Nouvelle théorie du sommeil. Extrait de la « Revue scientifique », (Paris), quatrième série, tome III, 32e année, 1er semestre, 1er janvier au 30 juin 1895, pp. 247-248.

Nouvelle théorie du sommeil. Extrait de la « Revue scientifique », (Paris), quatrième série, tome III, 32e année, 1er semestre, 1er janvier au 30 juin 1895, pp. 247-248.

 

 

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Nouvelle théorie du sommeil. — Les récentes découvertes de M. Golgi et de M. Ramon y Cajal, qui ont démontré que les cellules nerveuses sont en rapport les unes avec les autres, non par continuité, mais par simple contiguïté des prolongements de l’une avec les prolongements des autres, ont dès maintenant pour conséquence de susciter de nouvelles théories sur le mécanisme de certains phénomènes physiologiques, et aussi sur la pathogénie de quelques maladies.

C’est d’abord M. Lépine qui, dans la Revue de médecine (août 1894), émet l’hypothèse que les anesthésies sensorielles et sensitives, ainsi que les paralysies motrices [p. 247, colonne 2] chez les hystériques, résulteraient du défaut de contiguïté suffisante entre les ramifications des cellules. Ainsi s’expliqueraient facilement l’apparition et la disparition rapides, presque instantanées, de ces troubles chez certains malades, sous l’influence de l’attention.

M. Lépine a aussi formulé cette hypothèse que le sommeil naturel pourrait bien être causé par le retrait des prolongements des cellules du sensoriurn, amenant alors l’isolement de celles-ci. Cette nouvelle théorie expliquerait la soudaineté extraordinaire avec laquelle nous passons de l’état de veille à l’état de sommeil. Elle se concilierait d’ailleurs fort bien avec les théories chimiques actuellement en faveur : car on conçoit que ce ratatinement des prolongements puisse être dû à des modifications chimiques du protoplasma cellulaire.

Les diverses variétés de somnambulisme s’expliqueraient également assez bien avec la même hypothèse, et, d’une façon générale, tous les phénomènes d’inhibition.

Cette théorie histologique du sommeil vient encore d’être formulée dans des termes à peu près semblables par M. Mathias-Duval, qui l’appuie sur des considérations d’ordre plus général.

M. Mathias-Duval fait d’abord remarquer que ce qu’on appelle le centre réflexe, ce n’est pas la cellule, mais bien l’articulation des cellules. Tout agent psychique ou médicamenteux, qui agit par action réflexe, n’exerce pas son action sur la cellule, mais seulement sur l’articulation des cellules, sur les prolongements cellulaires. De même que le curare agit sur l’extrémité périphérique des nerfs, on peut admettre que les agents réflexes agissent sur les extrémités des prolongements cellulaires : tels sont les bromures qui intercepteraient la communication, tels aussi les excitants, comme la strychnine, qui exagèrent la transmission nerveuse ; les uns interceptent la communication, les autres, au contraire, l’exagèrent.

On peut comprendre que l’habitude, l’exercice, l’éducation amènent un développement tel des ramifications cellulaires, du chevelu, que la contiguïté se produise rapidement et que la transmission se fasse immédiatement ; ainsi s’expliqueraient certains actes pour ainsi dire automatiques.

Mais comment se produisent ces phénomènes de contiguïté des prolongements cellulaires ; quel est le mécanisme qui les fait s’éloigner ou se l’approcher ? M. Duval suppose aussi que ces phénomènes sont dus à des mouvements amiboïdes des ramifications cellulaires ; celles­ci pourraient, sous certaines influences, se rapprocher, se mettre en communication plus Intimement, dans plus d’étendue, et ainsi s’expliqueraient ces phénomènes d’excitation, de travail intellectuel plus intense, sous l’action de l’alcool par exemple.

Si l’on examine alors ce qui se passe durant le sommeil, on peut concevoir que, pendant ce temps, la cellule nerveuse, de même que l’amibe, est revenue sur elle­ même, tapie en quelque sorte, que toutes ses ramifications sont rétractées. Supposons que, pendant le sommeil, on excite légèrement la plante du pied, l’excitation va jusqu’aux ramifications cellulaires, un certain nombre de ces ramifications s’allongeront, s’articuleront et l’excitation sera suffisante pour déterminer un mouvement ; mais si l’excitation de la plante du pied est plus forte, les ramifications s’articuleront sur un plus grand nombre de points, il n’y aura pas seulement mouvement, mais aussi réveil.

M. Duval rapproche, en terminant, cette conception du sommeil, de la déchéance intellectuelle de la paralysie générale, et rappelle que M. Azoulay a trouvé dans cette [p. 248, colonne 1] affection la disparition des prolongements cellulaires des neurones.

Ainsi que l’a d’ailleurs fait remarquer neurone, M. Chauveau, l’hypothèse des mouvements des cellules nerveuses a déjà été constatée dans un organe sensitif, la rétine ; on sait en effet que les battements nerveux de cet organe changent de forme et de dimension sous l’action de la lumière.

 

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