La possession chez les animaux ; le Timbre aux Chats. Extrait de la revue « Le Pays Poitevin », 1898, p. 38.
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La possession chez les animaux ; le Timbre aux Chats.— Certains animaux sont possédés du diable à périodes déterminées. Le soir du carnaval, ce sont les chats qui se réunissent à l’Ormeau Robinet, nœud de routes plus connu sous le nom de Timbre aux Chats, parce qu’il y a dans cet endroit pour l’usage des chats un timbre, c’est-à-dire une auge. Elle est en granit. L’Ormeau Robinet est au croisement, sur la route de La Chapelle-Saint-Laurent à Moncoutant, de l’ancien chemin de Pugny, et de celui qui, lui faisant face, va se perdre dans les terres. Le soir du carnaval donc, le Timbre aux Chats, cadeau du diable, sert à leurs diaboliques agapes. Chacun des félins de la région y dépose les reliefs qu’il a su dérober à ses hôtes. Le lutin fournit le complément du festin. Toute la nuit l’air frémit de leurs miaulements effrayants, du bruit de leurs mâchoires. Malheur à qui les dérangerait ! en un clin’ d’œil, leurs griffes aiguës déchireraient l’imprudent, leurs dents acérées le dévoreraient.
Maints fermiers dont le timbre a tenté la cupidité l’ont emporté chez eux. Ils ont dû le retourner. Tant qu’ils l’ont conservé, leur maison était hantée. Des animaux inconnus rôdaient autour, interdisant par leurs cris épouvantables, à ses habitants, de retremper dans un sommeil réparateur leurs forces épuisées — bouleversant les travaux de la journée, dévastant les cultures, salissant l’herbe des prés. Les animaux domestiques mouraient d’un mal mystérieux. La ruine arrivait à grands pas. Devant cette malédiction, le coupable réintégrait le timbre à sa place primitive et retrouvait la tranquillité perdue. Le bétail prospérait, les prés verts se couvraient d’une herbe luxuriante, les moissons, merveilleusement, se chargeaient du grain de vie. La ferme revenait au bonheur des vieux jours. De loin en loin, le maudit la visitait, mais sans avarie pour quiconque et quoi que ce soit. Il se contentait de vaquer aux environs, de richôgnerà la fenêtre.
Un de mes anciens amis voyait tous les soirs, depuis une huitaine, un fantastique animal circuler autour de sa maison, s’enfuyant quand en sortait un habitant, pour revenir quand il était rentré. A la veillée, où l’un des voisins du maître était venu, on décida de le tuer avec le fusil pendu à la cheminée, vieille arme qui servit pendant la guerre de Vendée, et fut instrument et témoin d’illustres épopées. On le chargea avec une balle trempée dans de l’eau bénite. Complaisamment, le voisin s’offrit à lâcher le coup ; il prit le fusil, et, la porte entr’ouverte, ajusta l’animal assis devant lui à vingt pas dans la bande lumineuse de l’entrebâillement. Une courte lueur sillonna l’espace : la poudre avait parlé et la bête était morte. On sortit avec des lumières pour la contempler. Le tireur avait tué son chien. La balle l’avait atteint en plein cerveau, la tête était éclatée.
On avait occis dans la maison un cochon gras. Chaque soir depuis lors, le chien était venu récolter sa moisson d’os. Il mourut victime de sa gourmandise… regretté de son maître qui, s’il ne fut pas sans peur, fut sans reproches… pour les autres.
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