Georges Heuyer. Le devinement de la pensée et contribution à l’étude organique de l’automatisme mental. Partie 2. Article paru dans Article paru dans les « Annales médico-psychologiques », (Paris), douzième série, tome deuxième, quatre-vingt-quatrième année, 1926, pp. 406-431.
Article en 2 partie. La première est en ligne sur notre site.
Outre l’importance épistémologique, Heuyer fut à l’origine du concepts de « Devinement de la pensée », nous trouvons dans ce mémoire une description clinique d’un cas de possession diabolique, attachée au syndrome d’automatisme mental.
Georges-Jean-Baptiste Heuyer (1884-1977). Médecin, professeur à la faculté de médecine de Paris, membre de l’Académie nationale de Médecine. Il est le fondateur en France de la pédopsychiatrie. Bien qu’il ne fut lui-même ps psychanalyste, il fut le premier à introduire la psychanalyse dans le milieu hospitalier avec Eugénie Sokolnicka, pis Sophie Morgenstern. Ses travaux sont orientés sur la pédopsychiatrie. Quelques une de ses publications :
— Enfants anormaux et délinquants juvéniles : nécessité de l’examen psychiatrique des écoliers. Thèse de doctorat en médecine. Paris, G. Steinheil, 1914. 1 vol.
— Psychiatrie sociale de l’enfant. Cours du Centre de l’Enfance professé du 15 octobre eu 15 décembre 1950, Paris et Londres. Paris, Centre International de l’Enfance, 1951. 1 vol.
— Les Bourreaux domestiques, 1928.
— Les Troubles du Sommeil chez l’enfant. 1928.
— (avec A. Lamache). Le mentisme. Extrait de la revue « L’Encéphale », (Paris), vingt-quatrième année, 1929, pp. 325-336. [en ligne sur notre site]
— Psychoses et crimes passionnels, 1932.
— (avec Alexandre Lamache). Le Mentisme, 1933.
— (avec Sophie Morgenstern). La Psychanalyse infantile et son rôle dans l’hygiène mentale. 1933
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original., mais avons corrigé plusieurs fautes de composition. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. 406]
LE DEVINEMENT DE LA PENSÉE
ET CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L’ORIGINE ORGANIQUE DE L’AUTOMATISME MENTAL
Par G. HEUYER
(Fin)
CHAPITRE II. — Automatisme mental dans l’épilepsie
et les tumeurs cérébrales
Les hallucinations auditives et visuelles ont été signalées depuis longtemps dans l’épilepsie, soit dans l’épilepsie essentielle, soit dans l’épilepsie symptomatique de tumeurs cérébrales, soit dans les tumeurs cérébrales sans épilepsie.
Tamburini en 1881 relate des phénomènes sensitifs produits au niveau des voies sensorielles de l’écorce. Le malade éprouve des sensations visuelles et auditives comme si ses organes des sens étaient l’objet d’un stimulant extérieur.
Motet (1881) signale les hallucinations auditives dans son étude sur les délires comitiaux.
Hammond (1881) rapporte des auras hallucinatoire au cours d’une épilepsie d’origine thalamique (Encéphale, 1881).
Taguet (1882) a décrit des hallucinations comitiales sans attaques.
Hoecke (en 1906) rapporte un cas d’épilepsie tardive au cours d’une psychose hallucinatoire chronique.
En dehors de l’épilepsie essentielle et symptomatique Claude (1913) décrit un état hallucinatoire avec exacerbations périodiques symptomatiques d’une hypertension intracranienne. Sérieux et Mignot signalent des hallucinations de l’ouïe avec surdité corticale et paralysie dues à des kystes kydatiques du cerveau. [p. 407]
Plus intéressantes encore sont les observations qui ont été publiées et dans lesquelles les hallucinations auditives ou visuelles s’accompagnant ou non de convulsions ont été produites par des tumeurs cérébrales bien localisées (1).
Boy (1876) signale des cas d’hallucinations visuelles par tumeur de la région occipitale.
Westphal, Seguin (1879) rapportent des cas d’hallucinations dans le champ d’une hémianopsie.
Henschen rapporte 12 cas d’hallucinations unilatérales dans le champ de l’hémianopsie. Analogues sont les observations multiples de Wollenberg, Oppenheim, Krauss, Reinhardt. Nida signale les hallucinations, visuelles comme phénomènes d’excitation du cortex occipital. Toutefois pour Kennedy et Cushing on n’observerait jamais que des hallucinations élémentaires.
Dans les tumeurs du lobe temporel, particulièrement les circonvolutions de l’hippocampe, Huglings Jackson (1876) décrit les « Dreamy states » et les attaques du gyrus uncinatus « Uncinate fits » : ce sont des crises avec hallucinations olfactives et gustatives (Jackson), hallucinations visuelles (Kennedy, Cushing, Horrax) et anxiété.
Cushing et Meyer, Pick et Jolly ont signalé des hallucinations par tumeur irritant ou coupant les radiations optiques. Ces faits qui ont une valeur d’expériences démontrent d’une façon nette l’identité de production du syndrome d’automatisme mental hallucinatoire et de l’illusion des amputés.
Semblables sont les troubles sensoriels ou psycho-sensoriels auditifs observés dans les cas de tumeur du lobe temporal :
Cas d’Ornerod : sarcome du lobe temporal droit avec accès d’épilepsie et sensations auditives subjectives.
Cas de Wilson : sarcome de la première circonvolution temporale droite avec hallucinations auditives et convulsions épileptiques. [p. 408]
Cas de Kaplan : sarcome de la partie antérieure d’un lobe temporal avec accès d’épi1epsie précédée d’une aura auditive.
Cas de Mayendof : tumeur du lobe temporal avec hallucinations de l’ouïe et état délirant nocturne.
Enfin dans les tumeurs pariétales des troubles psycho-sensoriels ont été aussi observés.
Classique est le cas de Magalhaés Lemos où des hallucinations tactiles et de la sensibilité générale accompagnaient une aura douloureuse et étaient suivie d’une crise épileptique.
Dans l’observation de Bianchi existaient des sensations cénesthésiques pénibles.
Ainsi l’on voit d’après tous ces faits objectifs que des lésions déterminées de l’encéphale, tumeurs cérébrales, avec ou sans épilepsie peuvent reproduire les états hallucinatoires auditifs, visuels, olfactifs, gustatifs et les troubles cénesthésiques de l’automatisme mental avec ou sans lésion.
Nous n’avons pas eu l’occasion d »observer des faits de ce genre. Mais par contre, nous rapporterons l’observation d’une malade que nous avons examinée avec M. Merklen. Il s’agit d’une épileptique avérée qui présente des crises convulsives, des absences et des équivalents confusionnels conscients et chez laquelle nous avons vu s’installer un automatisme mental avec des idées délirantes d’influence.
OBSERVATfON VIII. —D … Clémence, 34 ans. Entrée le 29 mai 1922 à l’hôpital Tenon pour une crise comitiale. Cette crise convulsive avait été suivie d’un état confusionnel au cours duquel elle se leva, enleva sa chemise de nuit, déshabilla le petit garçon de sa cousine chez laquelle elle habitait, et se coucha à côté de l’enfant. Elle eut une nouvelle crise convulsive avec inconscience, morsure de la langue, amnésie. Le médecin la fit transporter à l’hôpital Tenon.
A l’hôpital, le lendemain de son entrée, elle eut une impulsion érotique, et se mit à crier dans la salle : « Celui-là est un beau blond, celui-là est un beau brun ; il y en pour tous les goûts, faites votre choix ». Elle a gardé le souvenir de cette impulsion qui n’était pas inconsciente. [p. 409] Elle dit avoir crié « machinalement », mais elle se rappelle les propos qu’elle a tenus.
Le 13 juin elle fut réglée et eut dans 1a nuit trois crises convulsives avec morsure de la langue et miction involontaire,
Le 23 juin, elle eut une crise impulsive verbale. Elle se réveilla entre 9 et 10 heures, en éprouvant une « jouissance admirable ». C’était une « jouissance du cœur » ; elle se réveillait heureuse. Elle se mit à parler tout haut ; elle répétait les voix qui parlaient en elle ; elle disait qu’elle avait eu du mérite de garder sa virginité jusqu’à présent, qu’il y en avait peu tomme elle aujourd’hui, surtout à son Age. Elle prit une infirmière par la main et lui dit : « Tu pourrais comme moi goûter ce bonheur ; persiste encore ; tu éprouveras peut-être le même bonheur que moi ; je suis la plus pure des vierges », elle entendait des voix qui parlaient en elle, et « pas dans la tête, dans le cœur directement ». Ces voix lui tenaient des propos alternativement mystiques et érotiques, lui parlaient « de son chapelet qui lui vaudrait son bonheur et de sa virginité qu’elle devait conserver ». Ces voix lui venaient directement de Dieu. Ce n’est pas une pensée. Elle entendait prononcer. Elle répétait plus vite qu’elle ne l’aurait pensé. Jamais tourtes ces choses ne lui seraient venues à l’idée.
Il y avait des hallucinations psychiques avec prise et devinement de la pensée, c’est-à-dire un syndrome très net d’automatisme mental.
Vers minuit, elle s’endormit. Elle dormit normalement. Le lendemain, elle se rappela la scène et la raconta. Elle assure que ce n’était pas un rêve, ce fut son dernier accès à l’hôpital. Elle fut ensuite internée à l’Asile clinique où nous pûmes la suivre.
Or, ce n’était pas la première manifestation pathologique qu’elle présentait.
En l918 elle fut internée à l’Asile d’Alençon, à la suite d’un « passage miraculeux ». Elle éprouva une impulsion motrice, hallucination psycho-motrice, ou hétéro-impulsion.
Le 20 octobre, elle s’est sentie commandée de se « jeter dans le feu ». Ce fut une inspiration ; elle n’entendit pas de voix. Elle se jeta dans la cendre ; il y avait peu de feu. Elle se releva brusquement et courut se jeter dans une mare presque à sec, se roula dans la boue, puis se jeta dans un puits de 33 mètres, attrapa la chaine qui se brisa au dernier anneau, tomba dans le puits ; elle était en pleine connaissance ; elle remonta à la surface de l’eau, s’accota [p. 410] à la paroi et appuya ses deux pieds contre la paroi symétrique. Son père alla chercher du secours. On lui jeta une grande corde, elle s’attacha elle-même, fit un nœud coulant, tint la corde ; on tira doucement, elle marchait sur la paroi pendant que la corde montait. Elle avait donc entièrement conscience de la situation. Sortie du puits, elle croisa les bras, regarda son père en disant : « Tu vois, papa, que c’est utile d’avoir du nerf ». Puis elle eut une crise convulsive très violente suivie d’un état confusionnel dont elle ne garda pas le souvenir.
A la suite de cette scène, elle fut internée à l’asile Alençon. Pendant 3 mois, elle n’’eut pas de crise. Elle suivit à l’Asile un traitement de douches, puis sortit de l’asile, fit un court séjour chez son frère, et retourna chez ses parents.
En 1919, elle se fiança, puis rompit ses fiançailles. A cette date apparurent les premières hallucinations psychiques. Depuis lors, elle entend des voix qui viennent de Dieu et qui lui disent : « Tu es une femme comme il faut. »
En mai 1920, elle eut une apparition ; elle vit Dieu, sous la forme d’un buste d’homme très beau : ce fut la seule fois qu’elle éprouva une hallucination ou une illusion visuelle.
Entre temps, depuis 8 ans, elle avait des absences, très caractéristiques, avec suspension courte de la conscience et amnésie,
En juin 1920, les absences devinrent su fréquentes (9 par jour) qu’elle demanda elle-même à être soignée de nouveau à l’asile d’Alençon. Ce fut son second internement
Le 1er octobre 1920, à l’Asile, elle eut une nouvelle impulsion avec hallucination psychique. Elle était à La Chapelle de l’Asile : elle entendit une voix qui parlait en elle et qui lui lui donnait l’ordre de sortir de la Chapelle : « Sors die la Chapelle ». Elle sortit, fit une cinquantaine de mètres sur la galerie. Une sœur la suivit. Elle se coucha sur le pavé, tout du long, sur le dos. Elle entendait une voix qui disait en elle : « Défais tes chaussures ». Elle les défit. Elle craignait la mort. Elle était couchée sur le dos, les bras en croix comme pour être mise au cercueil. Elle se sentit comme « embaumée par la mort ». Une voix résonna en elle, « comme si la mort entrait eu elle par le vagin et passait en elle en travers » (elle trace une ligne du vagin à l’épaule droite). Une, voix dit-en elle : « Elle a résisté à la mort, c’est un miracle ; elle est intelligente, [p. 411] nous réussirons- avec elle. » Au bout d’un quart d’heure, elle se releva, monta au dortoir en compagnie de la même sœur, se coucha et s’endormit.
Le 7 novembre 1920, un dimanche à 9 heures du soir. elle était couchée ; elle se réveilla, sortit de son lit, était un peu agitée ; debout dans le milieu du dortoir elle parlait de Dieu et de sa virginité ; elle parlait très fort. Elle entendait des voix en elle, il y en avait de bonnes et de mauvaises excitations ; elle prit une pose indécente. Elle entendit une voix qui lui disait : « Urine un peu, ça te soulagera ». Elle urina sur le parquet. Elle criait : « Je suis vierge, Dieu le sait, Dieu le reconnait avant tout autre ». Une voix lui dit : « Laisse-toi faire, tu ne seras ni blessée ni brutalisée ». Alors on lui mit sa robe et on la fit coucher dans une chambre d’observation. Elle fut relativement calme. Elle parla encore un peu pour dire à la Mère Supérieure : « Que je sois ici ou que je sois en haut, je couche toujours seule dans mon lit, et vous ne pourriez pas en dire autant ; avant-hier, tu couchais avec le Directeur ». La Supérieure demanda : « Qui vous a dit cela ? » Elle répondit : « C’est Dieu lui-même et Dieu, sait tout ». Puis elle s’endormit.
En juillet, août et septembre 1921, elle eut de nouvelles impulsions motrices et des hallucinations psychiques de caractère nettement érotique. La nuit, vers 2 heures du matin, elle était réveillée par de forts battements de cœur. Elle se sentait commandée de porter la main gauche sur le cœur et la droite sur le vagin. C’était une inspiration ; elle n’entendait pas de voix. Elle appuyait fort sur le vagin et éprouvait une jouissance sexuelle intense qui « se propageait du vagin au cœur ».
Dans la nuit du 23 au 24 octobre 1921, elle fut réveillée brusquement, une voix disait en elle : « C’est la première nuit de noces, ça y est ». Elle se sentit pénétrée par le vagin et eut la sensation profonde d’avoir un goût infect qui remontait jusqu’à la gorge. Elle eut une réaction anxieuse et se mit à crier : « Maman, maman ». On l’entendit crier. Puis elle se rendormit.
Les deux mois suivants, l’avant-veille de ses règles, elle éprouva encore la nuit des jouissances analogues, mais de moins en moins fortes, jouissances sexuelles partant du vagin et correspondant au cœur.
La première crise d’épilepsie- convulsive date du 20 août 1921. Elle n’en avait jamais eu auparavant.
Le 20 août dans la matinée, elle tomba sur le parquet, [p. 412] dans le dortoir de l’asile, se blessa à l’arcade sourcilière droite, eut des mouvements convulsifs et ne se rappelle pas s’être mordu la langue et avoir uriné. La crise dura 10 minutes.
Dans la suite, les crises reparurent l’avant-veille de ses règles et s’accompagnèrent à chaque fois de morsure de la langue et d’incontinence d’urines.
En 1921, les crises se produisirent en octobre, novembre et décembre. En 1922 crises en janvier, février, mars, avril. C’est à la suite de la crise d’avril qu’elle entra à l’hôpital Tenon, puis à l’Asile Clinique.
A l’examen. — C’est une débile mentale, niaisement satisfaite de savoir que « son cas est intéressant ». Son, instruction est rudimentaire. Elle a toujours été religieuse et pratiquante. A noter que dans l’enfance elle n’a pas eu de convulsions, ni de crises épileptiques.
Elle montre pendant son séjour à l’asile des troubles du caractère. Elle manifeste des tendances paranoïaques, elle est orgueilleuse, méfiante, quérulente et revendicatrice ; elle proteste volontiers, et écrit pour se plaindre des malades et du personnel.
Pendant son séjour à l’asile, elle eut trois crises convulsives. Elle n’eut ni épisode impulsif, ni hallucinations. Mais elle croit fermement dans la réalité des voix et des visions antérieures. C’est Dieu qui lui a parlé directement.
Elle tend à systématiser sur ce thème. Elle a eu des voix en elle, comme Jeanne d’Arc. Elle est peut-être une femme miraculeuse. On aura peut-être recours à elle. Elle est vierge. Sa destinée est de ne pas se marier. Dans Le délire qui se constitue s’intègre un mélange de mysticisme et de préoccupation ·érotique. Rien à signaler dans ses antécédents héréditaires : ses parents sont vivants, elle a 5 frères et sœurs, une sœur est morte en bas âge ; un frère a été tué à la guerre,
Commentaires. — Cette observation est intéressante à un double titre.
D’une part, il s’agit d’un cas d’épilepsie dans lequel on trouve des accidents comitiaux de tout ordre : 1° des crises convulsives avec inconscience et amnésie ; 2° des épisodes singuliers : quelquefois confusionnels, mais surtout impulsifs avec des impulsions motrices, (tentatives de suicide) et des impulsions verbales (propos mystiques et érotiques). Ces épisodes, sont conscients et mnésiques.
D’autre part, à l’occasion de ces épisodes mnésique s’est manifesté un syndrome net d’automatisme mental [p.413] avec hallucinations psychiques, hallucinations psychomotrices, prise et écho de la pensée.
Les états épileptiques mnésiques sont connus depuis longtemps. Ils ont été signalés par Hugues en 1881, par Herpin qui admet la conservation du souvenir dans de menus épisodes épileptiques, par Ducosté dans sa thèse, par De Clérambault qui a décrit des délires comitiaux mnésiques (2).
S’agit-il dans notre observation de la coïncidence fortuite d’états psychopathiques différents : épilepsie et automatisme mental ; ou peut-on les rattacher au même processus ? Les accidents épileptiques ou mnésiques ont été intermittents : les faits d’automatisme mental ont été aussi intermittents et accidentels. Il y a eu des hallucinations psychiques et psychomotrices qui se sont réalisées impulsivement et qui se sont traduites passagèrement par des actes impulsifs et par des idées délirantes mystiques ou érotiques.
Ces accidents impulsifs ont une soudaineté, une brutalité, une violence qui paraissent spécifiques de l’épilepsie. Ils nous paraissent devoir être considérés comme des accidents épileptiques mnésiques au même titre que les impulsions épileptiques simples, et que les absences ou les crises convulsives, accidents amnésiques qui les suivent ou les précèdent ou se mélangent à eux.
Enfin on peut noter que ces syndromes d’automatisme mental d’origine épileptique paraissent devoir conditionner un délire d’influence à thème de mystique et de grandeur.
La malade débile, vaniteuse commence à se sentir inspirée par Dieu, à se comparer à Jeanne d’Arc, à s’attribuer une mission divine. L’automatisme mental tend à jouer un rôle inducteur (3) dans la constitution du délire d’influence qui s’organise et tend il se systématiser.
Nous avons eu l’occasion d’observer et de rapporter avec Lamache (4) un autre cas d’automatisme mental survenu chez une épileptique alcoolique qui, consciente de la nature morbide de son automatisme impulsif,
L’explique par une influence étrangère. Son délire [p. 414] d’influence à base d’automatisme mental n’existe qu’à l’occasion et qu’à titre d’explication de ses crises et de ses fugues.
OBSERVATION VII. — L. Cl…, 30 ans. Domestique, mariée. nie l’alcoolisme habituel : mais avoue boire coup sur coup 3 à 4 verres de vin ou des apéritifs quand, elle est triste.
Antécédents héréditaires. — Père mort à 69 ans d’un ictus apoplectique. Mère pendue à 60 ans. Une sœur de 33 ans bien portante ..
Antécédents personnels. — Scarlatine et rougeole dans l’enfance. Rien d’anormal dam la première enfance. Réglée à 13 ans, toujours bien réglée. A eu deux enfants, et une fausse-couche spontanée de 2 mois.
Histoire. — En 1918 aurait eu une crise avec chute et perte de connaissance, son mari l’aurait trouvée par terre. Amnésie totale de la crise. En 1919 son mari l’a quittée. Elle était chez sa mère en Bretagne, A fait une fugue en chemise dans la rue le soir. Sa mère est allée la chercher et l’a retrouvée. Inconscience durant la crise. Amnésie à la suite de la crise. Dans la nuit, nouvelle fugue.
Elle avoue que ces fugues s’étaient produites après avoir bu du cidre.
AU cours de la même année, encore après avoir bu du cidre en grande quantité, elle eut une crise convulsive, se roula par terre, fit une nouvelle fugue, la nuit, absolument inconsciente, et ne retrouva sa lucidité qu’après une demi-heure de marche, dans un champ près d’une ligne de chemin de fer, avec sa coiffe et son corsage déchirés.
Une autre fois, fugue analogue, son enfant et une femme la suivirent et la ramenèrent chez elle. A chaque fois amnésie totale de la fugue. Depuis 1919 elle eut 5 à 6 crises analogues.
Dès la première fugue, elle commença à interpréter vaguement ; elle savait « qu’on lui faisait quelque chose ».
L’an dernier au mois de novembre à Paris, elle était sans argent et sans travail, car elle avait quitté sa patronne à la suite d’une discussion futile. Elle affirme n’avoir pas alors commis d’excès de boisson. Elle eut pendant, huit jours un accès de dromomanie, circulant dans Paris et sa banlieue jour et nuit, sans se rendre compte des endroits où elle se trouvait ; elle n’éprouvait aucune fatigue, elle se sentait poussée ; elle aurait pu aller se réfugier chez sa sœur ; elle y pensait mais n’y allait pas ; plusieurs fois par jour se retrouvait devant l’endroit où travaillait sa sœur ; [p. 415] n’entrait point la chercher, et repartait aussitôt. Elle eut quelques épisodes oniriques. A St-Denis, pendant la nuit, elle vit les nuages s’entr’ouvrir et elle vit une « tête d’homme assez fort ».
Elle ajoute : « On me disait peut-être bien des choses, mais je ne me rappelle pas ; il me semblait bien que l’on me conseillait et que le monde s’occupait de moi. »
Elle fit des extravagances, refusa de payer sa place dans un tramway, injuria un agent et fut envoyée à l’Infirmerie Spéciale.
Internement le 27 novembre 1923, avec un certificat du
Docteur Logre : Excitation psychique, excentricités, cris, chants, sifflements, ironie, jovialité, irritabilité, scandale dans la rue, a refusé de payer sa place dans un tramway, a injurié un agent, dit des extravagances au commissaire de police ; élément éthylique probable, trémulation des doigts.
Pendant son séjour à l’Asile de Vaucluse se constitua un syndrome d’automatisme mental avec idées d’influence. Elle est très affirmative : quelqu’un s’occupait d’elle, quelqu’un lui prenait sa pensée ; c’était comme une petite machine qui marchait dans sa tête. On lui mettait des pensées dans la tête ; on l’obligeait à penser malgré elle ; on lui donnait notamment l’idée de faire du bien aux malades de l’Asile. On lui parlait dans la tête. C’était bizarre, étrange, « drôle ». Jusqu’à sa sortie elle a cru qu’elle était dans une maison boche. On l’a hypnotisée en lui donnant quelque chose à boire et « son idée allait avec celle d’une autre personne », — quelquefois on la laissait un moment tranquille, et après cela recommençait de plus belle. — Elle voyait sa vie depuis le commencement jusqu’à son départ pour la Bretagne. Elle pense que « l’on faisait de sa vie un roman ou une pièce de cinéma » (sic).
Troubles cénesthésiques. On lui envoyait de l’électricité. Elle croit que c’est son mari qui agissait aussi sur elle. Il a su avant elle que sa mère était morte. Il lui en voulait parce qu’il voulait avoir le divorce à son profit. Si ce n’est pas lui c’est quelqu’un qui le connaît.
Progressivement son syndrome d’automatisme mental se réduisit plus ou moins volontairement, « elle n’a plus voulu penser à tout ça ». Elle était calme, et put sortir en février 1924.
Après sa sortie elle se plaça comme domestique. Au début de novembre elle a été en traitement à Lariboisière pour une arthrite du genou. Elle sortit de l’hôpital vers le premier novembre, se rendit chez sa sœur. Mais comme sa [p. 416] sœur lui reprochait d’être à sa charge, elle s’est enfuie de la maison. Elle rencontra un homme avec qui elle passa la nuit. Le lendemain, déjeuna avec lui, s’en sépara et prit plusieurs verres de vin et de bière, et beaucoup de-café.
Vers 3 heures de l’après-midi, elle ne savait plus où elle se trouvait. Elle apostropha des agents qui l’emmenèrent au commissariat où elle refusa d’indiquer son domicile, disant qu’on lui voulait du mal, qu’on la surveillait et qu’on voulait faire une pièce de théâtre sur son compte. A l’Infirmerie, dès le lendemain de son arrivée, elle se montra comme elle est actuellement, avec une légère excitation psychique, expansive, souriante, amène, bien orientée, sans confusion, mais déclarant ne pas se rappeler les conditions dans lesquelless elle est venue à l’Infirmerie.
Elle met encore sa fugue sur le compte de l’influence étrangère qui détermina les fugues précédentes. En dehors des crises l’influence n’existe pas, et, <quand nous l’interrogeons le lendemain de son arrestation, elle déclare que tout est fini ; elle ne sent plus rien, elle n’entend rien, l’hypnotisme a cessé.
Mais elle garde la croyance persistante en la réalité de l’influence qui s’est exercée antérieurement sur elle : « Je ne suis vas folle ; si vous voulez savoir pourquoi j’ai fait cette fugue, adressez-vous à celui qui s’occupe de cela ».
Il y a chez elle un fond de débilité mentale ; elle n’a jamais pu apprendre grand’chose et est un peu niaise. Internée dans le service de M. le Dr Sérieux qui nous a permis de la suivre, elle a gardé la même attitude, un peu d’excitation, d’euphorie avec volubilité ; elle mange et dort bien, et travaille dans le service.
Pas de signes neurologiques : des réflexes tendineux vifs, des pupilles qui réagissent à la lumière ; quelques petits signes d’alcoolisme chronique : facies vultueux, un peu de tremblement digital et d’hypéralgésie musculaire. Un strabisme congénital de l’œil gauche.
Le certificat de quinzaine de M. Sérieux porte les mentions suivantes : débilité mentale avec idées de persécution ; automatisme mental ; appoint alcoolique, probabilité d’accès épileptiques,
Commentaires. — Notre malade présente :
1° Des accidents épileptiques sous la forme de :
- a) Crises convulsives avec chute, perte de connaissance ; elle dit même que quelquefois elle avait remarqué s’être mordu la langue.
- b) Des fugues sur la nature desquelles on peut discuter, [p. 417] mais dont l’origine épileptique nous paraît plus que probable : leur brusquerie impulsive, l’inconscience qui les accompagne et l’amnésie qui les suit ont tous les caractères des accidents épileptiques ; certaines fugues dromomaniaques, comme celle qui précéda le premier internement sont partiellement mnésiques. Ce caractère même ne serait pas suffisant pour les éliminer complètement du syndrome épilepsie que présente notre malade.
2° De l’alcoolisme incontestable et avoué. Chaque crise survient d’ailleurs souvent à la suite d’un excès de boisson, même léger. Sa sœur déclare que notre malade ne pouvait même pas supporter un verre de vin sans entrer dans un état d’excitation où elle parlait de l’influence étrangère qui s’exerçait sur elle. Il est vraisemblable même que certains éléments visuels du délire relevaient directement de l’intoxication alcoolique. Elle a eu des zoopsies, elle a vu des gens qui la frappaient, la menaçaient ; elle tombait dans des ravins, etc.
3° Un délire d’influence à base d’automatisme mental, à prédominance d’automatisme moteur : gestes forcés, fugues imposées ; d’automatisme verbal moteur : on la force à parler, à crier ; de prise et de substitution de pensée, d’hallucinations psychiques, de sentiments d’étrangeté, de dévidage des souvenirs,
Le délire d’influence secondaire, d’ailleurs pauvre, systématisé au prorata de son intelligence, est un délire explicatif.
Dana cette observation l’automatisme mental qui est à la base du délire n’existe pas dans l’intervalle des crises. Pendant de longues périodes la malade ne se plaint ni de prise de la pensée, ni d’hallucinations, ni d’hétéro-impulsions. Ce syndrome n’existe qu’à l’occasion de l’accident comitial qui l’a déclanché : l’automatisme épileptique se confond avec l’automatisme mental et la conscience de celui-ci se traduit par un délire d’influence.
A l’occasion de cette présentation nous avions rapproché ce délire d’influence des délires induits décrits par Logre (5). Nous avions porté un pronostic défavorable de l’évolution de ce délire, qui nous paraissait devoir évolluer vers la chronicité, car, de façon constante, même dans l’intervalle des accidents convulsifs et impulsifs, et alors même que ne fonctionnait pas son automatisme mental, elle gardait la même certitude de ses explications délirantes. [p. 418]
Nous rappelons ici cette observation parce que au cours d’une affection organique et chronique, l’épilepsie, aggravée par une intoxication alcoolique, s’est créé un syndrome complet d’automatisme mental variable selon l’intensité, la fréquence et la ténacité des crises. Elle nous semble être un argument sérieux en faveur de l’origine organique de l’automatisme mental, noyau des délires hallucinatoires chroniques.
CHAPITRE III. — Automatisme mental et syphilis
L’automatisme mental accompagné de son cortège d’idées délirantes : de persécution, d’influence, de possession, etc., évolue habituellement d’une façon autonome, de telle sorte qu’il faut fouiller avec soin le passé du malade peur retrouver l’affection organique qui les conditionne. C’est alors qu’il constitue le délire chronique de Magnan, la psychose hallucinatoire chronique de Dupré et de Ballet. Il a été jusqu’à présent impossible de fournir la démonstration anatomique de son origine organique, mais dans des cas qui deviennent de plus et plus fréquents au fur et à mesure qu’on les recherche, le syndrome d’automatisme mental apparaît encadré des symptômes d’une affection proprement neurologique : épilepsie, tumeur cérébrale.
Nous avons insisté dans le chapitre précédent sur l’importance doctrinale de l’apparition du syndrome de l’automatisme mental au cours de l’épilepsie et des tumeurs cérébrales.
L’automatisme mental a été aussi signalé dans des affections mentales dont les lésions anatomiques ne sont pas connues, mais dont la nature organique ne parait pas douteuse: manie (6), mélancolie (7). L’étude faite par Tinel et Santenoise des phénomènes physiologiques qui accompagnent ces affections, montre qu’il ne s’agit pas de maladies de l’esprit, mais que la psychopathie n’est que l’expression d’un désordre fonctionnel du système [p. 419] organo-végétatif. On peut admettre que l’automatisme mental qui se manifeste à leur occasion et se traduit par un délire d’influence est, sur un autre plan, la manifestation du même désordre physiologique, donc anatomique.
Plus intéressantes encore sont les observations d’automatisme mental survenant au cours d’une affection syphilitique du névraxe et particulièrement au cours .e la paralysie générale.
Les faits de ce genre sont très nombreux dans la littérature depuis Girma : Hallucinations chez les paralytiques généraux (Paris 1881).
Les hallucinations dans la paralysie générale ont été depuis signalées par Baillarqer (1883), Ducosté, Leroy. Baruk, Ladame, Marie, Joffroy, Sérieux.
Rieu en 1899 dans sa thèse rapporte 9 cas d’hallucinations dans la paralysie générale.
Trénet (1901) décrit dans la paralysie générale des hallucinations psychomotrices et un délire spirite.
Gelma et Lerat (1909), un cas d’hallucinations psychomotrices, avec démonopathie interne chez un P. G.
Legrain (1910) : Délire systématique et des hallucinations chez un P. G.
Borel et Ceillier (1914) : P. G à début par des hallucinations psychomotrices verbales.
Laignel-Lavastine et Kahn (1925): Syphilis du névraxe avec délire systématisé et délire d’influence au cours d’une P. G.
Laignel-Lavastine et Baruk : (1925) : Délire d’influence chez un P. G.
Abely et Bauer : Démence paranoïde et syphilis cérébrale.
Enfin récemment Laignel-Lavastine et Kahn rapportent une observation d’automatisme mental avec délire d’influence survenu chez un ancien syphilitique sans signes neurologiques ni biologiques de syphilis du névraxe et pour lequel on pouvait discuter le rôle de la syphilis dans la genèse du syndrome hallucinatoire présenté par le malade. [p. 420]
Même quand la syphilis existe de façon certaine, il est souvent difficile de faire la preuve de son rôle dans la production du syndrome d’automatisme mental. On peut toujours admettre qu’un malade ancien syphilitique peut être atteint ultérieurement d’une psychose hallucinatoire chronique ou d’une psychose d’influence sans que la syphilis ait conditionné la psychose,
A défaut de preuve anatomique, il est exceptionnel d’avoir une preuve thérapeutique consistant en la disparition du syndrome d’automatisme mental par l’action du traitement spécifique alors que le syndrome était survenu au cours d’une syphilis encore en évolution.
Des observations que nous rapportons ci-dessous, les trois premières appartiennent au premier type : syndrome d’automatisme mental survenu chez un syphilitique sans aucun signe de syphilis du névraxe.
La quatrième appartient au second type : syndrome d’automatisme mental survenu au cours d’une syphilis encore en évolution avec des signes neurologiques de syphilis nerveuse et disparaissant à la suite d’urn traitement spécifique et intensif :
OBSERVATION IX. — Laf. Marg… , âgée de 27 ans, présente un syndrome d’automatisme mental avec idées délirantes de possession diabolique et de persécution. Dans l’ensemble de ses symptômes et de ses réactions elle apparaît comme une, démoniaque possédée d’un type médiéval qu’on pourrait croire aboli si des événements récents ne montraient sa relative fréquence et même son extension sous la forme de délire religieux collectif.
Nous l’avons examinée à l’Infirmerie Spéciale et elle fut internée avec le certificat suivant :
« Automatisme mental avec idées de persécution, d’influence et de possession. Thème de mysticisme et de magie. Depuis 3 ans est envoûtée par le démon. Hallucinations auditives et hallucinations psychiques. On lui parle tout le temps dans l’oreille et dans la tête. Propos agréables ou désagréables ou insignifiants. Injures. Menaces ces de mort. Kyrielles de mots. Prise, écho, devancement et embrouillage de la pensée. Enonciation des actes. Hallucinations psychomotrices verbales. C’est une femme, [p. 421] amie de sa mère, qui faisait de la magie et qui l’a envoûtée. On lui a, enlevé des morceaux de cervelle. Troubles cénesthésiques. Electricité. Piqûres. Viol dans le sommeil hypnotique. On travaille son double dans les ténèbres et c’est elle qui ressent tout ce qu’on fait à son double. Elément visuel : dans la chambre de magie a vu des reptiles, le démon noir et rouge. Zoopathie interne. On a introduit dans son corps des reptiles. A été protégé par Dieu et la Sainte-Famille. Elle a vécu dans « l’endolâtrie » mais saint Michel Archange l’en a tirée. A vu et entendu Dieu, le Sacré-Cœur. Paroles consolatrices et actions protectrices. Dissociation de sa personnalité. La moitié de son cerveau est intacte et appartient à Dieu, l’autre moitié est envoûtée et tenue le Diable.
« Fond de débilité mentale. Instruction rudimentaire. Excitation psychique, hypertonie, aisance, loquacité, désordre des actes, excentricités à une station du métro où elle voulait prendre l’électricité. »
« Pas de signes neurologiques. Chétivité, stigmates de dégénérescence, syphilis à 20 ans, traitée par le Dr Vernes, rue de la Glacière. Pas de signes actuels. Une fausse-couche. Appoint éthylique probable. »
Elle est internée depuis 5 mois dans le service de M. le Dr Sérieux, qui l’a étiquetée : Démence paranoïde. Elle garde le même aspect, Très excitée, agitée, elle a une loquacité incoercible. Assise dans son lit, ou debout dans la chambre, les cheveux épars, elle gesticule et sur un ton agressif fait toujours entendre les mêmes récriminations : « On veut m’empêcher d’aller au ciel, ce sont les démons qui sont en elle, ils ont fait tomber la Sainte-Famille. Le démon a trahi. Ils parlent, elle les entend. Ils disent : « Le démon triomphe : on va l’engloutir. On dit qu’elle est le singe et la guenon, qu’elle fait des petits cochons, etc. Les hallucinations auditives sont très actives ; sans cesse on lui parle : elle répond ; et d’une façon continue dans la salle elle crie, elle apostrophe, elle menace.
Elle a des hallucinations visuelles : elle a vu le diable, il était rouge, grand, n’avait pas de cornes, mais avait des cercles de soleil qui marchaient avec lui ; elle a vu aussi le Bon Dieu, la Vierge Marie, saint Joseph, elle a vu le Christ sur la croix, il a dit : on tue me perd jamais. Elle a vu une vipère tourner autour de son lit : « On la voit très bien : elle est très longue, le démon lui parle et la vipère tourne ».
Les symptômes de l’automatisme mental sont au complet : [p. 422] prise et écho de la pensée ; kyrielle de mots ; devancement et embrouillage de la pensée. Les démons l’empêchent de penser ; ils l’obligent à penser à toutes sortes de choses malpropres. Mais ils ne la forcent pas à agir. Elle a une ébauche de devinement de la pensée. Elle lit très, bien et sans le vouloir dans la pensée des gens. Toutefois elle ne peut pas tout deviner, sans cela elle ne se serait pas laissé prendre.
Les troubles cénesthésiques sont multiples et intenses. On lui travaille le cerveau ; elle ressent des piqûres, des ondes, montre des traces de la T. S. F. ; on la suce ; on, la pique ; on la brûle ; on la chauffe ; on la travaille aux organe génitaux. Le démon arrive sur son ventre : il pénètre à l’intérieur où il mange, il boit ; « elle le sent ». On a pourri son corps.
Elle est possédée par les démons et par les vipères, cette démonopathie et, cette zoopathie interne sont très spéciales ; son côté droit est le côté de Dieu ; son côté gauche est celui de l’enfer. C’est le côté gauche qui est envoûté ; les vipères ont pénétré en elle par le côté gauche du vagin et par un trou qu’on lui a fait dans Ie dos. Les vipères sont nombreuses ; elle les sent grouiller.
Les idées de possession et d’envoûtement ont une origine imaginative certaine et une formule assez pittoresque. Elle a un double dans les ténèbres ; on travaille son double dans l’invisible et elle ressent ce que l’on fait à son double. Elle a vu ce qu’étaient les ténèbres. Elle voit l’invisible. C’est une sorte de chambre noire avec tontes sortes de reptiles. On l’a recouverte d’une peau de singe dans l’invisible. Elle a été aussi dans une « chambre de magie » qui est au contraire très jolie, toute blanche.
Son délire mystique est systématisé mais sous une forme stéréotypée qui n’a pas varié depuis que nous l’examinons : Tous ses malheurs viennent de ce qu’elle aimait trop le Sacré-Cœur, c’était la vraie vie. Mais les démons ont renversé la Sainte-Famille, le Paradis s’est écroulé. Elle n’est pas malade, mais elle est envoûtée. On veut l’empoisonner et les médecins font des expériences sur elle. Pour la désenvoûter il a fallu que le Sacré-Cœur couchât avec elle. Malgré cela il n’est pas parvenu à la désenvoûter. Il allait y arriver quand la vipère l’a piquée et « a coupé le fil qui tenait l’étoile ».
Les propos sont souvent décousus, avec des fuites d’idées et des remarques incidentes de type maniaque, mais sans aucune idée raisonnable. Elle parle de Léon le Sage, de [p. 423]
Samson, puis ajoute que ce sont des personnages qui n’ont jamais existé. Elle dit que les serpents s’envolent. Elle fait des néologismes : elle habite dans « l’endolâtrie ».
Ses réactions sont toujours du même ordre de turbulence et d’agitation. Elle fut arrêtée parce qu’elle faisait du scandale à une station du métro, où elle voulait capter l’électricité pour entrer en correspondance avec le Sacré-Cœur. Dans le service, elle crie, hurle, injurie le personnel, insulte les autres malades. Elle a quelquefois des réactions anxieuses. Une nuit, elle a fait une tentative de suicide en essayant de s’étrangler avec son bras. Elle doit être continuellement surveillée.
- H. — D’après les renseignements fournis par sa sœur, son père est un « original » ; il a quitté son domicile, ne s’occupe plus de sa famille ; alcoolique il a été interné pendant 5 mois.
Sa mère, aveugle à la suite d’une kératite double, est morte d’une affection purulente aiguë.
Elle a un frère de 20 ans et une sœur de 26 ans mariée, tous deux bien portants.
- P. — L. était cuisinière ; elle a toujours été bizarre, excentrique, avec un caractère fantasque très irritable. Elle buvait et fumait avec excès par intervalles. Sa mère a beaucoup souffert de son caractère. Très instable, pendant la guerre a toujours été en voyage. Elle est allée travailler en Suisse. Très optimiste, ambitieuse, elle s’occupait peu de sa famille. En 1921 elle fut opérée d’ovariotomie droite et devint enceinte après l’intervention.
Il y a 4 ans, elle a eu la syphilis, syphilis certaine avec éruption, plaques muqueuses, céphalée, chute des cheveux. Elle fut soignée à l’institut prophylactique par le Dr Vernes. Elle a eu une fausse-couche ; puis un enfant vivant et sain, actuellement en nourrice et dont elle s’est occupée régulièrement jusqu’à ces derniers temps.
Elle dit que c’est au cours de sa grossesse, il y a 2 ans 1/2 environ que l’envoûtement a commencé. Toutefois, il n’y a qu’un an que ses troubles psychiques sont devenus apparents ; sa patronne la trouvait bizarre ; elle était partie brusquement à Lourdes en parlant du Sacré-
Cœur, de serpents ; elle est devenue tout à coup très dévote ; elle a commencé à mettre des ex-voto dans les églises ; elle y dépensait tout son argent ; se tirait les cartes, y voyant qu’elle ne devait pas aller à tel endroit, qu’on la tuerait ; des voix lui confirmaient ces prévisions. Au printemps dernier elle présenta des préoccupations hypocondriaques, des [p. 424] craintes de tuberculose, acheta des médicaments, se sentait purifiée et sainte mais disait qu’on la violait.
A l’examen physique on est en présence d’une femme petite, chétive avec de multiples stigmates de dégénérescence : malformations crâniennes, mauvaise denture, disparition des incisives supérieures, des membres petits et normalement courts de type infantile.
Il n’y a aucun signe neurologique de syphilis du névraxe : les réflexes rotuliens sont vifs : les pupilles sont égales et réagissent normalement. Le cœur présente peut-être un dédoublement du deuxième bruit. Le pouls est rapide : 96 avec R. O. C. : 80. L’examen du sang et du liquide C R. ont été pratiqué par M. Carrette, interne du service de M. Sérieux. Le Wassermann a donné les résultats suivants : Albumine : 0,30. Cytologie : 1 lymphocyte par champ. Wassermann négatif. Pandi négatif. Benjoin négatif.
Commentaires. — Cette observation est intéressante d’abord au point de vue de la forme, du contenu et de l’expression de son délire. Il s’agit d’une démoniaque possédée, telle qu’il en existait au Moyen Age et à la Renaissance et dont le souvenir nous a été transmis par une riche iconographie (8). En un autre temps, peut-être lui eut-ou trouvé facilement le « sigillum diaboli » ; elle n’eut pas résisté à l’épreuve de l’eau ; d’ailleurs elle avait fait une tentative de suicide, quirentre dans les quinze chefs d’accusation des démonologues. Ses variations imaginatives concernant l’invisible et la chambre de magie auraient convaincu ses juges qu’elle s’était rendue au sabbat et nul douta qu’elle eut « senti le fagot ». On ne peut oublier que c’est à un médecin, Jean Wier, (9) que sont dues les premières paroles de sagesse et de bonté concernant ces damnés. Le premier, il affirme que les pauvres femmes, que l’on envoyait au bûcher sont des malades. Il admettait pourtant la diablerie passive de la possession qui ‘entraînait l’irresponsabilité de la possédée.
A notre époque des faits récents ont montré que ces délires de possession diabolique sont plus fréquents qu’on ne le croit et peuvent se manifester sous la forme d’un délire collectif dont les réactions sont scandaleuses ou agressives. [p. 425]
Dans notre observation il s’agit d’un cas sporadique isolé ; les idées délirantes ont pris le thème de possession diabolique à cause du terrain de débilité mentale, de préoccupations religieuses habituelles de notre malade, dégénérée et déséquilibrée.
D’autre part, pour expliquer l’apparition du syndrome basal d’automatisme mental, nous pensons qu’on ne peut négliger l’action de la syphilis. Sans doute, actuellement, celle-ci n’est pas en évolution, du moins d’après les réactions biologiques du sang et du liquide céphalo-rachidien. Mais il y a des relations de séquence qui ne nous paraissent pas négligeables : c’est un an 1/2 après le premières manifestations d’une syphilis incontestable que sont apparus les premiers symptômes de dissociation de la
Personnalité : prise de la pensée, hallucinations et idées d’envoûtement,
OBSERVATlON X. — W… Eva, 55 ans. Automatisme mental. Hallucinations auditives et hallucinations psychiques. Depuis 6 ans entend des voix d’hommes, de femmes, de jeunes filles dans l’oreille et dans l’estomac. On lui dit des choses agréables et désagréables. On l’instruit. On lui parle d’anatomie et du corps humain. On lui dit que ses yeux sont de « couleur aquatique ». Mais on lui dit aussi des insultes : « fumier, pourriture, salope ». C’est la voix du Président de la République qui lui dit des insultes. La voix des journaux lui explique » jusqu’aux courroies de transmission ». On lui répète toute sa vie, toutes « ses cochonneries ». Dévidage de souvenirs surtout obscènes. Hallucinations olfactives épisodiques. Prise et écho de la pensée. Enonciation des actes. Transmission de pensée. On l’hypnotise. Elle est « dormeuse naturelle ». Elle ne pense pas avec son cerveau, mais avec son estomac. Troubles cénesthésiques. Elle sent un battement électrique dans son estomac et la pensée passe. Mais on lui fait aussi des piqûres. Elle a des plaques électriques, des fluides sur le ventre. Elle n’a aucune disposition paranoïaque et, de ce fait, pas de délire de persécution. Elle ne se plaint pas. On lui dit des choses très belles, trop « instruites pour elle ». On lui parle de vendre des journaux. Les voix lui montrent toutes sortes de métiers. De plus ces voix la soignent par transmission de pensée. En somme ce n’est pas désagréable Elle ne se connaît pas d’ennemis, mais les voix sont quelquefois « énervantes » ,
Aucune réaction agressive. Mais réaction dépressive. Elle [p. 526] ne veut plus manger parce que les voix lui reprochent de ne pas travailler, d’où refus d’aliments.
Elle est une ancienne fille de maison publique. Elle a eu la syphilis à 22 ans, et fut soignée par des piqûres intramusculaires, fessières. Elle présente actuellement un strabisme de l’œil droit. En outre existent des signes d’alcoolisme chronique : tremblement digital et lingual, zoopsies, cauchemars, Nous avons examiné cette malade à L’Infirmerie Spéciale où elle ne resta que quelques jours et nous n’avons pu lui faire ni Wassermann, ni ponction lombaire.
OBSERVATlON X. — Leg… Auguste, 54 ans, automatisme mental. Hallucinations psychiques. On lui parle sans cesse dans l’estomac. On lui a introduit dans la poitrine une machine qui parle, qui le fait cracher, qui trouble sa respiration, qui l’oppresse en appuyant sur ses poumons comme un soufflet de forge. Sur l’estomac, comme la trotteuse d’une montre. Conversations mentales continuelles. Les propos sont quelquefois agréables. On le renseigne, on le plaint,
Prise et répétition de la pensée, « même de l’arrière-pensée ». Même quand il n’a pas achevé sa pensée, on le talonne jusqu’à ce que ça marche ». On embrouille sa pensée, on répète tous ses actes. Inhibition. On l’empêche de penser, de parler, d’écrire. Hallucinations psychomotrices. On l’a obligé d’écrire une lettre grossière au Procureur de la République, laquelle sur une demi-page il a répété la même grossièreté : « tu m’fais ch … ». Stéréotypie verbale et graphique. Troubles cénesthésiques. On lui décolle les nerfs sur la tête et sur l’estomac.
Interprétations morbides peu systématisées. C’est une maladie scientifique. « C’est quelqu’un qui est dans la science ». Il voit des allusions dans les journaux. Mais il ignore qui a introduit la machine par la respiration. Pas de dispositions paranoïaques. Il a écrit au Procureur de la République pour se plaindre, parce qu’il souffre et pour qu’on fasse cesser ses souffrances.
La machine souillant alternativement le chaud et le froid a donné une congestion à sa femme qui a été très malade.
Il ne se connait pas d’ennemis, ne s’explique pas ce qui lui arrive. C’est bizarre, La machine lui donne des sensations pénibles, mais les voix sont quelquefois agréables à entendre.
Début des troubles psychiques il y a 7 ans. [p. 427]
Syphilis à l’âge de 22 ans, sans signes neurologiques actuels.
Alcoolisme chronique. Excès de boissons avoués. Visage vultueux, Tremblement digital. Hyperalgésie musculaire.
Taie de la cornée,
Emphysème, tachycardie, Clangor aortique. Un peu d’œdème de la jambe.
Commentaires. — Dans ces deux dernières observations nous insistons sur la quasi pureté du syndrome d’automatisme mental. Il n’y a que peu ou pas d’interprétations morbides, peu ou pas d’idées délirantes de persécution. Le syndrome est neutre. Si dans le premier cas (Obs. X), la malade ne veut pas manger c’est parce qu’elle a honte de ne pas travailler. Si dans le second cas (Obs. XI) le malade a écrit au Procureur de la République, c’était sous l’action d’une hétéro-impulsion ou d’une hallucination psychomotrice, et non par une quérulence préméditée et réfléchie.
En outre nous signalons l’existence d’une syphilis qui a précédé à long intervalle l’apparition de l’automatisme mental.
OBSERVATlON X. — Mme P…, 42 ans, est venue à notre consultation de l’hôpital Broussais le 12 décembre 1924 pour de la céphalée et de l’insomnie. Au premier examen, c’est l’état somatique qui attira d’abord notre attention. La malade était fatiguée, amaigrie et présentait une volumineuse adénopathie cervicale axillaire et crurale, constituée par des ganglions arrondis, roulant sous le doigt ; les uns étaient gros comme un œuf de pigeon, les autres comme des pois. Il y avait des signes d’adénopathie trachéo-bronchique. La rate était grosse, palpable. La malade était pâle. Nous avons pensé à une lymphadénie et nous avons fait faire un examen du sang, qui, pratiqué, par le Dr Bergeron à l’hôpital Boucicaut, donna les résultats suivants :
- R. : 4.640.000.
- B. ; 13.600.
Formule leucocytaire : Poly. : 71.
Moy. Mono, 9.
Grands mono : 4.
Lympho : 15.
Eco. : 1.
La recherche du bacille de Koch dans les crachats fut négative. Mais le Wassermann du sang était fortement positif.
La malade, ancienne fille de maison, avouait d’ailleurs [p. 428] une syphilis remontant à 20 ans, mais bien soignée au moins au début, Elle avait fait une fausse couche. Il n’y avait aucun signe de syphilis cutanée. Les réflexes tendineux étaient vifs et égaux ; mais les réflexes pupillaires étaient très paresseux surtout à gauche (examen pratiqué à l’hôpital Cochin par M. le Dr Cantonnet).
La ponction lombaire donna un liquide clair non hypertendu avec :
Albumine : 0 gr. 22.
Lymphocyte : 1 par mme.
W : O.
Nous, avons donc pensé à une adénie d’origine spécifique avec une syphilis du névraxe éteinte et seulement indiquée par les réactions pupillaires. Nous avons prescrit un traitement spécifique. Or, au cours de l’interrogatoire la malade paraissait méfiante, réticente, inquiète. Elle finit par nous énoncer un délire de persécution classique avec un automatisme mental au complet.
Depuis 5 ans, elle était en butte aux persécutions de sa propriétaire, On l’injuriait, on l’appelait par toutes sortes de nom : « putain, salope ». Les hallucinations auditives avaient pour thème surtout son ancienne situation de fille publique. On lui racontait des « boniments » ; elle entendait des kyrielles de mots « pour l’embêter’. Les hallucinations olfactives ne manquaient pas sous forme d’odeurs désagréables, de fumée, de gaz. Il y avait 5 ans qu’elle était intoxiquée par l’« oxyde de carbone ». En outre, on prenait sa pensée, on l’entendait, on la répétait. On pouvait agir sur elle. Elle avait des hallucinations psychiques : on lui parlait dans la tête. On la rendait malade : on avait aussi rendu malade son ami. Il avait dû entrer à l’hôpital. A la suite de tous ces ennuis, elle était allée à plusieurs reprises au commissariat de police. Elle avait écrit à l’Assistance publique à laquelle ses enfants avaient été confiés autrefois, qu’elle allait se tuer et, qu’on prévint ses enfants. Comme elle avait l’impression que les gens qui passaient devant sa maison se moquaient d’elle, elle injuria un jour un externe de la consultation qui passait devant son logement voisin de l’hôpital Broussais. C’était le tableau classique de la psychose hallucinatoire chronique.
Elle revint nous voir régulièrement à la consultation.
Elle fut soumise à un traitement intensif ; elle eut deux séries de Quinby ; deux séries de sulfarsénol qu’on dut arrêter car elle eut une éruption prurigineuse et un début de névrite arsenicale ; deux séries de cyanure de Hg. ; toutes [p. 429] ces cures furent alternantes et quasi continues de décembre 1924 en août 1925. Dès le mois de février les adénopathies commencèrent à d’iminuer de volume. En même temps et assez vite la malade se calma. Il est vrai que sa propriétaire qu’elle rendait responsable des persécutions subies mourut en décembre et peu de temps après on procéda à la réfection de la cheminée d’où sortaient les gaz toxiques. Vers le mois d’avril l’état hallucinatoire disparut progressivement et quand nous avons revu la malade au mois d’octobre elle était apparemment guérie de sa psychose hallucinatoire.
Actuellement elle n’entend plus rien d’anormal. On a cessé de l’injurier. Elle n’a plus le sentiment qu’on lui prend la pensée. On la laisse tranquille. Elle se trouve très bien. Elle a partiellement conscience de la nature morbide de ses idées délirantes. Elle dit : « alors, j’étais malade, j’étais folle ». Toutefois elle reste persuadée que sa propriétaire réellement l’injuriait et voulait l’intoxiquer.
Elle a repris une vie normale et si elle est actuellement un peu déprimée c’est pour un motif légitime. Son propriétaire devenu veuf, irrité de ses récriminations et du scandale qu’elle fit l’an dernier, lui a dit ces jours-ci qu’elle devait chercher un nouveau logement car il avait l’intention de lui donner congé.
Au point de vue physique elle va bien. Elle a Augmenté de poids. Les ganglions ont beaucoup diminué de volume. Il reste encore du côté gauche un chapelet jugulaire de petits ganglions dues, mobiles, gros comme de gros pois.
La réaction de Wassermann du sang est devenue négative.
Commentaires. — Dans cette observation le tableau était celui d’une psychose hallucinatoire apparemment chronique, en tout cas, datant de 5 ans, coïncidant avec une hypertrophie ganglionnaire, simple, diffuse, ressemblant à une adénie sans lymphadénie, et survenant chez une syphilitique ancienne dont le Wassermarnn était positif.
A la suite d’un traitement intensif il y eut disparition parallèle de l’hypertrophie ganglionnaire et des symptômes de l’automatisme mental, en même temps que le Wassermann du sang devenait négatif.
Sans doute on peut parler d’une coïncidence dans les conditions étiologiques et dans l’efficacité du traitement. Cette conjecture- est possible ; elle ne nous paraît, pas probable. Nous n’affirmons pas la guérison de la psychose hallucinatoire. Il s’agit peut-être d’une rémission. En tout [p. 430] cas cette rémission nous paraît avoir été conditionnée par le traitement très intensif auquel la malade a été soumise.
Nous ne voulons point dire non plus que par un traitement spécifique on peut guérir une psychose hallucinatoire apparemment chronique et qui coïncide avec une syphilis plus ou moins ancienne. En règle générale, le traitement spécifique est sans action. En syphilis nerveuse comme en syphilis héréditaire (Hutinel) on atteint plus ou moins rapidement un seuil d’efficacité au delà duquel le traitement le plus intensif et le mieux conduit n’agit pas.
Mais dans le cas particulier que nous rapportons nous devons, sans vouloir résoudre des problèmes insolubles, noter deux faits :
1° l’apparition d’un syndrome d’automatisme mental avec idées de persécution au cours d’une syphilis viscérale en évolution.
2° la disparition du syndrome d’automatisme mental en même temps que des accidents viscéraux à la suite d’un traitement spécifique intensif.
Pour ceux qui, comme de Clérambault et comme nous, ne croient à la psychogénèse des maladies mentales en général et de la psychose hallucinatoire chronique en particulier, nous pensons qu’ils pourront trouver dans nos observations des arguments en faveur de l’origine organique du syndrome d’automatisme mental, noyau essentiel des psychose chroniques.
*
**
CONCLUSIONS
1° L’automatisme mental, noyau fondamental des délires chroniques, est d’origine organique (de Clérambault). Cette notion est conforme à la tradition anatomo-clinique de la médecine française. La pensée extériorisée et non reconnue qui est l’essentiel du syndrome peut être comparée à l’illusion des amputés.
2° Dans le syndrome d’automatisme mental doit prendre place le syndrome du devinement de la pensée que nous avons décrit et qui n’avait pas encore été signalé. L’existence de ce symptôme chez certains persécutés réticents permet de dépister l’automatisme mental plus ou moins dissimulé. [p. 431]
3° Au cours des tumeurs cérébrales et de l’épilepsie on peut observer des éléments ou tout l’ensemble de l’automatisme mental. Dans certaines tumeurs cérébrales la production d’une hallucination a la valeur d’une expérience. Dans certaines formes d’épilepsie la concordance des accidents comitiaux et de l’apparition de l’automatisme mental démontre le déterminisme du syndrome.
4° L’existence d’un automatisme mental plus ou moins complet et d’un délire plus ou moins systématisé au cours des affections syphilitiques du névraxe, notamment dans la paralysie générale, est une des preuves les plus démonstratives de la nature organique du syndrome.
Entre ce cas et celui ou l’automatisme mental a été précédé à plus ou moins long intervalle d’une syphilis certaine sans signes neurologiques ni biologiques actuels, on trouve tous les intermédiaires, même celui où l’automatisme mental survenant en même temps que des accidents viscéraux chez un syphilitique, disparaît sous l’action du traitement en même temps que les accidents viscéraux concomitants.
NOTES
(1) Voir H. BARUK. — Les troubles mentaux dans les tumeurs cérébrales, Thèse, Paris. 1926.
(2) DE CLERAMBAULT. — Soc. clin. Méd, ment., juin 1909 et janvier1912.
(3) LOGRE. — Exposé de titres.
(4) HEUYER et LAMACHE. — Epilepsie et automatisme mental. Soc. psych., 18 déc. 1924.
(5) LOGRE. — Exposé de titres. 1923.
(6) LOGRE et HEUYER. — Congrès de Strasbourg, 1920.
(7) CODET. — Détire d’influence au cours d’un état mélancolique. A-.M.-P.
(8) Jean WIER et les Sorciers. Conférence d’Axenfeld à la Faculté de Médecine, 1866.
(9) BIENVENU. — Sorciers et possédés. Méd. internat. illus., février à décembre 1925.
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