Edmund Gurney, Frederic William Henry Myers & Frank Podmore. Rêves. – Le chapitre VII paru dans l’ouvrage : Les hallucinations télépathiques, Traduction abrégée de : Phantasms Of The Livings,L. Marillier. Avec une préface de M. Charles Richet. Quatrième édition revue. Paris, Félix Alcan, 1905, [pp. 97-115]
Edmund Gurney (1847-1888). Psychologue et para-psychologue anglais. En ce qui concerne la recherche psychique , il demande s’il existe une région inexplorée de la faculté humaine transcendant les limites normales de la connaissance sensible.
Frederic William Henry Myers (1843-1901). Philologue et poète anglais. Il fut aussi inspecteur des écoles.
Frank Podmore (1856-1910). Écrivain et parapsychologue anglais. Il se spécialisa dans la collecte des témoignages d’apparitions de fantômes et autres apparitions.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’ouvrage. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – Les images ont été ajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr
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CHAPITRE VII
RÊVES.
1. —Les rêves nous permettent d’étudier les phénomènes qui occupent une situation intermédiaire entre l’idée ou l’image purement internes, et l’image objectivée qui est devenue sensation. Les objets matériels que nous voyons en rêve sont souvent des images très vagues qui ne sont rapportées à aucune place particulière, C’est l’idée générale d’une personne qui nous apparait, bien plutôt que cette personne même dans une attitude spéciale ou vêtue d’un vêtement particulier. Un pareil rêve ne diffère de la rêverie de l’homme éveillé que par ce fait que dans le rêve le champ de l’attention n’est occupé alors par aucune sensation réelle.
Mais de celle espèce de rêve, vague et confus encore, nous pouvons nous élever par degrés jusqu’à un rêve où les images, à la fois intenses et nettes, soient aussi frappantes que les sensations mêmes que nous donnent les objets pendant la veille. A tous ces degrés divers du rêve nous constaterons la présence de phénomènes qui semblent pouvoir être rapportés à la télépathie.
Tant que dure notre rêve, les images qui nous apparaissent, indistinctes ou précises, faibles ou intenses, sont, pour nous, aussi indépendantes de notre esprit que pendant la veille les objets qui nous entourent, Mais, une fois que nous sommes éveillés, nos rêves nous semblent avoir perdu leur réalité, nous ne leur attribuons plus aucune valeur objective, nous ne les prenons plus pour des objets réels. Il n’en est point ainsi des impressions éprouvéespendant la veille, impressions auxquelles nous attribuons une valeur objective, aussi bien lorsque nous avons cessé de les éprouver qu’au moment même où nous en sommes les sujets. Les impressions que nous étudions dans ce livre, les impressions télépathiques n’ont à nos yeux aucune [p. 98] base objective d’ordre matériel. Aussi le sujet qui les perçoit est-il à quelques égards dans la même situation que l’esprit de l’homme endormi ; le point de départ de ses sensations est dans les centres cérébraux et non point dans les organes des sens. Nous avons une tendance à attribuer une cause matérielle, extérieure à nous, à toutes les impressions de la veille ; nous n’avons point la méme tendance à attribuer aux rêves une pareille cause. Aussi nous a-t-il paru utile de commencer notre étude par l’étude des rêves.
2. — Mais bien que les rêves nous offrent un point de départ logique pour les recherches que nous avons entreprises, il ne faut point nous dissimuler que les preuves que nous pouvons retirer de leur examen sont les plus faibles de toutes celles que nous avons recueillies.
La première objection que l’on peut faire c’est que les rêves sont souvent confus et obscurs et que la connaissance du fait réel peut après coup donnée à notre souvenir, une précision et une clarté que n’avait point l’image qui nous est apparue. Mais il y a une objection plus générale et plus grave encore. Toutes les nuits, des millions de personnes rêvent ; il n’est donc point étonnant que parmi ces millions et ces millions d’images qui traversent des millions d’esprits, il y en ait quelques-unes qui coïncident par hasard avec des faits réels.
Disons tout, d’abord qu’il est très difficile de répondre à cette objection en l’absence de toute enquête statistique sur les rêves ; nous ne savons pas avec, certitude quelle est la proportion des gens qui rêvent habituellement ; nous ne savons pas quelle est la proportion des rêves dont on se souvient, quelle est la proportion de ceux dont le souvenir est profond et durable. Depuis trois ans, on a fait des recherches dans cette direction, et bien que le résultat de ces recherches ne permettent pas encore de fonder la preuve de la télépathie sur l’étude des rêves seuls, il semble cependant qu’elle rendre moins vraisemblable qu’on puisse expliquer par le hasard les coïncidences entre les rêves et les événements extérieurs.
3. — Les deux points qu’il importe de considérer, c’est l’intensité et le contenu du rêve. Voici d’abord ce qui regarde l’intensité. On ne se souvient distinctement plusieurs heures [p. 99]après le réveil que d’un très petit nombre de rêves. Parmi les rêves dont nous nous souvenons, il en est très peu dont le souvenir produise en nous une émotion vive et c’est un très petit nombre de ces rêves plus émouvants que les autres qui nous déterminent à des actes. Or c’est à ce petit groupe de rêves exceptionnellement intenses que nous limiterons nos recherches. L’on voit que si les coïncidences peuvent aisément s’expliquer par le hasard, si l’on fait entrer en ligne de compte cette foule innombrable de rêves qui, chaque nuit, traversent les esprits des hommes, cette explication perd beaucoup de sa valeur, si c’est ce groupe défini et fort restreint de rêves dont nous venons de parler qui devient l’objet de cette enquête.
Voici maintenant ce qui regarde le contenu. Pour que nous puissions attacher quelque importance à une coïncidence entre un rêve et un événement réel, il faut que l’événement dont on a rêvé soit précis, inaccoutumé et inattendu. Si un rêve n’est qu’une vague impression de malheur ou de bonheur, s’il a pour objet une catastrophe à laquelle pensait déjà le dormeur, ou quelque événement qu’il ait eu fréquemment l’occasion de voir pendant qu’il était éveillé, la coïncidence de ce rêve avec un fait réel, ne saurait rien prouver. Il faut tenir compte, enfin, des habitudes du dormeur ; le fait qu’une personne aurait rêvé de la mort soudaine d’un ami, aura une valeur beaucoup moins grande, si cette personne rêve d’ordinaire d’événements horribles ou douloureux. Si on examiné les rêves auxquels nous attribuons une origine télépathique, on sera frappé par ce fait que, sur 149 coïncidences que nous avons relevées, il y en a 79 où l’événement réel est la mort d’une personne. Or dans l’ensemble des rêves, les rêves de mort ne constituent qu’une très petite proportion. C’est donc à un groupe restreint de rêves que nous avons affaire en réalité. Dire que nous ne nous souvenons de la coïncidence que lorsque l’événement réel est une mort est un mauvais argument. Il faudrait, en effet, étant donné le petit nombre de rêves qui se rapportent à la mort, admettre que ces rêves ne constituent qu’une très petite proportion de ceux qui coïncident par hasard avec des incidents réels. Cela contraindrait donc les partisans de la théorie du hasard à multiplier presque indéfiniment le nombre des coïncidences, ce qui vu à l’encontre [p. 100] de l’argument sur lequel ils s’appuient pour repousser comme inutile l’hypothèse de la télépathie.
4. — Les rêves qui se rapportent à la mort de quelqu’un sont d’une espèce assez définie pour qu’ils, puissent devenir l’objet d’une recherche statistique ; c’est en grande partie de la proportion du nombre de ces rêves au chiffre total de la population qui nous pourrons tirer des arguments pour ou contre la valeur des coïncidences que nous aurons constatées. Cette enquête, nous l’avons entreprise à partir de l’hiver 1883, Nous nous sommes adressés à un assez grand nombre de personnes, et à des personnes de situations et classes assez diverses pour que le résultat de nos recherches s’applique à l’ensemble de la population anglaise. Voici le questionnaire qui avait été envoyé.
Depuis le 1erjanvier 1874, avez-vous jamais rêvé de la mort d’une personne de votre connaissance ; Ce rêve vous a-t-il particulièrement frappé ; et vous en est-il resté une impression angoissante pendant une heure au moins après vous être levé ? Cette question a été posée à 5.360 personnes en l’an 185-86. De ces personnes, 173 ont répondu : « Oui ». 7 d’entre elles étaient, au moment où elles ont fait ce rêve, extrêmement inquiète de la personne dont elles ont rêvé. Le nombre des « oui » s’élève donc en réalité à 166 ; mais 18 personnes nous ont dit avoir eu un rêve de cette sorte plus d’une fois ; si nous supposons que, chacune d’elle en a éprouvé 3, cela ,nous conduira à ajouter 36 au nombre primitif de 166. Le total est donc de 202, c’est à dire que 1/26edu nombre total des personnes interrogées peut être considéré comme ayant répondu « oui ».
Il serait aisé de montrer qu’il importe peu que nous étendions ou que nous restreignions le sens du mot « personne de votre connaissance ». en effet, quel que soit le nombre de personnes que nous considérons, en un temps donné, il en mourra une même proportion. Supposons que le nombre de connaissances de quelqu’un soit xpersonnes qui ont dû mourir dans la période de 12 ans que nous avions indiquée. Et cette proportion, étant donnée la moyenne annuelle des morts, 22/1000, est de 264 ou un peu plus du quart. Voici donc comment nous pourrons calculer la probabilité des coïncidences. La [p. 101] probabilité qu’une personne, prise au hasard, ait en en 12 années un rêve intense se rapportant à la mort de quelqu’un est de 1/26e. La, probabilité que quelqu’un soit mort dans les 12 heures qui précèdent ou qui suivent un moment déterminé du temps, est de 22/1000 x 1/365 ; d’où la probabilité qu’en 12 ans un rêve intense de mort et la mort de la personne dont on a rêvé, tombe en même espace de 12 heures est de 1/26 x 22/1000 x 1/365 = 1/431363 ; c’est-à-dire que, dans chaque groupe de 431,363 personnes que l’on peut trouver dans la population du Royaume-Uni, il y aura une coïncidence de cette espèce dans le temps donné.
Le nombre de rêves intenses se rapportant à la mort, et postérieurs au 1erjanvier 1874 (l’enquête a été arrêtée au commencement de 1886 et séparés par moins de douze heures de la mort de la personne à qui ils se rapportaient est de 24 ; c’est-à-dire que ce nombre est vingt-quatre fois plus grand que la théorie du hasard ne nous permettrait de l’attendre. Et ce nombre est probablement beaucoup au-dessous de la vérité.
On ne peut attaquer noire raisonnement qu’en montrant, ou bien que les coïncidences que nous avons rapportées sont inexactes, ou bien qu’il y a eu dans les 12 dernières années plus d’une personne sur 26 qui, sans cause particulière, ail rêvé de la mort d’une personne de sa connaissance. Ajoutons que dans un très grand nombre des cas que nous avons recueillis, le caractère exceptionnel des rêves a été remarqué au moment même et avant que l’événement réel fût connu. Cette impression produite par, le rêve sur celui qui l’a rêvé, a été notée ou racontée à d’autres personnes que nous avons pu interroger, ou a déterminé enfin quelque acte dont le sujet a conservé le souvenir.
XXVI. (23) Frédéric Wingfield, Belle-Isle-en-Terre (Côtes du-Nord) :
Le 20 décembre l883,
Jevous donne l’assurance la plus ferme que tout ce que je vais vous raconter est le compte rendu exact de ce qui s’est passé. Je puis faire remarquer que je mérite si peu l’accusation de me laisser facilement impressionner par. le surnaturel que j’ai été accusé, et à juste titre, d’être d’un scepticisme exagéré à l’égard des choses que je ne puisexpliquer. [p. 102]
Dans la nuit du jeudi 25 murs 1880, j’allai me coucher après avoir lu assez tard, comme c’était mon habitude. Je rêvai que j’étais étendu sur mon sofa et que je lisais, lorsqu’en levant mes yeux je vis distinctement mon frère, richard Wingfield-Baker, qui était assis sur une chaise devant moi. Je rêvai que je lui parlais, mais qu’il inclinait simplement la tête, en guise de réponse, puis se levait et quittait la chambre. Lorsque je me réveillai, je constatai que j’étais debout, un pied posé par terre près de mon lit et l’autre sur mon lit, et que j’essayais de parler et de prononcer le nom de mon frère. L’impression qu’il était réellement présent était si forte ,et toute la scène que j’avais rêvée était si vivante que je quittai la chambre à coucher pour chercher mon frère dans le salon. J’examinai la chaise où je l’avais vu assis, je revins à mon lit et j’essayai de m’endormir, parce que j’espérais que l’apparition se produirait de nouveau, mais j’avais l’esprit trop excité, trop péniblement troublé par le souvenir que je gardais de mon rêve. Je dois cependant m’être endormi vers le matin, mais lorsque je me réveillai l’impression de mon rêve était aussi vive que jamais et je peux bien ajouter qu’elle est restée jusqu’à cette heure même aussi forte et aussi claire. Le sentiment que j’avais d’un malheur imminent était si forte que je notai cette « apparition » dans mon journal, et que j’ajoutai les mots : « Que Dieu l’empêche ! »
Trois jours après je reçus la nouvelle que mon frère Richard Wingfield-Baker était mort le jeudi soir, 25 mars 1880, à huit heures et demie, des suites. de blessures terribles qu’il s’était faites dans une chute en chassant avec les chiens de Blackmore Vale.
Je dois seulement ajouter qu’il y avait un an que j’habitais cette ville, que je n’avais pas de nouvelles récentes de mon frère, que je le savais en bonne santé et que c’était un parfait cavalier. Je n’ai communiqué mon rêve immédiatement à aucun de mes amis intimes, parce que malheureusement aucun de mes amis n’était auprès de moi à ce moment, mais je racontai l’histoire après avoir reçu la nouvelle de la mort de mon frère, et je montrai la note que j’avais écrite dans mon journal. Je n’ai naturellement pas de preuves, mais je vous donne ma parole d’honneur que les choses se sont passées exactement comme je les raconte,
Fred WINGFIELD.
Le 4 février 1884,
Je dois vous expliquer mon silence : mon excuse, c’est qu’il m’a fallu attendre jusqu’à aujourd’hui pour avoir de mon ami, le prince de Lucinge-Faucigny, une lettre où il atteste que je lui ai raconté les détails de mon rêve du 25 mars 1880. Lorsqu’il vint de Paris pour passer quelques jours avec moi au commencement d’avril, il vit lanote que j’avais écrite dans mon journal et que je vous envoie ci-jointe. [p. 103] Vous remarquerez les initiales R. B. X. B. ; une histoire curieuse est attachée à ces lettres. Pendant cette nuit d’insomnie, je me préoccupai naturellement de l’incident ct je me rappelai les circonstances dont l’apparition était accompagnée.
Quoique j’eusse distinctement reconnu les traits de mon frère, l’idée me vint que la figure avait une légère ressemblance avec celle de mon ami le plus intime et le plus cher, le colonel Bigge. Dans ma crainte qu’un malheur menaçât quelqu’un à qui je suis si fortattaché, j’écrivis les quatre initiales R. B., pour Richard Baker, et W. B., pour William Bigge. Quand la nouvelle de la mort de mon frère arriva, je regardai de nouveau la note et je vis à mon grand étonnement que les quatre initiales étaient celles du nom complet de mon frère : Richard Baker Wingfield Baker, quoique je l’eusse toujours appelé comme tout le reste de la famille : Richard Baker. La figure que j’avais vue était celle de mon frère, mais, dans l’état d’anxiété où j’étais, je me tracassais de la pensée que ce pouvait bien être celle de mon vieil ami. Il y avait une ressemblance entre lin frère et mon ami dans la manière de porter la barbe. Je ne puis vous donner d’autres explications, ni produire d’autre témoignage pour confirmer mes assertions,
Fred. WINGFIELD.
- Wingfield m’a envoyé avec cette lettre son carnet dans lequel, parmi bon nombre de notes d’affaires, etc., je relève cette mention : « Apparition, nuit du jeudi 25 mars 1880, R. B. W. B. Que Dieu l’empêche ! »
La lettre suivante était jointe à cette note :
Coat-an-nos, 2 février 1884.
Mon cher ami, je n’ai aucun effort de mémoire à faire pour me rappeler le fait dont vous me parlez, car j’en ai conservé un souvenir très net et très précis. Je me souviens parfaitement que le dimanche 4 avril 1880, étant arrivé de Paris le matin même pour passer ici quelques jours, j’ai été déjeuner avec vous. Je me souviens aussi parfaitement que je vous ai trouvé fort ému de la douloureuse nouvelle qui vous était parvenue quelques jours auparavant de la mort de l’un de MM. vos frères. Je me rappelle aussi, comme si le fait s’était passé hier, tant j’en ai été frappé, que, quelques jours avant d’apprendre la triste nouvelle, vous aviez, un soir, étant déjà couché, vu, ou cru voir, mais en tout cas très distinctement, votre frère, celui dont vous veniez d’apprendre la mort subite, tout près de votre lit, et que, dans la conviction où vous étiez que c’était bien lui que vous perceviez, vous vous étiez levé et lui aviez adressé la parole, et qu’à ce moment vous aviez cessé de le voir comme s’il s’était évanoui ainsi qu’un spectre. [p. 104] Je me souviens encore que, sous l’impression bien naturelle qui avait été la suite de cet événement, vous l’aviez inscrit dans un petit carnet où vous avez l’habitude d’écrire les faits saillants de votre très paisible existence, et que vous m’avez fat voir ce carnet. Cette apparition, cette vision ou ce songe, comme vous voudrez l’appeler, est inscrit, si j’ai bon souvenir, à la date du 24 ou du 25 février (1), et ce n’est que deux ou trois jours après que vous avez reçu la nouvelle officielle de la mort de votre frère.
J’ai été d’autant moins surpris de ce que vous me disiez alors, et j’en ai conservé un souvenir d’autant plus net et précis, comme je vous le disais en commençant, que j’ai dans ma famille des faits similaires auxquels je crois absolument.
Des faits semblables arrivent, croyez le bien, plus souvent qu’on ne le croit généralement ; seulement on ne veut pas toujours les dire, parce que l’on se méfie de soi ou des autres.
Au revoir, cher mi ; à bientôt, je l’espère, et croyez bien à l’expression des plus sincères sentiments de votre tout dévoué.
Faucigny, Prince Lucinge.
- Wingfield ajoute en réponse à nos questions :
Je n’ai jamais eu d’autres rêve effrayant de la même espèce, ni d’autres rêves d’où je le sois éveillé avec une pareille impression de réalité et d’inquiétude, et dont l’effet ait duré si longtemps après mon réveil ; je n’ai jamais eu en aucune occasion d’hallucination des sens.
La nécrologie du Times du 30 mars 1880 annonce la mort de M. R. B. Wingfield Baker d’Orsett Hall (Essex), en date du 25 mars.
Le Essex Independent donne la même date, et ajoute que M. Baker a rendu le dernier soupir vers 9 heures,
La vision de M. Wingtield a un caractère spécial qui mérite d’être noté : la figure de son frère lui est apparue, et c’est là tout son rêve ; il n’y a aucun incident, ni aucun détail ; il a pour ainsi dire rêvé à une apparition. A ce point de vue, son rêve ressemble beaucoup plus aux impressions télépathiques de la veille qu’aux rêves ordinaires, Il faut remarquer aussi qu’il ne s’est produit que plusieurs heures après la mort. Il est possible que l’impression se produise sur l’esprit du sujetassez longtemps [p. 105] avant le moment où elle atteint sa conscience. Certaines expériences sur la transmission de la pensée confirment cetteinterprétation.
XXVIL (24) Mme West, Hildegarde, Furness Road, Eastboume :
Mon père et mon frère faisaient un voyage pendant l’hiver. Je les attendais à la maison, sans savoir le jour exact de leur retour. Autant que je m’en souviens, c’était pendant l’hiver de 1871 à 1872. Je m’étais couchée comme d’habitude vers 11 heures du soir. Pendant la nuit, je fis un rêve très frappant, qui produisit une grande impression sur moi. Je rêvai que je regardais par une fenêtre et que je voyais mon père dans un traîneau (Spids sledge), suivi d’un autre traîneau où se trouvait mon frère. Ils avaient à passer à une croisée de chemins, air s’avançait rapidement un autre voyageur, également dans un traîneau, attelé d’un seul cheval. Mais père semblait ne pas voir l’autre voyageur qui n’aurait pas manqué de passer sur lui, s’il n’avait fait cabrer sur cheval, de sorte que mon père passa au-dessous des sabots de la bête ; je craignais que d’un moment à l’autre le cheval ne tombât et ne l’écrasât. Je m’écriai : « Père ! père ! » et je me réveillai bien effrayée. Le lendemain matin mon père et mon frère arrivèrent ; je leur dis : « Je suis bien contente de vous voir rentrer sains et saufs, car j’ai fait à votre sujet un horrible rêve la nuit dernière. » Mon frère me répondit : « Votre angoisse pour lui ne peut pas avoir été plus grande que la mienne », et il se mit à me raconter ce qui était arrivé et qui correspondait exactement à mon rêve.
Lorsque mon frère avait vu les sabots du cheval levés sur la tête de mon père, il s’était écrié plein d’angoisse : « Oh ! Père ! père ! ».
Je n’ai jamais eu d’autre rêve de cette espèce, et je ne me souviens pas d’avoir jamais rêvé d’un accident arrivé à une personne à qui je m’intéressais. Je rêve souvent des gens de ma connaissance, et, lorsque cela m’arrive, je m’attends généralement à recevoir une lettre d’eux ou à entendre parler d’eux le lendemain. Ainsi, par exemple, lorsque je reçus de Mme G, Bidder la lettre où elle me demandait un récit du rêve que je viens de raconter, j’avais rêvé d’elle la nuit précédente, Avant de descendre pour le déjeuner, je dis à M. West que je recevrais le jour même une lettre d’elle ; je n’avais aucune autre raison pour attendre une leurs de Mme Bidder, et je n’avais pas reçu de lettres d’elle depuis quelque temps, depuis quelques années, jepense.
HILDA WEST.
Le père de Mme West, Sir John Crowe, ancien consul général en Norvège, est mort depuis, Son frère, M. Septimus Crowe, [p. 106] Libt-rois, Mary’s Hill Road, Shortlands, nous envoie la confirmation suivante :
Je me souviens très nettement que lorsque, je revins avec mon père d’une excursion d’hiver dans le nord de la Norvège, ma sœur nous attendait à la porte du vestibule, lorsque nous sommes entrés, Elle nous dit vivement combien elle était contente de nous voir sains et saufs ; elle était inquiète, car, ainsi qu’elle me le raconta tout de suite, elle avait fait un rêve désagréable la nuit précédente. Je lui demandai : « Quel rêve ? » et elle se mit à me raconter le rêve comme elle vous la raconté ; son rêve coïncidait exactement avec les faits. Mon père et moi-même fûmes naturellement étonné qu’elle eût vu dans son sommeil d’une manière si vivante et si exacte ce qui s’était passé et je dois dire aussi qu’elle l’eut rêvé au moment même où l’incident était arrivé, c’est à dire vers 11 heures et demie ;
SEPTIMUS CROWE
Notre mie, Mme Bidder, femme de M. G. Bidder ; Q. C., nous envoie la version suivante du récit, tel qu’il a été fait à sa table par M. S. Crowe, beau-frère de son amari.
Ravensbury Park, Mistham, Surrey, le 10 janvier 1883.
Le fait suivant nous fut racontée à table par le beau-frère de mon mari Monsieur Septimus Crowe. Son père, mort depuis, est-elle si j’en crois ou, consul général en Norvège.
« Mon père et moi nous voyagions en hiver en Norvège. Nous carrioles étaient montées sur patins ; mon père allait le premier, je le suivais. Un jour nous descendîmes très vite une pente rapide, en bas de laquelle était un chemin, formant angle droit avec la route que nous suivions. Lorsque nous nous approchâmes du pied de la colline, nous nous aperçûmes qu’une carriole qui marchait aussi rapidement que nous, le coupé la route. Mon père tira sur les rennes brusquement, son cheval se cabra et tomba en arrière. Tout d’abord je ne pus voir si mon père était blessé ou non. Heureusement il n’avait pas de blessures et « in due time » nous rentrâmes chez nous. Comme nous approchions de la maison, ma sœur s’élança à notre rencontre en s’écriant : vous n’êtes donc pas blessés ! J’ai lu le cheval se cabrer, mais je n’ai pu voir si vous étiez blessés ou non. »
On remarquera que, si le récit de Mme Bidder est rigoureusement exact, il y a une contradiction entre la vision de M. Crowe, et celle de sa sœur ; ce n’est pas le même cheval qui se cadre dans les deux récits. Mais les témoins oculaires même d’un [p.107] accident aussi brusque et aussi déconcertant peuvent se contredire dans la suite sur un pareil point.
XXVIII, (108) Rév. Can, Warburton.
The Close, Winchester, le 16 juillet 1883.
Je partis d’Oxford, c’était je crois en 1848, pour passer un jour ou deux avec mon frère, Acton Warburton, alors avocat, qui demeurait 10, Fish Street, Lincoln’s Inn. Lorsque j’arrivai chez lui, je trouvai un mot de lui sur la table ; il s’excusait d’être absent et me disait qu’il étaitallé à un bal quelque part dans le West End, et qu’il avait l’intention de rentrer peu après une heure. Au lieu d’aller me coucher, je restai à sommeiller dans un fauteuil, mais à une heure exactement je m’éveillai en sursaut en m’écriant : « Par Jupiter, il est par terre ! » Je voyais mon frère qui sortait d’un salon sur un palier brillamment éclairé, se prenait le pied à la première marche de l’escalier et tombait la tête en avant, ne parant le choc qu’avec ses coudes et ses mains. (Je n’avais jamais vu la maison, ct je ne savais pas où elle se trouvait.) Me préoccupant fort peu de l’incident, je sommeillai de nouveau pendant une demi-heure et je fus réveillé par l’entrée brusque de mon frère qui me dit : « Oh, vous voilà ! j’ai risqué de me casser le cou autant que jamais dans ma vie. En quittant la salle de bal je me suis accroché le pied et je suis tombé tout de mon long en bas del’escalier. »
C’est tout, ce peut avoir été « seulement un rêve », mais j’aitoujours pensé qu’il devait y avoir là quelque chose de plus.
- WARBURTON.
Le chanoine Warhurton ajoute dans une seconde lettre : 20 jumel 1883,
Mon frère était fort pressé de rentrer du bal, ayant quelque remords de ne pas avoir été chez lui pour recevoir son hôte. Aussiest-il probable qu’il pensait à moi. Toute la scène se présenta vivement à moi sur le moment, mais je n’en ai pas plus noté les détails que je ne l’aurais fait dans la vie réelle. J’avais l’impression générale d’un palier étroit brillamment éclairé, et je me rappelle que j’ai vérifiél’exactitude de ce que j’avais vu en questionnant mon frère au moment même.
Dans une conversation cependant le chanoine Warburton me dit que, dans la scène qu’il avait vue, il y avait une horloge, et des tables disposées pour les rafraîchissements, et que son frère avait confirmé l’exactitude de ces détails. [p. 108]
Nous avons demandé au chanoine Warburton s’il avaitd’autres visions intenses qui n’aient correspondu à aucun événement, il nous a répondu : »C’est la seule fois qu’une pareillechose me soit arrivée.
XXIX, (l25) M. G. Burgas, 4, Lincoln’s Inn Fields.
1879.
Quoique je sois il présent solicitor, j’ai été marin pendant les huit premières années de ma carrière. Dans un de mes voyages, étant second officier à bord d’un vaisseau des Indes, j’occupais ma cabine en commun avec le médecin du bord. le médecin s’appelait John Woolcott. En ma qualité de second officier, j’avais naturellement le quart du milieu, c’est-à-dire que je devais être sur le pont chaque nuit de minuit à heures. Je descendit de ma cabine à la fin du quart, vers 4 heures et demie du matin, et j’allai me coucher comme d’habitude. Quelque temps avant que je ne remontasse pour, rependre le quart à 8 heures, le docteur me réveilla en me disant qu’il venait de faire un rêve horrible. Il lui semblait qu’il apercevait sa mère mourante et que, pendant qu’elle était dans cet état, un de ses cousins, médecin lui aussi, chirurgien dans l’artillerie et qu’il croyait en Chine à ce moment (c’était l’époque de la guerre avec la Chine, en 1845) entrait tout à coup dans la chambre. Quand il vit sa tante, il dit : Vous vous trompez tout à fait sur ce qu’elle a. Elle ne meure pas de ce que vous dites, mais de telle autre mal qu’il avait nommé. Je ne m’en rappelle pas à présent qu’elles étaient les maladies, mais la différence entre elle était bien définie et bien marquée. Il dit aussi qu’un autre chirurgien, qui vit encore et dont je ne voudrais pas publier le nom, était présent et qu’il insista en disant que la malade mourait de la maladie qu’on lui avait d’abord attribuée.
Le docteur fut, depuis ce temps, jusqu’à la fin du voyage tellement abattu par l’impression que son rêve mais avait causé que tout le monde le remarquait. Quand notre vaisseau arriva dans les docks des Indes, il revint près de moi lorsqu’il était sur le point d’aller à terre. Il mettait alors impossible de quitter le vaisseau aussi vite que lui. « tout est bien, mon vieux » me dit-il, « le rêve m’avait trompé, mon frère Édouard et là sur le quai, il m’attend et il n’est pas en deuil. »
Malheureusement, la vérité était cependant que sa mère était morte. Son cousin, le chirurgien, était revenu de Chine avec un convoi de blessés, et il avait été présent au lit de mort comme mon camarade l’avait rêvé. Son frère, en venant à sa rencontre, avait émis des avis de couleur pour ne pas lui donner un choc trop brusque.
- B.
[p. 109]
- Woolcott, F. R. C. S. chirurgien consultant du Kent County Ophthalmic Hospital, à qui on avait envoyé le récit ci-dessus, nous a écrit ce qui suit :
4, Elms Park Terrace, The Elms, Ramsgate, le 30 décembre 1881.
Ce qui est rapporté dans ce récit de la mort de ma mère et du rêveque j’ai fait en mer est exact. Le rêve et la mort ont eu lieu en même temps ou à quelques jours d’intervalle. Je me trouvais à bord du Plantagenet, vaisseau des Indes, et nous venions de quitter le Cap de Bonne-Espérance dans notre voyage de retour, J’y avais encore reçu des lettres de la maison affirmant que tout allait bien.
Il y a eu quelque chose de plus dans le rêve que ce que l’on vous a raconté, cela se rapportait à une autopsie, mais cela est trop pénible pour que j’y insiste ; il s’agissait de la différence d’opinion qui existait entre les médecins relativement à la nature de la maladie dont ma mère était morte. Je pense qu’il y a dans le rêve que j’ai fait en mer, en 1845, un détail très remarquable, c’est l’idée qui m’est venue qu’unde mes cousins, chirurgien de l’artillerie royale, était au lit de mort de ma mère. Tel avait été le cas en effet. Je pensais qu’il était encore en Chine, et je n’avais aucune idée du moment où il reviendrait en Angleterre. Mais il était revenu inopinément et il avait été appelé en consultation auprès de ma mère, comme cela vous a été raconté. Mon cousin était James E.-T, Parett, ex-chirurgien de l’artillerie royale,qui est mort maintenant. Ce rêve m’a fréquemment obsédé pendant le reste de mon voyage, et plusieurs fois dans la nuit je me réveillais en y pensant ; je ne pouvais m’en débarrasser.
- Woolcott répond à nos questions :
J’ai fait des rêves saisissants à d’autres époques, mais ils n’ontjamais eu de rapport avec la mort de quelqu’un.
JOHN WOOLCOTT,
Nous ne pouvons affirmer avec certitude que la coïncidence ait été très exacte : mais, d’autre part, le détail da la présence du cousin donne une grande valeur à ce cas.
XXX, (134) ,Mme Storie, 8, Gilmour Road, Edinburgh. Ce récit à été écrit, à ce que nous a dit Mme Storie, le jour même où elle a reçu la nouvelle du fatal accident, ou le lendemain. .e frère dont il s’agit dans ce récit est un frère jumeau,
Hobart Town, juillet 1874.
Dans la soirée du 18 juillet, j’étais extraordinairement nerveuse. Cela sembla commencer (à l’occasion d’un petit ennui domestique) vers [p. 110] huit heures et demie. Quand j’allai dans ma chambre, j’avais même le sentiment que quelqu’un était là. Quand je me mis au lit, je m’imaginai que quelqu’un dans sa pensée essayait de m’arrêter. Vers deux heures je m’éveillai du rêve suivant : C’était devant mes yeux comme un défilé d’images (it seemed like in dissolvingviews). Dans un clignotement de lumière je vit un chemin de fer et la vapeur qui s’échappait dela machine (puf of the engine), Je pensai : « Qu’est-ce qui se passe par là ? Un voyage ? »Je me demande si quelqu’un de chez nous voyage, etsi c’est de cela que je rêve ? Quelqu’unque je ne voyais pas répondit :« Non, quelque chose de tout à fait différent, quelque malheur. —Je n’aime pas regarder ces choses-là », dis-je, Alors je vis derrière et au-dessus de ma tête la partie supérieure du corps de William penché sur moi, les yeux et la bouche à demi fermés ; la poitrine se soulevait convulsivement, et il levait le bras droit. Puis il se pencha en avant, en disant : « Je pense que je devrais sortir de là. » Puis je le vis étendu sur le sol, les yeux fermés et tout à fait aplati. La cheminée d’une machine était près de sa tête. Je m’écriai pleine d’agitation : « Elle va le frapper. » • Le quelqu’un répondit : « Eh bien ! oui, voilà ce qui s’est passé », et immédiatement je vis William, assis en plein air, au pâle clair de lune sur un endroit un peu élevé, au bord du chemin. Il levait le bras droit, frissonnait et disait : « Je ne peux plusni avancer ni reculer ; non. »Puis il sembla qu’il était couché à plat. Je m’écriai : « Oh ! oh ! » et d’autres semblaient répondre : « Oh ! oh ! » Puis mon frère sembla s’appuyer sur ses coudes en disant : « A présent il vient ! » Puis, comme s’il s’efforçait de se lever, il tourna bien vite deux fois sur lui-même en disant : « Est-cele train ‘! le train, le train ! »tandis que son épaule droite faisait un mouvement comme si elle avait reçu un coup par derrière ; William tomba en arrière comme évanoui, ses yeux roulaient dans leur orbite. Un grand objet noir, pareil à des panneaux de bois, passait entre nous ou plutôt dans les ténèbres ; il y avait quelque chose qui roulait sur lui et quelque chose comme un bras se levant. Puis le tout s’en alla avec un swish.Tout près de moi, sur le sol, il semblait y avoir un long objet noir. Je m’écriai : « On a laissé quelque chose derrière, on dirait un homme ! » Sur cela l’objet leva ses épaules et sa tête et retomba en arrière. Le même quelqu’un répondit : Oui, tristement. Après un moment, il me sembla qu’on m’appelait pour regarder et je dis « Cette chosen’est-elle pas encore loin ? Réponse : Non.Et en face, en pleine lumière il y avait un compartiment de chemin de fer, dans lequel était assis le révérend Johnstone d’Echuce. Je disais : « Qu’est-ce qu’il fait par ici ? ». Réponse : « Il est ici. » Un employé du chemin de fer se présenta à la portière et demanda :« Avez-vous vu quelque…. » Je n’entendis pas plus, mais je pensai qu’il voulait parler de la chose laissée derrière. M. Johnstone parut lui répondre : « Non ». Et l’home s’en alla vite, à ce que je pensai, pour aller voir. Après tout cela, le quelqu’undit tout près de moi : « A présent [p. 111] je m’en vais. » Je tressautai, et je vis tout d’un coup une grande figure noire près de ma tête, le dos de William près de moi. Il mit sa main droite sur sa figure (comme chagrinée), et son autre main touchait presque mon épaule ; il passa devant moi, la mine sévère et grave. Il y avait comme un éclair dans ses yeux, et je vis en un clin d’œil une fine figure pâle, qui semblait l’emmener loin, et j’en vis une autre confusément. Effrayée je m’écriai : « Est-il fâché ? » Réponse : Oui, donnée par le même quelqu’un.Je me réveillai avec un profond soupir, qui réveilla mon mari ; il me dit : « Qu’est-ce qu’il y a ? » Je lui répondis que j’avais rêvé « quelque chose de désagréable » ;je parlai d’un train, et je chassai tout cela de mon esprit comme un rêve.
Lorsque je me rendormis de nouveau, il me sembla que le « quelqu’un », disait : « Tout est parti » et qu’un autre répondait : « Je viendrai pour le lui rappeler. »
Je reçus des nouvelles une semaine plus tard. L’accident était arrivé à mon frère dans cette nuit-là même, vers 9 heures et demie, Le révérend Johnstone et sa femme se trouvaient en effet dans le train qui l’avait frappé. Il avait marché le long des rails, qui sont à peu près à deux pieds au-dessus du niveau du pays environnant. Il semble qu’il avait fait 16 milles, qu’il était fatigué et qu’il s’était assis par terre pour ôter sa botte qu’on trouva à côté de lui. Il s’endormit et il fut probablement réveille par le bruit du train ; 76 wagons de moutons avaient passé sans le toucher, mais quelque morceau de bois qui dépassait les wagons, probablement le marche-pied, lui avait heurté le côté droit de la tête et broyé l’épaule droite. La mort avait été instantanée. La nuit était très sombre. Je crois (d’après la manière dont il me poursuit que le quelqu’un était William lui-même). La figure qui était avec lui était blanche comme de l’albâtre et à peu près comme cela (une petite esquisse collée à côté du récit) de profil. Il y avait encore beaucoup d’autres pensées ct d’autres mots qui semblaient passer, mais il y en avait trop pour les noter tous ici.
La voix de l’invisible « quelqu’un » semblait toujours au-dessus de la figure de William que je voyais. Et lorsque je vis le compartiment du wagon où M. Johnstone se trouvait, le quelqu’un semblait être sur une ligne entre moi et le compartiment, au-dessus de moi.
Dans un livre de comptes de Mme Storie, sur une page datée de juillet 1874, nous trouvons le 18 marqué et les mots : « Cher William est mort » auxquels est ajoutée celle phrase : « Rêvé, rêvé de tout cela. »
La première lettre écrite par le révérend J.-C. Johnstone au révérend John Storie, pour l’informer de l’accident, est perdue. Ce qui suit est composé d’extraits de sa deuxième et de sa troisième lettre sur le sujet. [p. 112]
L’endroit où Hunter a été tué est une plaine ouverte, et il avait en conséquence la possibilité d’échapper au train, s’il avait été éveillé. Mais je pense que la théorie de Meldrum est juste : il s’était probablement assis par terre pour ajuster quelque bandage sur sa jambe, et insouciamment il s’était endormi. C’est une ligne à une seule voie, et le terrain est surélevé à peu près de deux pieds. Il s’était probablement assis près du bord en se couchant en arrière, de sorte qu’il pouvait être atteint par quelque partie du train.
Dans le moment même on ne savait pas qu’un accident avait eu. lieu, Mme Johnstone ct moi nous étions dans le train. Meldrum dit qu’il n’était pas écrasé. Le haut du crane était enlevé et quelques côtes étaient brisées au-dessous du creux de l’aisselle. Un petit berger de la station voisine a trouvé son corps le dimanche matin.
Le 29 août 1814.
L’heure exacte où le train a écrasé le pauvre Hunter doit avoir été environ 9 heures 55, et sa mort doit avoir été instantanée.
Ces détails concordent avec les résultats de l’enquête rapportés dans le Riverine Herald du 22 juillet. Le Melbourne Argus dit aussi que l’accident a eu lieu dans la nuit du samedi 18 juillet.
Nous empruntons les remarques suivantes aux notes prises par M. le professeur Sidgwick pendant une entrevue qu’il a eue avec Mme Storie en avril 1884, et par Mme Sidgwiek après une autre entrevue qui a eu lieu en septembre 1885 :
Mme Storie ne peut pas admettre que ce qu’elle a éprouvé ait été un rêve dans le vrai sens du mot, quoiqu’elle se soit réveillée ensuite. Elle est sûre que les scènes qu’elle a aperçues ne sont pas devenues plus distinctes par la suite dans son souvenir, Ses rêves n’ont jamais représenté une série de scènes et elle n’a jamais eu d’hallucinations (2). Avant la vision, elle entendait chuchoter une voix qu’elle ne reconnaissait pas pour celle de son frère. Il était assis sur le talus de la manière même dont il lui avait apparu dans le rêve. La machine qu’elle avait vue derrière lui avait une cheminée d’une forme particulière : elle n’en avait point encore vu de pareille à ce moment-là. Elle se l’appelle que M. Storie la trouvait absurde, tellement elle insistait sur cette cheminée qui ne ressemblait, disait-il, à aucune cheminée qu’il connut. Mais il l’informa, quand il revint de Victoria, où était son [p. 113] frère, que des machines de cette espèce venaient d’y être introduites. Elle n’a pas de raison pour penser qu’une conversation entre l’employé et le clergyman ait véritablement eu lieu. Elle n’a pas reconnu les personnes qui semblaient emmener son frère, et elle a vu seulement la figure d’une d’entre elles.
- Storie confirme que sa femme lui a dit au moment du. Rêve : « Quelle est cette lumière ? » Avant d’écrire le récit, cité le premier, elle avait bien fait mention du rêve à son mari, mais elle ne l’avait pas décrit. Elle désirait ne pas y penser, et elle n’en voulait pas inquiéter son mari à cause de sa tâche du dimanche, Ce dernier détail, comme on le remarquera, confirme le fait que le rêve a eu lieu la nuit du samedi, et il en résulte clairement, comme dit Mme Sidgwick, que son souvenir d’avoir rêvé la nuit du samedi est un souvenir indépendant, et qu’il ne dépendait pas de la connaissance de la date de l’accident. L’étrange état nerveux qui a précédé le rêve est un fait unique dans la vie de Mme Storie. Mais il semble que, d’après son souvenir, cet état commença une heure avant que l’accident n’ait eu lieu ; il n’est donc pas d’une importance capitale comme preuve. Elle n’a eu également que cette fois le sentiment d’une présence dans sa chambre.
- Hunter était endormi, et, si nous pouvons concevoir que l’image de la machine qui s’avançait ait fait impression sur son esprit, il est certain qu’il ignorait la présence de M. Johnstone dans le train. Mais il est possible de supposer que c’est pur accident que Mme Storie a rêvé à M/ Johnstone, tout en admettant que le reste du rêve est télépathique.
XXXI. (138) Mlle Richardson, 47, Bedford Gardens, Kensington, W. Londres.
L’auteur de ce récit est la femme d’un marchand ; elle est très digne de foi. Il y a quelques années, elle m’a raconté l’évènement avec plus de détails, l’ayant encore tout frais dans la mémoire. Son mari peut garantir qu’elle lui a raconté les faits au moment même : il peut aussi témoigner de l’étrange effet que le rêve a exercé sur l’esprit de sa femme quelque temps plus tard.
Lettre de Mme Grenn à Mlle Richardson,
Newry, le 21 janvier 1885.
Mademoiselle, pour accéder à votre demande, je vous donne les détails de mon rêve :
Je voyais deux femmes, convenablement habillées, conduisant toutes seules une voiture pareille à une voiture à transporter les eaux minérales. Le cheval trouva de l’eau devant lui, il s’arrêta pour boire : [p. 114] mais, ne trouvant pas de point d’appui, il perdit l’équilibre et, en essayant de le reprendre, il tomba droit dans l’eau. Au choc les femmes se levèrent, appelant au secours ; le chapeau tombèrent de leurs têtes, et, comme tout fut englouti par l’eau, je me retournai en pleurant et jeudi : « N’y avait-il personne pour les secourir ? » Sur ce je me réveillai, et mon mari me demanda ce qu’il y avait. Je lui racontai le rêve que je viens de vous communiquer ; il me demanda si je connaissais les femmes, et je lui répondis que non, qu’il me semblait que je ne les avais jamais vues. Pendant toute la journée, je ne réussis pas à me soustraire à l’impression du rêve et à l’inquiétude dans laquelle il m’avait plongée. Je fis remarquer à mon fils que c’était l’anniversaire de sa naissance et de la mienne aussi, le 10 janvier, et c’est la raison qui me fait souvenir de cette date.
Au mois de mars, je reçus une lettre et un journal de mon frère nommé Allen, qui habitait en Australie et qui ne faisait pas du chagrin qu’il avait eu de perdre une de ses filles, qui s’étaient noyées avec une amie. Vous verrez, par la description de l’accident dans le journal, combien l’événement correspondait à mon rêve. Ma nièce était née en Australie, et je ne l’avais jamais vue.
Je vous prie de me retourner le journal quand vous le pourrez. Si l’on prend en considération que notre nuit est le jour en Australie, j’ai été en sympathie avec les victimes à l’heure de l’accident, le 10 janvier 1878.
On parle de l’accident dans deux passages différents du journal.
Le passage du Inglewood Advetiserdit ce qui suit :
Vendredi soir, le 11 janvier 1878.
Un accident terrible a lieu dans les environs de Weddeburn, mercredi derniers, il a causé la mort de deux femmes du nom de Lehey et d’Allen. Il semble que les défuntes soient allées dans une mauvaise voiture suspendue à Weddeburn dans la direction du Kinypanial. Elles essayèrent de faire boire leur cheval à un barrage près de la station de Torpichen. Le barrage à un certain endroit à une profondeur de 10 à 12 pieds, et elles doivent être allées par mégarde dans ce trou profond, car M. W. Mac Kechnie, chef de la station de Torpichen, qui alla quelques heures plus tard au barrage, trouva sous l’eau la voiture et le cheval ; deux chapeaux de femme flottaient à la surface.
… On fit des recherches dans le barrage, et retrouva les corps de deux femmes enlacés serrés l’un contre l’autre.
Les lignes suivantes sont extraites de la déposition faite à l’enquête…
Joseph John Allen, fermier, dépose : « Je reconnais l’identité de l’un des deux cadavres, c’est celui de ma sœur. Je l’ai vue hier vers 11 heures du matin… Le cheval s’était sauvé et je l’avais attrapé. Mme Lehey et ma sœur me rencontrèrent, lorsque je pris le cheval… Puis elle [p. 115] prirent le cheval pour aller chez M. Clarke, Je ne les ni pas revuesvivantes.
William Mac Kechnie a fait la déposition suivante : « Hier, vers quatre heures de l’après-midi, je passais à cheval près du barrage, lorsque je vis les jambes et le poitrail d’un cheval au-dessus de l’eau. »
- Green confirme le récit dans les termes suivants :
Newry, le 15 février 1885.
Mademoiselle Edith Richardson,
Pour ce qui est du rêve qu’a fait ma femme et où elle a vu deux femmes jetées à bas de la voiture par leur cheval qui s’était arrêté pour boire dans une eau profonde, je me rappelle qu’elle en fut profondément troublée et qu’elle semble ressentir une grande sympathie pour les victimes. Le rêve a eu lieu dans la nuit du 7 janvier.
Je me rappelle la date aussi exactement parce que le 10 était l’anniversaire de la naissance de ma femme et de notre fils. A mesure que le jour avançait, elle se sentait plus mal, et je lui conseillai de faire une promenade en voiture. Lorsqu’elle rentra, elle me dit qu’elle n ‘allait pas mieux ; elle ajouta qu’elle avait dit au cocher de ne pas s’approcher de l’eau, de crainte que quelque accident n’arrivât parce qu’elle avait fait un rêve terrible la nuit précédente. Elle lui raconta alors ce rêve. La nièce de ma femme n’habitait pas avec son père, il ne reçut donc la nouvelle de l’accident que le lendemain matin, ce qui correspond à la soirée du 10 dans notre pays. Nous sommes d’avis que cette circonstance explique cet accroissement incessant d’inquiétude qu’elle ressentait ensympathie avec lui.
Thos. Green.
Mme Green ne se rappelle pas avoir jamais eu aucun autre rêvedu même caractère.
Un grand nombre de détails coïncident. Le fait que les figures vues par Mme Green étaient celles de deux femmes quelconques, diminue naturellement la force de la coïncidence, mais on pouvait à peine s’attendre à ce que le sujet reconnût des personnes qu’il ne connaissait pas.
L’édition anglaise contient le récit de 136 autres cas analogues aux précédents.
Notes
(1) Les mots « quelques jours auparavant » et ce fait que le chiffre du jour est exact, permettent de croire que février n’est qu’un simple lapsus et qu’il faut mars.
(2) En causant avec nous nous, Mme Storie nous a raconté cependant que, dans une autre circonstance de sa vie, elle a éprouvé une hallucination, étant éveillée, et que cette hallucination coïncidait à quelques jour près, elle ne pouvait dire avec quelle exactitude, avec la mort d’un de ses frères en Améreique. Elle savait qu’il était délicat, mais elle ne s’attendait pas à le voir mourir.
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