Reinhold Kohler. Le Diable et les Rognures d’ongles. Article paru dans la revue « Mélusine », (Paris), première année, 1878, colonne 549.

KOHLER0002Reinhold Köhler [Koehler]. Le Diable et les Rognures d’ongles. Article paru dans la revue « Mélusine », (Paris), première année, 1878, colonne 549.

Reinhold Kohler (1830-1892). Historien de la littérature allemande, bibliothécaire, folkloriste et philologue. Köhler était le bibliothécaire en chef à la bibliothèque grand-ducale de Weimar.

Le Diable et les Rognures d’ongles

J. Wiedemann raconte ce qui suit à la page 491 de son livre : Aus dem inneren und œusseren Leben der Ehsten. Saint-Pétersbourg, 1876.

« Lorsqu’on se coupe les ongles aux doigts de la main ou du pied, on doit les cacher dans le sein si l’on ne veut pas encourir de responsabilité au jour du jugement. Si on les jette à terre, le diable les ramasse et s’en fait une visière à son couvre-chef  — Mützenschirm, et quand celle-ci est bien duement recomposée, il a de nouveau tout pouvoir de nuire aux hommes. Cependantl’on fait le signe de la croix sur les rognures avant de les jeter à terre, le diable ne peut s’en servir     Schiefner , dans le Bulletin de l’Académie Impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, T. II, 1860, p. 292, dit que de même les Lithuaniens, en Samogitie , craignent que le diable ne puisse ramasser les rognures d’ongles jetées à terre, et s’en faire un chapeau; et, dans cette crainte, ils se gardent de les jeter, mais les. conservent sur eux.

KOHLER0001Un pendant à cette croyance se trouve encore à une grande distance de la Lithuanie et de I’Esthonie. Dans un conte basque (Webster , Basque Legends. London, 1877, p. 71-72), un inconnu offre de donner à un pauvre homme autant d’argent qu’il en voudra recevoir, si celui-ci, au bout de l’an, lui dit avec quoi le diable fait son calice ou sa coupe; sinon son âme appartiendrait au démon, Le pauvre homme accepte l’offre, et, peu avant que l’année soit écoulée, il surprend pendant la nuit à un carrefour un entretien de sorcières, et apprend par elles que le diable fait son calice ou sa coupe des rognures d’ongles que les chrétiens se sont coupés les dimanches.

Peut-être trouvera-t-on quelques faits qui signaleront comme existant sur d’autres points la croyance que le diable ramasse les rognures d’ongles que les hommes ont jetées, et qu’il s’en sert pour quelque usage et machination.

Reinhold Kohler.

NOTE

(1) Comparez encore à ce récit J. W. Bœcler, Der Ehsten aberglœubische Gegrœuche, Weisen und Gewohnheiten, mit auf fie Gegenwart bezüglichen Anmerkungen deleuchtet von Fr. R. Kreutzwald, Saint-Petersburg, 1854, p. 139. Kreutzwald y rapporte que l’on fait avec le couteau sur les rognures le signe de la croix, avant de es jeter ; sans quoi le diable, dit-on, s’en fait des visières. Au chant XIII et XIV du poème ehstonien de  Kalewipoëg, il est question d’un chapeau qui est dans la possession du diable, mais que Kalewipoëg réussit à brûler, qui est fait de rognures d’ongles et qui a l vertu d’accomplir tous les vœux formés. Dans un conte ehstonien, nous rencontrons encore un chapeau fait de ces rognures, qui est en possession de nains et qui communique à ceux qui le mettent la faculté de voir tous les objets de près et de loin, visibles et invisibles. (Kreutzwald, Ehstnische Mœrchen, übersetzt von F. Lœwe. Halle, 1869, p. 141 et suiv.).

 

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