons offices du rasoir qui le dégarnit ? C’est qu’aux deux extrémités de l’échelle psychologique, mais surtout à son extrémité inférieure, une très grande ou une très petite masse cérébrale se lie en effet assez étroitement à un grand ou à un très minime développement de l’intelligence, et que le front, assez généralement parlant, est comme l’enseigne de ce développement. Mais dans les degrés intermédiaires, combien de causes d’erreur ou de prévention ! Ces haillons de la misère et de l’imbécillité, ce crâne sale et nu, ces cheveux près rasés et aplatis sans soin sur les tempes, cet air d’hébétude qui rapetisserait de moitié le front de Jupiter Olympien lui-même… en est-ce assez pour rabaisser et rétrécir, aux yeux de l’imagination même la moins prévenue, le front des idiots et des imbéciles ? Supposez, je vous prie, dans des conditions semblables et avec de pareilles physionomies, tous les crânes réunis de l’Académie des sciences de Paris et de la Société royale de Londres, et vous pourrez bien sur beaucoup d’entre eux commettre une erreur analogue à celle qui a souvent fait sourire un célèbre physiologiste, lorsqu’il montrait comparativement aux amateurs de phrénologie le crâne de Laplace, et celui, je crois, d’une négresse imbécile. C’est cette impossibilité d’établir des rapports constants d’une part entre les phénomènes de la pensée, d’autre part entre le développement soit général, soit frontal du cerveau, et les diverses autres conditions anatomiques actuellement connues de la masse encéphalique : c’est cette impossibilité, dis-je, qui a fait admettre, de toute antiquité, dans l’étiologie des actes intellectuels, une inconnue à laquelle on a donné le nom d’âme, sorte d’X algébrique, dont l’élimination, après tant de siècles, reste encore à opérer…

[p. 51]

ANNEXE III

Laurent, « De la physionomie chez les aliénés », Annales médico-psychologiques, Paris, 1863, t. 1, p. 367 et 368.

… C’est à la période d’invasion que le masque de la manie se dessine d’une manière incontestable. La tête, quoique très mobile, est d’ordinaire haute ; la face présente une coloration rouge générale, à laquelle participent quelquefois les oreilles ; les traits sont tendus, surtout dans les moments d’agitation violente ; les veines frontales, temporales et jugulaires sont gonflées, les yeux saillants, étincelants, la sclérotique brillante, humide, les vaisseaux de La conjonctive injectés et apparents ; la pupille est petite, contractée, les mouvements des paupières fréquents, énergiques, le regard mobile, fixe ou menaçant, quand se manifestent des illusions ou des hallucinations. Les ailes du nez présentent de la mobilité, les narines sont arides, les cheveux et le système pileux de la face offrent de la sécheresse, du désordre. Le besoin de mouvement est surtout ce qu’il y a de plus saillant. L’excitation centrale paraît se localise de préférence dans les organes du mouvement. Il est presque impossible, dans cette révolution physionomique de la face, de faire la part qui appartient à chacune des facultés. Le surcroît d’activité des sens et du système nerveux devient une source abondante de sensations et de sentiments de toutes sortes ; le rire, le pleurer se remplacent facilement ; les idées arrivent avec promptitude ; leurs combinaisons les plus bizarres peuvent avoir lieu. La réflexion, loin de s’accroître en puissance, de pair avec l’accroissement de l’activité, est, au contraire, presque impossible. Le plus souvent, on ne distingue rien sur ce fond, en proie à une violente excitation, qu’une confusion profonde dans tout l’élément psychique, qu’un trouble général, qu’on ne peut désigner que par le mot de désordre…

Laurent SUEUR.

Notes

(1) Canguilhem (Georges), Le normal et le pathologique, Paris, 1943. Revue historique,

(2) Voltaire, Dictionnaire philosophique, rééd. de Gamier-Frères, Paris, 1967, p. 205, article « folie ».

(3) B.N. 8°TH. M. Montpellier 295 n° 65, Béraud, Essai sur la folie, thèse de médecine de Montpellier, 1858, p. 25-26.

(4) B.N. 8°TH. M. Montpellier 286 n° 1, Berthier (Pierre), De la nature de l’aliénation mentale, thèse de médecine de Montpellier, 1857, p. 40.

(5) Berthier (Pierre), Médecine mentale, 2e étude : Des causes, Paris-Lyon, 1860, p. 104.

(6) Leuret, Fragments psychologiques sur la folie, Paris, 1834, p. 307-308.

(7) Fodéré, Traité du délire, appliqué à la médecine, à la morale, et à la législation, Paris, 1817, 2 vol., t. 1, p. 327.

(8) Moreau de Tours, Du hachisch et de l’aliénation mentale, études psychologiques, Paris, 1845, p. 350-351 ; rééd. en fac-similé par Slatkine, 1980.

(9) Moreau de Tours, De l’identité de l’état de rêve et de la folie, Extrait des Annales médico-psychologiques, Paris, 1855, p. 42.

(10) Moreau de Tours, Du hachisch…, p. 351.

(11) Bourdin, De l’hallucination improprement appelée physiologique, Extrait des Annales médico-psychologiques, Paris, 1856, p. 6-7.

(12) Jousset, De l’aliénation et de la folie, leur distinction et leur classification, Extrait de l’art médical, Paris, 1865.

(13) Baillarger, Essai sur une classification des différents genres de folie, Extrait des Annales médico-psychologiques, Paris, 1853, p. 1 ; et aussi : Essai de classification des maladies mentales, Paris, 1854, p. 8 (sur la définition de la conscience), p. 10 (sur la définition de la folie), p. 13 et 14.

(14) Gachet, Étude sur la mélancolie, Montpellier, 1858, p. 16 et note de cette même page.

(15) Castel (Robert), L’internement psychiatrique, médecins, familles, hôpitaux et la loi de 1838, Paris, 1979. Gauchet (Marcel) et Swain (Gladys), La pratique de l’esprit humain : l’institution asilaire et la révolution démocratique, Paris, 1980. Quétel (Claude), La loi de 1838 sur les aliénés, 2 vol., Paris, éditions Frénésie, 1988. Goldstein (Jan), Console and classify : the French psychiatrie profession in the 19the c., Cambridge, G.B., 1987.

(16) Berthier (P.), Médecine mentale…, p. 104.

(17) Renaudin, Études médico-psychologiques sur l’aliénation mentale, Paris, 1854, p. 11.

(18) Il est probable qu’à l’époque les asiles renfermassent plus d’empereurs qu’aujourd’hui. Citons, pour l’exemple, cette phrase de Joseph Combe, malade atteint de monomanie ambitieuse, qui s’adresse, un jour de 1844, à Sauze, inspecteur du service des aliénés des Bouches-du-Rhône, en ces termes : « … Monsieur, je ne suis pas qui l’on pense, et puisqu’il faut vous le dire, le grand Napoléon est mon père… » (A.N. F/15/3899, Rapport de M. Sauze sur l’établissement de St Rémy dirigé par M. Mercurin ; il est daté de Marseille le 21 octobre 1844).

(19) Turck, Nouveau mémoire sur la nature et le traitement de la folie, Paris, 1862, p. 11.

(20) Falret, De l’aliénation mentale, Extrait du Dictionnaire des études médicales pratiques, Paris, 1838, p. 1 et 2.

(21) Sueur (Laurent), « Les classifications des maladies mentales, en France, dans la première moitié du XXe siècle », Revue Historique, n° 586, p. 483 à 509, Paris, 1994.

(22) Moreau de Tours, Un chapitre oublié de la pathologie mentale, Extrait de l’Union médicale, Paris, 1850, p. 6 et 7.

(23) Georget, De la folie, ou aliénation mentale, Extrait du Dictionnaire de médecine, Paris, 1823, p. 3.

(24) Sueur (L.), op. cit.

(25) Voir à ce sujet l’article « Physiognomonie » de l’Encyclopoedia Universalis, t. 18, p. 234 à 244, Paris, 1990.

(26) Gilman (Sander L.), Disease and représentation : images of illness from madness to aids, New York, 1988, p. 28.

(27) Leven, Parallèle entre l’idiotie et le crétinisme, Paris, 1861, p. 30 et s.

(28) Morel, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives, Paris, 1857, Atlas, p. 9.

(29) Morel, op. cit.,p. 17.

(30) Belhomme, Essai sur l’idiotie, proposition sur l’éducation des idiots, mise en rapport avec leur degré d’intelligence, Paris, 1824-1843, p. 21. Gachet, op. cit.,p. 43. Leven, op. cit.,p. 30. Koeberlé, Essai sur le crétinisme, Strasbourg, 1862, p. 67.

(31) Doutrebente, « Étude généalogique sur les aliénés héréditaires », Annales médico-psychologiques, Paris, 1869, p. 205.

(32) Gachet, op. cit.,p. 43.

(33) Koeberlé, op. cit.,p. 67.

(34) Leven, op. cit.,p. 30. Belhomme, op. cit.,p. 21.

(35) Leven, op. cit.,p. 29-30. Doutrebente, op. cit.,p. 205.

(36) Leven, op. cit.,p. 29-30. Koeberlé, op. cit.,p. 67. Doutrebente, op. cit.,p. 205. Belhomme, op. cit.,p. 21.

(37) Aubert, De la démence, Paris, 1862, p. 9.

(38) Aubert, op. cit.,p. 9-10. Baillarger, Essai sur…, p. 10. Belhomme, op. cit.,p. 21. Doutrebente, op. cit.,p. 205-206. Georget, op. cit.,p. 67. Koeberlé, op. cit.,p. 67. Laurent, « De la physionomie chez les aliénés », Annales médico-psychologiques, Paris, 1863, t. 1, p. 367 à 399. Leven, op. cit.,p. 30.

(39) Koeberlé, op. cit., p. 67.

(40) Belhomme, op. cit.,p. 21.

(41) Belhomme, Ibid. Koeberlé, op. cit.,p. 67-68. Morel, Études cliniques. Traité théorique et pratique des maladies mentales considérées dans leur nature, leur traitement et dans leur rapport avec la médecine légale des aliénés, 2 vol., Nancy, 1852-53, t. 1, p. 13 et 14.

(42) Brachet, Traité complet de l’hypochondrie, Paris-Lyon, 1844, p. 399.

(43) Morel, Études cliniques…, t. 1, p. 7-8.

(44) Par exemple Leven, op. cit.,p. 34, observation n° 1.

(45) Doutrebente, op. cit.,p. 206.

(46) Koeberlé, op. cit.,p. 67.

(47) Doutrebente, op. cit.,p. 205.

(48) Morel, Traité des dégénérescences…, Atlas, p. 18.

(49) Morel, Ibid.

(50) Amard, Traité analytique de la folie, et des moyens de la guérir, Lyon, 1807, p. 52.

(51) Leven, op. cit., p. 33.

(52) Belhomme, op. cit., p. 21.

(53) Koeberlé, op. cit.

(54) Doutrebente, op. cit.,p. 205.

(55) Morel, Traité des dégénérescences…, Atlas, p. 11 et 12.

(56) B.N., Réserve des estampes, JF 29/4°, Gabriel (Georges-François-Marie),Têtes d’aliénés dessinées par Gabriel pour un ouvrage de Monsieur Esquirol relatif à l’aliénation mentale, recueil de dessins préfacés par Esquirol en 1818 et acquis par la Bibliothèque nationale en 1831.

(57) Esquirol, Des passions, considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de l’aliénation mentale, Paris, an XIV.

(58) Esquirol, Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, Paris, 1838, 2 vol. [réédition en 1 vol. Frénésie Édition, Paris].

(59) Esquirol, Des maladies…, vol. 2, planches VIII et IX.

(60) Morel, Études cliniques…, vol. 1, p. 56 et 56bis.

(61) Laurent, « De la physionomie chez les aliénés », Annales médico-psychologiques, Paris, 1863, p. 181 à 208 et 363 à 399.

 

 

 

 

 

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