Sylvain Gadon. Dissertation sur le sommeil, les songes et le somnambulisme. Thèse n° 98, Présentée et soutenue à l’Ecole de Médecine de Paris; le 25 août 1808, suivant les formes prescrites par l’art. XI de la loi du 19 rentose an XI, conformément à la décision du Ministre de l’Intérieur du 3 rentose an XIII. A paris, de l’imprimerie de Didot Jeune, 1808. 1 vol. in-4°, 33 p.
Une des premières thèses en français, et non plus en latin, comme de coutume pour les thèses de l’époque, consacré aux rêves et au somnambulisme, qui se réclame totalement de l’oeuvre de Cabanis et de sa position matérialiste. [B. n. F. : 8- TH PARIS- 88 (98).]
Sylvain Gadon, ex-chirurgien de l’armée d’Italie et ancien élève interne en chirurgie de l’Hôtel-Dieu de Paris.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de la thèse. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons rectifié plusieurs fautes de composition. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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DISSERTATION
SUR
le Sommeil, les Songes et le Somnambulisme.
Dans les êtres organisés, tout dort, tout éprouve des intermittences de veille et d’action. Depuis l’animal jusqu’à la plante inclusivement, il n’est rien qui ne soit soumis à cette règle générale, et constante. Les organes même, dont l’activité paraît être perman ente, ont aussi leurs instans de repos ; le cœur a ses mouvemens de systole ou de contraction ; mais ceux de diastole ou de relâchement leur succèdent. Les poumons ont aussi deux mouvemens, l’un d’inspiration, l’autre d’expiration ; et ces mouvemens correspondent, par leur nature, aux mouvemens alternatifs du cœur. Le tissu cellulaire, les systèmes glanduleux et viscéral ; et, en général, tous les organes présentent également le passage de l’action au repos, soit que ce passage soit brusque et continuellement répété, soit qu’il n’ait lieu qu’à des intervalles périodiques et à des distances plus ou moins éloignées ; tel est le sommeil des parties génitales des animaux.
La sensibilité- elle-même, cette propriété vitale de laquelle dépendent toutes les fonctions de l’organisme vivant. La sensibilité, dis-je, se repose dans les bras du sommeil, et les grandes douleurs qui s’apaisent, et cessent tout-à-fait sans que les excitant mécaniques, qui les causent cessent d’agir ; en sont l’irréfragable preuve ; telles sont les douleurs causées par la présence de calculs dans les [p. 6] uretères ou dans la vessie, ou de tout autre corps étranger ; tels sont encore les états momentanés d’insensibilité dans lesquels tombaient autrefois les malheureux condamnés aux tortures iniques de la question.
Leur sensibilité, accablée sous le poids des tourmens, s’endormait quelquefois sur le lit de la douleur, et ne se réveillait ensuite que plus propre à la ressentir ; mais les organes des sens externes, c’est-à-dire, ceux qui établissent nos rapports avec les corps extérieurs, présentent surtout la preuve manifeste et singulière de celle assertion, et c’est particulièrement la suspension d’activité de ces organes qu’ou a désigné sous le nom de sommeil.
Le sommeil peut donc être défini : Le défaut d’activité des organes des sens, ou plutôt la suspension périodique et momentanée des fonctions qui établissent nos rapports avec les objets extérieurs.
La cause première du sommeil n’est pas connue. Quelques physiologistes ont prétendu qu’il résultait de l’affaissement du cerveau sur lui-même, et ils ont fait observer, comme fondement de leur opinion, que la compression de cet organe suffisait pour le produire.
Les partisans du fluide nerveux ont regardé le sommeil comme le résultat de l’épuisement de ce fluide, et comme une circonstance nécessaire de sa réparation. D’autres ont imaginé le transport, sur le cerveau, d’humeurs propres à contrarier le jeu de ce viscère, et à déterminer la suspension de ses opérations.
D’autres enfin ont créé d’autres suppositions : mais sans aller chercher cette cause première dans une compression purement maladive, ou dans une métastase d’humeurs qui n’est ni véritable, ni même rationnelle ; sans aller la chercher surtout dans la consommation du fluide nerveux; consommation d’autant plus hypothétique, que l’existence de ce fluide est peut-être elle-même imaginaire, ne peut-on pas expliquer ce phénomène par analogie, et ne [p. 7] voir dans cette inactivité des sens que le résultat d’une loi physiologique constante qui soumet à une intermittence d’action tous les organes de l’économie ?
Quoi qu’il en soit, je ne m’appesantirai pas davantage sur l’examen d’une question qui, comme toutes celles qui lui sont analogues ne peut rien présenter de certain, et par conséquent, rien de bien utile et de bien intéressant. Je me bornerai seulement à examiner :
1° Les circonstances propres à favoriser le sommeil ;
2° L’influence qu’il exerce sur les fonctions vitales ou intérieures ;
3° Ses phénomènes propres, dans lesquels je parlerai des songes d’une manière particulière ;
4° Enfin les anomalies qu’il présente, et qui constituent l’état connu sous le nom de somnambulisme.
Circonstances favorables au sommeil.
II faut, pour l’exercice du sommeil, un état moyen entre la faiblesse et l’excès d’excitation. Les hommes épuisés par de longs travaux ou par de longs voyages, ou affaiblis par de grandes maladies, ne dorment pas : ce n’est qu’après avoir recouvré quelques forces, qu’ils parviennent à goûter les douceurs du sommeil. On a aussi juste ment observé que les méditations profondes, imprimant au cerveau de fortes vibrations qui persistent malgré la cessation du travail de l’âme, produisent également l’insomnie.
Une lassitude modérée, un certain degré de faiblesse, sont donc ici des circonstances favorables, et même indispensables. La plénitude de l’estomac, le travail de la digestion, les liqueurs enivrantes, les narcotiques, qui appellent et concentrent la sensibilité vers la région épigastrique , sont aussi capables de disposer à la somnolence, en enlevant aux organes des sens la somme de vie nécessaire à [p. 8] l’entretien de leur activité ; mais, parmi toutes les causes propres à déterminer le phénomène vital dont nous nous occupons, le silence et l’obscurité exercent surtout une puissante influence.
En effet, ces deux états, enlevant à l’œil et à l’oreille leurs excitans naturels, et les privant ainsi des impressions continuelles qui entretiennent leur activité, bientôt ces organes cessent d’agir, s’endorment, et font ensuite partager sympathiquement leur état à ceux du goût, de l’odorat et du toucher. C’est ainsi qu’en émoussant l’excitabilité des sens, et les mettant dans l’impossibilité de réagir sur les corps extérieurs et de les apprécier, l’ennui prive le cerveau des sensations, qu’il pourrait en recevoir, et par cela même produit le sommeil. C’est encore ainsi qu’un bruit monotone, tel que le murmure d’un ruisseau, la chute continuelle de l’eau d’une gouttière, finissent par endormir l’oreille elle-même, qui s’habitue aux impressions qu’elle reçoit de ces objets, et n’en est plus, par conséquent, suffisamment excitée.
L’air frais, le froid, les saignées, et tous les autres moyens propres à faire converger la circulation, c’est-à-dire, à rendre plus active de la circonférence au centre, appellent et favorisent le sommeil.
Il est également déterminé par la chaleur, les bains tièdes, les hypnotiques, et toutes les causes propres à diminuer la susceptibilité nerveuse en général, et l’impressionnabilité des sens en particulier. Enfin, il’ est encore produit par l’ivresse, les purgatifs, la copulation, et tout ce qui peut, en concentrant la vie sur un point quelconque, diminuer le degré d’énergie du cerveau.
Ici je ne peux manquer de faire observer que le café et les liqueurs spiritueuses produisent un effet tout contraire lorsqu’on en use avec sobriété, parce qu’alors ces moyens n’ont point assez de force, pour concentrer la vie dans un seul foyer, mais que, par une excitation modérée, ils élèvent le ton de toutes les fibres, et excitent principalement les vibrations de l’organe cérébral ; delà, cette liberté d’esprit, cette gaîté folle et ces saillie brillantes qui suivent ordinairement le dessert, et contrebalancent avec avantage la [p. 9] somnolence, que, la plénitude de l’estomac devait naturellement produire.
Je suis loin de ranger ici parmi les causes du sommeil la compression du cerveau ; cette compression, comme l’a judicieusement observé Richerand, ne produit pas le sommeil, mais, bien un état maladif qu’il faut se garder de confondre avec ce dernier.
Ce n’est pas même en déterminant le reflux du sang vers la tête que la plénitude de l’estomac dispose à la somnolence ; on peut résumer, au contraire, que la circulation est activée dans l’estomac, et par le développement de ses parois, et pzr la concentration de vie qui s’y fait aux dépens de tous les autres organes. Cette supposition même cesse d’en être une, si l’on observe e frisson et le serrement du pouls qui précèdent et accompagnent ordinairement la digestion ; cela est prouvé par les indigestions dont meurent quelquefois les convalescens : chez eux l’estomac a tellement d’activité, que la première digestion s’y opère, et qu’à l’ouverture des cadavres, on trouve cet organe entièrement vide, tandis que les intestins grêles sont remplis de matières chymeuses.
De ce que nous’ avons dit relativement aux circonstances propres à favoriser le sommeil, paraîtrait résulter, et de même on a pensé que, si l’on excitait continuellement les organes des sens, on les entretiendrait dans une veille constante, et que l’éloignement, matériel de nos sensations tend seul à nous plonger dans les bras du sommeil. Mais, cette proposition n’est vraie que jusqu’à un certain point ; car il arrive un moment où nos sens peuvent être tous à-fois excités, sans que nous puissions nous soustraire à l’empire du sommeil : c’est, ce qu’on observe dans les assemblées les plus brillantes, même pendant les concerts les plus harmonieux, auprès de tables les mieux fournies, dans les lieux où sont répandus les parfums les plus suaves. On s’endort même au bruit du canon, et au son de la musique guerrière.
Convenons qu’excepté les besoins essentiels et indispensables, tout dans l’économie est soumis aux influences puissantes de [p. 10] l’habitude, et de même que l’estomac, certaines heures fixes et habituelles, fait éprouver la sensation de la faim, de même le cerveau et les organes des sens ressentent, à des intervalles égaux et accoutumée, les boissons du sommeil ; « Plus il est régulièrement périodique, dit Cabanis (1), plus l’assoupissement est facile ; et, se coucher et s’endormir tous les jours aux mêmes heures, est une circonstance qui favorise singulièrement son retour. »
La durée du sommeil est, comme l’on observé plusieurs auteurs, du quart et même du tiers de la journée ; et l’école de Salerne assigne à-peu-près cet espace, par l’axiome suivant : sex horas dormire satis., etc., etc.
On a remarqué cependant que le besoin et la durée de cette fonction varient suivant l’âge, le sexe, et les habitudes des individus. Chez les enfans, par exemple, la durée du sommeil semble se prolonger en raison directe de la proximité de leur naissance, tandis que le repos des vieillards est d’autant plus court et plus interrompu , qu’ils sont plus près du terme de l’existence : comme si les enfans , a dit le célèbre Grimaud, pressentaient que dans la longue carrière qu’ils doivent parcourir ils ont assez de temps pour déployer les actes de la vie, et que les vieillards près de leur fin sentissent la nécessité de précipiter la jouissance d’un bien qui leur échappe.
Mais cette opinion qui n’est, comme l’observe M. Richeran, que le développement d’une idée de Stahl, et la conséquence de sa séduisante théorie, parait beaucoup plus ingénieuse que vraie ; et le physiologiste moderne que nous venons de citer cherche à nous donner une explication plus satisfaisante de ce phénomène : « Si le sommeil de l’enfant, écrit-il dans sa Physiologie, est si long, si profond, et si tranquille, cela doit être attribué à la prodigieuse activité des fonctions assimilatrices, et peut-être à l’habitude qu’il a du sommeil , puisque cet état est celui dans lequel il a passé les [p. 11] neuf premiers mois de la vie, ou tout le temps qui a précédé la naissance. Dans un âge avancé, les fonctions intérieures languissent, leurs organes n’appellent point l’attention du principe de la vie ; le cerveau est d’ailleurs tellement surchargé d’idées acquises, qu’il est presque toujours éveillée par elles (2).
Quelque ingénieuse que soit encore cette explication, elle prouve l’esprit fécond et adroit de son auteur sans cependant satisfaire la raison sur la véritable cause de la différence dont il s’agit. En effet, l’état dans lequel se trouvent les organes de sens chez le fœtus ne peut point être comparé au sommeil ; ces organes ne se reposent pas, puisqu’ils n’ont jamais, agi ; mais quelque temps après la naissance, les enfans sont d’autant plus étonnés que tout est nouveau pour eux ; la plus petite cause, la plus légère impression les excite vivement, parce que toutes ces impressions sont nouvelles, et que par conséquent, l’habitude n’a pu encore en émousser aucune : aussi les organes sont-ils continuellement en action : l’enfant agite sans cesse ses petites mains ; ses yeux s’occupent tour-à-tour de-tous les objets qui les frappent, ses oreilles, s’érigent, pour ainsi dire, pour recevoir plus de rayons sonores ; il porte continuellement à sa bouche les corps que ses mains ont saisis ; enfin, tous les objets qu’il rencontre sont successivement soumis au jugement de chacun de ses sens, et dès-lors ceux-ci devant être d’autant plutôt fatigués, qu’ils ont moins acquis l’habitude du travail auquel on les soumet, éprouvent un besoin de sommeil dont la durée se proportionne à celle de leur existence.
Chez les vieillards, au contraire, les sens ne sont plus ébranlés que par de fortes impressions, et ils veillent plus longtemps, par cela même que la veille n’est plus pour eux un travail,
La femme, qui, sous le rapport de sa constitution physique et de son inconstance morale, se rapproche beaucoup de l’état de l’enfant, [p. 12] présente la même différence que lui ; et nous oserons avancer que analogie, qui contredit au moins les opinions précédentes, semble donner à cette dernière certain degré de solidité.
Ce serait ici le cas de s’occuper de la durée du sommeil chez les divers peuples, et même chez les diverses espèces d’animaux, en parcourant toute la chaîne des êtres vivans. Mais outre qu’une telle recherché serait trop au-dessus de nos forces, nous pensons que le résultat de ce travail serait plus curieux qu’utile. Nous nous bornerons donc à faire remarquer qu’abstraction faite d’une disposition propre et originelle, deux circonstances particulières semblent produire le sommeil long profond, et même léthargique, qui caractérise certains peuples et certaines classes d’animaux : ces deux circonstances sont le froid et l’habitude, qui peut, en effet, plus qu’un froid rigoureux, engourdir, paralyser les extrémités sentantes des nerfs, et enlever ainsi aux organes des sens leur vigueur et leur susceptibilité ? N’est-ce pas dans le nord et dans les climats glacés qu’on rencontre toutes les familles d’animaux dormeurs ; et ces peuplades entières qui ne veillent que le temps nécessaire pour s’occuper de leur subsistance ? Qui peut encore plus que l’habitude du sommeil en augmenter le besoin ? Son excès produit la stagnation des fluides, et leur épaississement ; il produit aussi les engorgemens lymphatiques, les maladies des glandes, l’asthénie musculaire, les affections scorbutiques, la diminution d’activité du cerveau, altère et paralyse par conséquent les facultés intellectuelles, amène l’idiotisme. Et qui pourrait maintenant refuser d’admettre avec tous ces inconvénients, l’apathie toujours croissante des organes sensoriaux ?
Quand on a exercé quelque temps au grand Hôt el-Dieu de Paris, et qu’on a vu les malades et les maladies d’un œil observateur, on ne peut s’empêcher de croire que les affections scorbutiques, si communes dans cet hôpital, sont en partie dues à l’abus que font du sommeil les malheureux que la misère, la débauche et la fainéantise forcent de recourir à cette triste ressource. Plusieurs individus n’ayant [p. 13] d’autre maladie que la paresse, apportent avec eux un appétit que l’ordinaire des malades est loin de satisfaire ; ils s’endorment dans l’espoir de tromper leur estomac ; bientôt ces deux causes coïncident pour produire un épuisement que la débauche ou la misère a commencé ; et ‘c’est ainsi que, dans l’établissement où les vais malades vont chercher des remèdes et la guérison, ces malheureux ne trouvent qu’une source nouvelle de calamités.
M; Richerand parle, dans sa Physiologie, d’un homme atteint d’une sorte d’imbécillité, et qui entra à l’hôpital du Nord pour la curation de quelques glandes scrophuleuses. Pendant l’espace de dix-huit mois qui s’écoula depuis son entrée à l’hôpital jusqu’à l’instant où M. le professeur Richerand publia son Observation, ce malade est resté constamment au lit, dormant les cinq sixièmes de la journée, tourmenté par une faim dévorante, et passant à manger ses courts instans de veille ; ses digestions étaient toujours promptes et faciles ; il conservait de l’embonpoint, quoique l’action musculaire fut extrêmement languissante ; le pouls fut toujours très-lent et très-faible, et les affections morales du sujet étaient bornées au désir des alimens et du repos.
Nous avons eu occasion de soigner, à l’Hôtel Dieu un homme de soixante-quatorze ans qui, dans une chute de sa hauteur, s’était fracturé la rotule. La vieillesse de cet homme et son indocilité empêchèrent la réduction de sa fracture, et à plus forte raison l’usage des moyens propres à la maintenir réduite. Il fut donc entièrement abandonné à la nature. Des-lors la jambe du côté de la fracture obéissant à la rétraction musculaire, se fléchit sur la cuisse, celle-ci sur le ventre, et cette attitude fut bientôt sympathiquement partagée par la jambe et la cuisse du côté opposé. Dans cet état, le lit était sa seule ressource, il s’est insensiblement accoutumé au sommeil, au point que trois mois après son entrée clans l’hôpital, il ne s’éveillait que pour manger, et ne cessait de manger que pour s’endormir de nouveau.
Mais je me suis assez étendu sur les dangers de l’abus du [p. 14] sommeil, et sur l’influence que l’habitude peut exercer sur la durée ; il faut maintenant convenir que l’abus de la veille est également accompagné de graves inconvéniens ; car, quoiqu’on ne puisse, comme je l’ai observé, triompher absolument du sommeil, cependant on peut le combattre plus ou moins longtemps, et à l’aide de moyens excitans et d’efforts soutenus, affaiblir son empire sur les sens, diminuer la longueur de ses périodes et en éloigner le retour ; mais alors ce combat continuel qu’on livre imprudemment à la nature donne lieu à des névroses , aux troubles des facultés intellectuelles, aux maladies aiguës, tantôt inflammatoires, tantôt adynamiques, et enfin à toutes les anomalies de la sensibilité. Delà, cette foule d’affections de tous les genres, surtout nerveuses, qui affligent ordinairement les gens de lettres, et qui, suivant le témoignage de Tissot, sont le résultat de leurs veilles et de leurs travaux.
J’ai défini ailleurs le sommeil, le défaut d’activité des organes des sens, ou plutôt la suspension périodique et momentanée de l’ensemble des fonctions qui établissent nos rapporta avec les objets extérieurs. Cette définition nous parait exacte, et caractériser fidèlement le sommeil, puisqu’elle convient également à son état naturel et le plus ordinaire, et aux anomalies qu’il présente chez les somnambules, anomalies que nous aurons occasion d’examiner par la suite .
Cependant le repos plus ou moins complet des sens n’est pas la seule chose remarquable que le sommeil présente à l’observation du physiologiste.
L’examen le plus superficiel suffit pour démontrer encore les puissantes modifications qu’il fait éprouver à toutes les fonctions intérieures.
Le père de la médecine, dépourvu des lumières que la science de l’anatomie a dû nécessairement répandre sur celle de la physiologie, n’ignorait point celte influence du sommeil sur l’action des organes internes, puisqu’il a dit : Somnus labor visceribus ; et qu’ailleurs il dit encore : Motus in somno intro vergunt. En effet [p. 15] dans le sommeil, les forces se dirigent de la circonférence au centre, les fonctions assimilatrices sont en général plus actives, la respiration moins fréquente, mais plus profonde et plus égale. Les organes des sens et de la locomotion ne consommant plus, la somme de vie est dirigée toute entière au bénéfice des fonctions intérieures ou assimilatrices ; d’un autre c6té, l’état de repos des organes de la vie animale étant peu propre à favoriser la circulation dans leur tissu, contribue beaucoup à la rendre plus active dans ceux de la vie organique ; delà, le mouvement circulatoire plus énergique dans les viscères que dans le système musculaire, et delà également, la faiblesse et la lenteur du pouls, qui, dans ce cas, ne caractérise pas l’affaiblissement de la circulation générale, mais seulement celui de la circulation partielle de la circonférence et des extrémités ; et, si on objecte ici, que la circulation dépend uniquement de l’impulsion du cœur, et est par conséquent égale partout, certes, nous aurons une arme victorieuse à employer, en citant les fièvres locales, les phlegmasies circonscrites qui développent l’énergie de la circulation dans les parties qu’elles occupent, au point de rendre les mouvemens de systole et de diastole sensibles dans les rameaux capillaires.
Le sommeil active aussi la digestion ; il ne diminue pas, ou au moins il diminue fort peu la sécrétion des urines, mais il en retarde l’excrétion ; enfin, il augmente le force absorbante des pores inhalans ; et l’absorption des miasmes contagieux devient plus à craindre ; soit qu’en effet cette fonction soit plus active, soit que l’état d’engourdissement de la peau et des extrémités sentantes des nerfs s’oppose moins à l’action délétère des miasmes. Les effets débilitans de la peur, et des passions tristes, semblent même donner un certain poids a cette dernière supposition.
Le sommeil diminue-t-il la chaleur ? Cette question a été affirmativement décidée par quelques physiologistes ; et Tissot observe, à cet égard, qu’un homme qui s’endort en plein air, quand le [p. 16] thermomètre est à 8 on 9 degrés au-dessous de 0, y meurt ordinairement, tandis que l’homme eu action peut soutenir un froid de trente degrés, et au-delà. Malgré cette observation, dont on ne peut constater la justesse, il est cependant raisonnable de croire que la chaleur n’est pas diminuée d’une manière absolue, mais seulement d’une manière relative, c’est- à-dire, que la même somme de chaleur existe, mais qu’elle n’est pas uniformément répartie, et que, concentrée à l’intérieur et dans le système des viscères, elle abandonne presque entièrement la périphérie du corps, et le laisse ainsi soumise à l’influence, devenue plus funeste, des corps extérieurs, et surtout du froid. A moins d’expliquer ainsi ce phénomène, il serait difficile de le concevoir, si l’on observe que les connaissances chimiques modernes présentent la respiration comme la source directe de la chaleur, qui devient d’autant plus élevée que les fonctions des poumons sont plus actives, et qu’enfin l’analogie vient à l’appui de ce principe, puisque dans les animaux, et surtout dans les oiseaux, l’augmentation de la chaleur est toujours en raison directe du volume des organes de la respiration.
Quelques auteurs ont avancé que le sommeil était l’image de la mort ; mais il s’en faut que cette image soit fidèle, et même que la vie soit purement végétative. Car, pendant le sommeil, non-seulement les fonctions des organes assimilateurs continuent de s’opérer, mais l’âme veille encore, et si les sens externes ne lui transmettent plus de nouvelles impressions, l’imagination et la mémoire y suppléent. A l’aide de ces deux facultés, elle donne naissance à la troupe légère des songes, tantôt en combinant et associant, par le moyen de la première, les idées bizarres et les plus disparates ; tantôt en se reposant sur la seconde, pour rappeler les idées les plus voluptueuses ou les plus pénibles ; et quelque chimériques que soient les causes des songes, ceux-ci n’en produisent pas moins des sensations réelles, dont l’effet peut être plus ou moins prolongé ; telles sont la fatigue, qui succède au sommeil que des rêves effrayans on agité, et l’état délicieux que nous ressentons [p. 17] au contraire, lorsque des songes voluptueux nous ont fait passer par tous les degrés du plaisir.
Des Songes.
Ovide, sans ses Métamorphoses, fait couler le fleuve d’Oubli autour du palais du Sommeil. Cette idée est ingénieuse, sans doute, puisqu’elle peint le repos des sens, non-seulement comme le réparateur de nos forces physiques, mais encore comme le consolateur de nos afflictions, en effaçant le souvenir. Mais cependant l’idée d’Ovide n’est pas constamment ni rigoureusement vraie ; et si, en cédant au sommeil, on perd jusqu’à l’idée de l’existence, très-souvent aussi les idées les plus fixes et les plus durables viennent dans des songes rappeler pendant le sommeil nos peines et nos plaisirs : car, pendant le sommeil, l’âme peut, à l’aide de la mémoire t rappeler les impressions antérieures, selon qu’elles nous ont affectés plus ou moins vivement. Tantôt en y joignant encore le secours, de l’imagination, elle combine des impressions diverses et opposées, et forme ainsi l’assemblage le plus bizarre, le plus disparate et le plus ridicule. Ce travail constitue les songes. Dans le premier cas, ils sont les tableaux parfaits, les copies fidèles des sensations que nous avons éprouvées, et qui ont été assez vives ou assez long-temps soutenues, pour que les vibrations qui les ont produites se renouvellent pendant le repos des sens externes .
Omnia quæ sensu voluntur vota diurno
Tempore, nocturno reddit amica quies.
Dans le deuxième cas, enfans du délire de l’imagination, ils ne présentent que des esquisses confuses, des rêveries incohérentes et sans suite, dont le souvenir s’échappe le plus souvent à l’approche du réveil.
Dépourvu des connaissances physiologiques qui nous ont éclairés depuis, les anciens voyaient dans les songes les signes des choses futures ; et l’art de les expliquer fut nommé par eux onéirocrisie, de όνειρος, oneiros, songe, et χμςις, crisis, jugement. [p. 18]
Les magistrats de Sparte couchaient dans le temple de Pasiphaé, pour être instruits en songe de ce qui devait assurer le repos public. Dans d’autres temples du paganisme, Trophonius , Hercule, Mopsus, Faunus, Amphiaraüs, Serapis, et quelques autres, rendaient leurs oracles en envoyant des songes complaisans avertir les curieux de ce qui pouvait les intéresser ; mais alors les songes étaient ou spéculatifs , ou allégoriques, c’est-à-dire qu’ils présentaient les choses telles qu’elles devaient arriver, ce qui était fort rare ; ou ‘seulement, sous une image symbolique , ce qui était plus ordinaire, et, en effet, beaucoup plus commode pour s’adapter aux événemens, et se prêter aux explications.
Dans les temps plus modernes, le cercle des connaissances humaines s’agrandit, mais le goût du merveilleux ne cessa pas de subsister ; les lois physiques furent mieux connues, mais la superstition rl’emporta sur la saine raison, et les songes furent encore regardés comme des avertissemens importans, et même comme des révélations célestes.
C’est d’un songe que naquirent les craintes d’Hérode sur l’Enfant-Jésus. C’est en songe que S. Joseph vit l’ange du Seigneur qui lui conseilla sa fuite en Egypte, Pharaon fut aussi favorisé de songes très-intéressans ; dans l’un, il vit sept vaches ; dans l’autre, il compta sept épis ; et le savant onéirocrite Joseph, qui déjà avait expliqué d’une manière prophétique les rêveries de l’échanson et du panetier du roi, ne balança pas à assurer que les songes du monarque étaient les symboles de l’Egypte, et que les vaches désignaient Isis sa patronne tutélaire, et les épis sa fécondité.
Ce· même Joseph avait également appris en songe qu’il dominerait un jour sur ses frères. Jacob vit en songe l’échelle mystérieuse, et Dieu se placer sur le dernier échelon, pour s’offrir aux regards de son protégé. Par un autre songe, il apprit l’art de multiplier les troupeaux.
Enfin, dans tous les temps, il s’est trouvé des fourbes qui ont prétendu expliquer ces résultats tout naturels de l’activité des sens [p. 19] internes. Mais ce qui est bien étonnant, sans doute, c’est que, dans tous les temps aussi, il se soit trouvé des êtres assez simples pour croire à ces explications ridicules.
Ne voit-on pas encore de nos jours des fourbes abuser de la crédulité du peuple ignorant, pour fournir, d’après les songes, des numéros pour la loterie ? C’est ainsi que la fourberie et l’ignorance se joignent pour causer la ruine d’une classe d’hommes laborieux.
Parmi les onéirocrites, les uns, moins impudens, déclaraient que leur science étaient le résultat d’un travail et de calculs profonds ; tandis que d’autres, plus orgueilleux et plus effrontés, osaient assurer qu’elle était le fruit de révélation ou d’inspirations divines, et acquéraient ainsi le beau nom d’oracles ou de prophètes .
Mais c’est trop nous étendre sur des absurdités, et notre but n’est pas de rassembler ici une série de preuves susceptibles de démontrer la faiblesse de l’esprit humain. Ne nous occupons que de l’étude rationnelle des songes ; et, dans l’examen de quelques observation, physiologiques, voyons jusqu’à quel point on peut chercher à trouver leur explication.
Nous avons vu plus haut que la mémoire et l’imagination contribuaient essentiellement à la formation des songes ; mais ces deux facultés n’agissent pas toujours seules, et sont quelquefois mises en jeu, par les sens externes, même par les fonctions intérieures.
Ainsi, lorsque pendant la veille, des idées voluptueuses ou des circonstances particulières, telles que l’amour ou le développement de la puberté, ont excité les organes génitaux ; il se fait une plus grande sécrétion de liqueur séminale, et dans le sommeil, la plénitude des vaisseaux spermatiques peut irriter ces parties, les faire réagir sur le cerveau pour lui communiquer l’ébranlement qu’elles ont reçu, et donner ainsi lieu à des rêves plus ou moins libidineux et à des pollutions nocturnes. C’est encore par ce moyen que l’odorat ou l’ouïe, incomplètement endorrnis, peuvent être impressionnés par les odeurs ou par les sens, transmettre l’impression au [p. 20] sensorium, et produire des rêves qui ne reposent pas sur la mémoire, mais bien sur une réalité présente. Ne sait-on pas que la plénitude de l’estomac, la présence de l’eau dans la poitrine, les maladies du cœur qui dérangent la circulation, et en général toutes les causes qui peuvent comprimer le jeu de la respiration, faire stagner le sang dans les poumons ou troubler les fonctions de l’épigastre, sont propres à produire l’incube ou le cochemar ? Ne sait-on pas encore que la plupart des rêves ont souvent la plus grande analogie avec l’état physique des individus ?
Les rêves dans les affections pathologiques, dit un auteur moderne, ne sont-ils pas un témoignage frappant de l’influence du physique sur le moral ? Ne voit-on pas l’imagination de l’hydropique errer au bord des fontaines et des ruisseaux, et se perdre dans les ondes, tandis que tous les objets sont en feu, et que toutes les couleurs sont de pourpre pour l’homme pléthorique qu’une fièvre inflammatoire a frappé (3) ?
Fondé sur de semblables observations, sans doute on peut, à l’aide des songes, tirer quelque lumière sur l’état physique des individus, et prévoir jusqu’à un certain point les effets consécutifs qui peuvent résulter des causes qui les produisent. C’est pour cela qu’on a fort bien remarqué qu’un homme bien instruit, qui connait le rapport que les moindres signes extérieurs ont avec les mouvemens de l’âme, passe facilement dans le monde pour devin ; ett qu’un homme sage, qui voit les conséquences dans leurs principes, et les effets clans leurs causes, peut se faire regarder du peuple comme un prophète.
Mais n’est-il pas déraisonnable d’admettre toutes les diverses humeurs des anciens, et de vouloir, avec eux, chercher la mesure de leur proportion dans les rêves ?
N’est-il pas puéril, pour ne pas dire ridicule, de croire que le [p. 21] feu dénote l’excès de la bile jaune ; la fumée et les brouillards épais, celui de l’atrabile ; la pluie, la neige, la glace et le vent, la surabondance des phlegmes ; les rêves de la lune ; les affections des cavités splanchniques ; ceux du soleil, les maladies des parties moyennes ; ceux des étoiles, celles de la périphérie ? N’est-il pas absurde enfin de dire que, si la lumière de ces objets s’affaiblit, s’obscurcit ou s’éteint, on aura lieu d’espérer que l’affection sera légère ; que si, au contraire, c’est de l’air, ou du, brouillard qui cause de l’altération dans l’objet vu en rêve, on pourra craindre qu’elle ne soit plus considérable ; que, si c’est de l’eau, ou que l’éclipse devienne entière, on paraîtra menacé d’une maladie grave ; mais que, si l’obscurité disparaît, et que les corps lumineux éclairent et recouvrent leur premier éclat, rien de dangereux n’est à craindre ; que s’ils passent vite et s’échappent avec rapidité, c’est un signe de délire ; que, s’ils se dirigent vers l’occident, qu’ils paraissent plonger dans la mer ou s’enfoncer sous terre, c’est un signe d’indisposition ?
Toutes ces idées ne sont-elles pas dignes de Nostradamus et de Mathieu. Laensberg ? Elles ont cependant été adoptées et commentées par des gens d’une autorité bien respectable :
. . . . . . quandoquè bonus dormitat homerus.
HORACE.
A Travers toutes ces suppositions ridicules, convenons néanmoins qu’on trouve à côté des opinions qui semblent fondées sur la saine observation, puisqu’il est vrai que l’explication donnée dérive essentiellement des rapports du physique et du moral ; rapports qui sont évidemment prouvés par tous les mouvemens de l’économie, soit qu’ils soient considérés dans l’état pathologique, soit qu’ils le soient dans celui de santé parfaite. Aussi sommes-nous loin de contester que les rêves dans lesquels on éprouve constamment la sensation de mauvaises odeurs ne puissent déceler l’excès d’animalisation, et par conséquent annoncer les affections putrides ou adynamiques; que la vue des couleurs rouges ne soit quelquefois le résultat de la pléthore [p. 22] sanguine, et ne devienne ainsi un signe précurseur de l’inflammation ; que les songes qui présentent la terre aride et brulée par le soleil ne puissent être les images plus ou moins fidèles de la sécheresse des fibres et du corps en général ; que ceux qui roulent sur les alimens et les boissons ne soient le résultat de la réaction de l’estomac excité par le sentiment de la faim et de la soif ; que la vue des monstres, des personnes armées et de tous les objets qui causent de l’effroi, ne puisse quelquefois être de mauvais augure et annoncer le délire.
M. Leroux m’a raconté qu’un jeune homme-endormi, auquel on présentait la lumière d’une lanterne sourde, crut rêver qu’il était en enfer, et qu’il voyait les feux allumés dans ce lieu.
Enfin les rêves dans lesquels on se sent précipité d’une maison, d’une tour ou de tout autre endroit élevé, sont susceptibles de faire craindre les vertiges, l’apoplexie, l’épilepsie, surtout si les sujets présentent l’appareil de la pléthore et de la turgescence sanguine vers la tête.
Ces rêves sont aussi des symptômes de maladies du cœur, d’hydrothorax, etc.
Il serait outré cependant de croire superstitieusement que les mêmes effets doivent toujours suivre les mêmes songes ; et pour sentir combien serait ridicule une semblable opinion, il suffit de se rappeler, outre une foule d’autres considérations physiologiques que les rêves sont mis en jeu par plusieurs causes différentes ; telles que la mémoire, l’imagination, la réaction des organes internes, un état pathologique, etc. ; et que ces causes peuvent tantôt agir simultanément, tantôt rester indépendantes et isolées ; mais nous le répétons, à moins de disputer contre l’évidence, on ne peut nier aussi l’exactitude de rapports physiologiques qui se rencontrent quelquefois entre certains songes et les accidens qui les suivent, ou même les accompagnent. Qu’il nous soit permis de rappeler ici une observation bien propre à prouver la vérité de cette assertion, [p. 23] d’une constitution grêle, mais cependant d’une santé robuste et constante, a été sujet à de fréqnens saignemens de nez, depuis le développement parfait de la puberté jusqu’à l’âge de 25 à 27 ans. Soumis aux passions les plus vives et de caractère le plus impétueux, il suffisait d’une simple contrariété, d’un obstacle à ses volontés, pour que le saignement du nez fut provoqué, et qu’il fût suivi d’une débilité proportionné au degré de réaction des organes, et à l’abondance de l’hémorrhagie. Nous disons, au degré de réaction des organes ; car, en effet, cette réaction était quelquefois telle, qu’un jour M.***, ayant été violemment irrité par un discours offensant, et n’ayant pu, par des considérations particulières, exprimer sur-le-champ tout son ressentiment, il fut non-seulement atteint d’une hémorrhagie nasale, mais-encore la veine frontale comprimée par une coiffure serrée, creva au-dessus de la compression, et fournit elle-même une assez grande quantité de sang.
Depuis deux années, devenu plus réfléchi, plus sérieux et plus calme , M.*** a des hémorrhagies moins fréquentes ; rarement elles sont produites par des contrariétés que la flexibilité actuelle de son caractere rend moins pénibles ; mais elles sont le plus souvent annoncées par l’état du sommeil, pendant lequel M*** est agité par des rêves, qui tous présentent la plus grande analogie; tantôt il se sent précipité du haut d’une tour, d’un arbre, d’un rocher ; tantôt il marche sur un volcan, et tout-à-coup se trouve englouti dans ses, fournaises profondes. Une fois il avait lu les poésies de Sapho, et dans la nuit il croit faire le saut de Leucade ; une autrefois il se bat, il est blessé, et la vue de son-sang, qui s’échappe, jointe à la douleur de sa blessure imaginaire, l’arrache de son rêve et au sommeil ; enfin ses rêves sont un indice certain, qu’il peut toujours prédire l’hémorrhagie qui les suit. Observons ici une chose assez curieuse, c’est que M.*** allant un jour à l’Hôtel-Dieu, eut la douleur de passer sur la place Notre-Dame à l’instant où un malheureux venait de se précipiter du haut des tours. Très-affecté d’un suicide aussi déplorable, quelques jours après, il rêve qu’il se [p. 24] précipitait à son tour du même endroit, A son réveil, qui fut aussi prompt que sa chute prétendue, il ne manqua pas de croire qu’il aurait une hémorrhagie nasale ; cependant, pour la première fois, cette hémorrhagie ne survint pas, mais il est bon d’avertir que deux heures, tout au plus, après son lever , M*** fut blessé par un instrument tranchant au doigt indicateur de la main gauche, et que malgré le peu de profondeur de la plaie, elle fournit une quantité considérable de sang.
M.*** ne s’est jamais fait saigner, malgré plusieurs autres indications qui semblaient lui prescrire cette précaution. Néanmoins, soit que son tempérament change par la nature des habitudes actuelles, soit que tout ce qu’il a éprouvé juqu’à ce jour, n’ait été que le résultat de la vigueur de l’âge et du développement énergique de ses facultés viriles, toujours est-il vrai que la fréquence des hémorrhagies est encore considérablement diminuée, et à l’instant où nous écrivons, quoique presque toujours annoncées de la même manière, elles ne reparaissent plus qu’à des distances de plus en plus éloignées.
Il est donc vrai que les songes peuvent être quelquefois le résultat de la réaction produite par les organes intérieurs sur le cerveau, qu’ils peuvent annoncer le trouble de ces organes, et devenir ainsi des signes précurseurs de maladie : il est également vrai qu’ils peuvent être regardés eux-mêmes comme maladies, lorsqu’ils ont constamment pout objet les plaisirs vénériens, et qu’ils sont suivis de l’excrétion spermatique, qui souvent répétée, conduit à l’épuisement (4).
D’après tout ce que nous venons de dire, touchant le mécanisme des songes, il résulte que, quelquefois pouvant dériver essentiellement de la réaction de quelques organes sur le cerveau, ils peuvent être, aux yeux des physiologistes instruits, des signes précurseurs de quelques phénomènes viraux ; tandis que d’autres fois, résultats [p. 25] chimérique de la mémoire et de combinaisons bizarres et gigantesques de l’imagination, ils ne présentent que des assemblages ridicules d’idées incohérentes, ou d’objets disparates monstrueux, delà cette idée d’Homère dont tour à tour Horace et Virgile se sont servis ; que deux portes servent à l’introduction des songes, l’une de corne transparente pour les songes vrai, c’est-à-dire pour les songes précurseurs des choses qui doivent arriver, et une deuxième d’ivoire, uniquement destiné aux songes faux et illusoire.
Comme il est facile de le voir d’après tout ce qui a précédé, l’on se rappelle après le réveil, soit d’une manière exacte et précise, soit d’une manière imparfaite et confuse, les diverses aux objets dont l’âme s’est occupée dans les songes.
Dans le somnambulisme que nous allons avoir occasion d’examiner, le plus souvent au contraire tout fui de la mémoire ; le somnambule se rappelle ni ce qu’il a fait ni ce qu’il a dit.
« Dans un de mes rêves dit Voltaire, je soupai avec M. Tournon, qui faisait les paroles et la musique des vers qu’il chantait. Je lui fis ces quatre vers dans mon songe :
Mon cher Tournon, que tu m’enchantes
Par la douceur de tes accens !
Que tes verts sont doux et coulans !
Tu les fais comme tu les chantes.
« Dans un autre rêve je récitai le premier champ de la Henriade tout autrement qu’il n’est. Hier, je rêvai qu’on nous disait des verres à souper ; quelqu’un prétendait qu’il y avait trop d’esprit ; je lui répondis que les vers étaient une fête qu’on donnait à l’âme, et qu’il fallait des ornements dans les fêtes.
« J’ai donc en rêvant, dit des choses que je j’aurais dites à peine dans la veille ; j’ai donc eu des pensées réfléchies malgré moi et sans y avoir la moindre part. Je n’avais ni volonté ni liberté, et cependant [p. 26] je combinais les idées avec les sagacités, et même avec quelque génie. Que suis-je donc, sinon une machine (5) ».
C’est ici le cas de faire remarquer que parmi tous les songes, ceux du matin sont ordinairement les plus suivis et les mieux liés, c’est-à-dire, qu’ils sont composés d’idées plus homogènes, si l’on peut s’exprimer ainsi, ou pour mieux dire, d’idées, de réflexion et d’objets plus analogues.
Ce sont aussi en général ces rêves que la mémoire retient le mieux. En effet, le matin doit être le règne des songes ; ils n’ont ordinairement lieu que lorsqu’après les premières heures du sommeil, les forces ont eu le temps de se réparer. Ils n’ont pas lieu seulement pendant le sommeil ; on rêve pendant la veille ; et sans parler de l’extase, que l’on doit considérer comme un véritable songe, il arrive souvent que, dans les méditations un peu profondes, les organes des sens sont fermés aux impressions extérieures, et l’âmes restent entièrement occupées de chimères et de rêveries ; d’autres fois il arrive que l’un des sens peut-être tellement occupés, qui le paralyse tous les autres, en leur enlevant à son profit la somme de vie nécessaire à leurs opérations. Souvent, après un rêve plus ou moins agité, on se réveille, et on croit encore voir les chimères qui ont occupé en rêve, quoi qu’on soit certain d’être bien éveillé ; mais peu à peu tout cela se dissipe, et les sens revienne à leur état naturel.
Si les songes sont le résultat du travail de la mémoire, de l’imagination et de la réaction des organes ; s’ils sont les produits des combinaisons de l’imagination, ou la simple répétition des sensations antérieurement reçues, à laquelle de ces deux causes attribuerons-nous les rêves des animaux ?
Le chien aboie, le cheval hennit, le mouton bêle, le lion rugit, les oiseaux gazouillent pendant leur sommeil ! [p. 27]
Somnambulisme.
Quelquefois à l’activité de la mémoire et de l’imagination ce joint celle d’un ou de plusieurs sens, et dès lors, il existe un état intermédiaire entre le sommeil et la veille, qu’on a nommé somnambulisme.
Pris dans une acceptation rigoureuse, ce mot, composé de somnus et d’ambulo, désignerait un état particulier dans lequel on conserverait la faculté singulière de marcher pendant le sommeil ; mais ce terme est admis dans un sens plus étendu par des physiologistes, et devient applicable à toutes les fonctions animales joue relative, c’est-à-dire, à toutes les opérations exécutées par les organes des sens externes, et qui ont lieu pendant le repos naturel de la majeure partie de ces organes.
Suivant plusieurs auteurs (6), les organes sensoriaux ne s’assoupissent pas tous à la fois. Ils ne s’endorment que successivement, et d’une manière très inégale.
« Dans le sommeil, dit Cabanis (7), les impressions ne s’est mousses point toutes à la fois, ni toutes au même degré ; c’est suivant un ordre successif, et dans des limites différentes, relatives à la nature et à l’importance des divers genres de fonctions, que les mouvemens tombent dans la langueur, sont suspendus, paraissent ne perdre qu’une faible partie de leur force et de leur vivacité ; les muscles qui meuvent les bras et les jambes se relâchent, s’affaissent, et cessent d’agir avec ceux qui soutiennent la tête ; ces derniers avant ceux qui soutiennent l’épine du dos. Quand la vue, sous l’abri des paupières, ne reçoit plus d’impression, les autres sens concernent encore presque toute leur sensibilité. L’odorat ascendant qu’après le goût, l’ouïe après l’odorat, le [p. 28] tact qu’après l’ouïe, et même pendant le sommeil le plus profond, il s’exécute encore divers mouvemens déterminés par un tact obscur. Nous obéissons à des impressions tactiles, quand nous changeons de position dans notre lit, quand nous en quittons une naturellement pénible par la durée de la même attitude, nous nous grattons, quand quelque insecte nous pique ; et cela se passe le plus souvent sans que le sommeil en soit aucunement troublé. Cela posé, abstraction faite du degré de sensibilité relative des organes des sens ; on ne peut contester que chacun d’eux puisse avoir en partage, soit originellement, soit accidentellement, un degré particulier de sensibilité susceptible d’entretenir leur activité en les rendant impressionnables par la plus petite cause. Ainsi il est donc raisonnable d’admettre que pendant le sommeil quelques-uns des sens peuvent conserver leur activité, et qu’à l’aide de leur travail, quelques individus peuvent ou marcher, ou parler, ou lire, ou écrire, etc., suivant que tels ou tels organes continueront d’exécuter leurs fonctions habituelles.
Ce principe, qui dérive naturellement de ceux de la physiologie, et qui de plus repose sur les fondemens solides de l’expérience et de l’observation, nous explique d’une maniière bien simple et bien judicieuse le phénomène du somnambulisme, et détruit tout le merveilleux à l’aide duquel on a voulu, pendant si long-temps, trouver la cause de cette disposition particulière à quelques individus, ‘
Quelques physiologistes prétendent néanmoins que, dans le somnambulisme, toutes les fonctions relatives peuvent s’exercer sans l’intervention des sens extérieurs. Nous avouons que nous ne pouvons concevoir cette proposition ; car l’exercice des fonctions relatives est absolument incompatible avec l’inactivité des sens externes chargés de ces mêmes fonctions. Par exemple, il est impossible de concevoir comment un somnambule peut tenir un discours suivi, répondre à toutes les questions qu’on lui fait, si l’on ne suppose pas qu’il ait entendu les questions ; .et 1’on ne peut croire qu’il [p. 29] les ait entendues, sans supposer aussi l’intermède et l’activité de l’organe chargé de l’audition ; cependant on a vu des somnambules tenir une conversation longue, faire des réponses précises. travailler au cabinet, y faire des recherches, y prendre des notes, et, suivant les préceptes d’Horace et de Boileau , corriger, effacer, ajouter avec la plus parfaite exactitude.
« L’archevêque de Bordeaux m’a raconté, dit l’auteur de l’article somnambulisme dans le Dictionnaire encyclopédique, qu’étant au séminaire, il avait rencontré un jeune ecclésiastique somnambule. Curieux de connaître la nature de cette maladie, il allait tous les soirs dans sa chambre, dès qu’il était endormi. Il vit entre autres choses, que cet ecclésiastique se levait, prenait du papier, composait, et écrivait des sermons. Lorsqu’il avait une page, il la relisait tout haut d’un bout à l’autre, si l’on peut, observe-t-il, appeler relire, cette action faite sans le secours des yeux. Si quelque chose alors lui déplaisait, il le retranchait, et écrivait par-dessus les corrections avec beaucoup de justesse. J’ai vu le commencement d’un des sermons qu’il avait écrits en dormant, il me parut assez bien fait et correctement écrit ; mais il y avait une correction qui était surprenante. Ayant mis dans un endroit ce divin enfant, il crut, en la relisant, devoir substituer le mot adorable à divin ; pour cela il effaça ce dernier mot, et plaça le premier par-dessus, après cela il vit que le ce bien placé devant divin, ne pouvait aller avec adorable, il ajouta donc fort adroitement un t à côté des lettres précédentes, de façon qu’ou lisait cet adorable enfant. La même personne, témoin oculaire de ces faits, pour s’assurer si le somnambule faisait usage de ses yeux, mit un carton sous son menton, de manière à lui dérober la vue du papier qui était sur la table ; mais il continua à écrire sans s’en apercevoir. Voulant ensuite connaître à quoi il jugeait de la présence des objets qui étaient sous ses yeux, il lui ôta le papier sur lequel il écrivait ; mais il s’en aperçut toujours, parce qu’ils étaient d’une inégale grandeur ; car, quand on lui présenta un papier parfaitement [p. 30] semblable, il le prit pour le sien. C’est par ce stratagème ingénieux qu’on est venu à bout de ramasser quelques-uns de ses écrits nocturnes. M. l’archevêque eut la bonté de me les communiquer. Ce que j’ai vu de plus étonnant, c’est de la musique faite assez exactement, une canne lui servait de règle, il traçait avec elle, à distance égale, les cinq lignes nécessaires, mettant à leur place la clef, les bémols, les dièses, ensuite marquait les notes qu’il faisait d’abord toutes blanches, et quand il avait, fini, il rendait noires celle qui devaient l’être. Les paroles étaient écrites au-dessus. Il lui arriva une fois de les croire en trop gros caractères, de façon qu’elles n ‘étaient pas placées directement sous leurs notes correspondantes, il ne tarda pas à s’apercevoir de son erreur, et pour la réparer, il effaça ce qu’il venait de faire, en passant la main par-dessus, et fit plus bas cette ligne de musique avec toute la précision possible.
Autre singularité dans un autre genre, qui n’est pas moins remarquable. Il s’imagine une nuit, au milieu de l’hiver, se promener au bord d’une rivière, et d’y voir tomber un enfant qui se noie ; la rigueur du froid ne l’empêche pas de l’aller secourir. Il se jette de suite sur son lit, dans la posture d’un homme qui nage ; il en imite tous les mouvemens et, après s’être fatigué pendant quelque temps à cet exercice, il sent au coin de son lit un paquet de la couverture, croit que c’est l’enfant, le prend avec une main et se sert de l’autre pour revenir en nageant au bord de la prétendue rivière : il pose son paquet, et sort en frissonnant et claquant des dents, comme si en effet il sortait d’une rivière glacée ; il dit aux assistans qu’il gèle et va mourir de froid, que tout son sang et glacé ; il demande un verre d’eau-de-vie pour se rechauffer. N’en ayant pas, on lui donne de l’eau qui se trouvait dans la chambre, il en goûte, reconnaît la tromperie, et demande encore plus vivement de l’eau-de-vie, exposant la grandeur du péril qu’il courait ; on lui apporte un verre de liqueur ; il le prend avec plaisir, et dit en ressentir beaucoup de soulagement. Cependant il ne s’éveille point, se couche et continue de dormir plus tranquillement. Ce même [p. 31] somnambule a fourni un très grand nombre de traits forts singuliers ; et lorsqu’on voulait lui faire changer de matière, lui faire quitter des sujets tristes ou désagréables, on n’avait qu’à lui passer une plume sur les lèvres ; dans l’instant, il tombait sur des questions différentes ».
En citant cette observation, l’auteur qui la rapporte dit qu’elles ne sont pas rares, mais que, sachant que bien peu sont exactes et raconter avec fidélité, et craignant par conséquent d’admettre des tables plutôt que des observations, il se contente de rapporter celle-ci, qu’il tient, dit-il, d’après la vie illustre, aussi distingué par ses vertus que par la variété et la profondeur de ses connaissances.
L’homme dont il est question voyait son papier, son encre, sa plume ; il savait distinguer si elle manquait ou non, ne prenait jamais le poudrier pour l’encrier, et ne se doutait même pas qu’il y eut quelqu’un dans la chambre ; il ne voyait et n’entendait personne, à moins qu’il ne les interrogeât ; et qu’il lui arrivait quelquefois de demander des dragées à ce qu’il croyait à côté de lui, et les trouvaient fort bonnes quand on lui en donnait. Si dans d’autres temps on lui mit dans la bouche sans que son imagination plus tournée de ce côté, il n’y trouvait aucun goût et le rejetait.
N’est-il pas tout naturel de conclure de toutes ces circonstances, que les somnambules voient et entente, qu’ils peuvent, par l’organe du goût, juger de la saveur des corps ; par celui de l’odorat, de la nature des odeurs ; par celui du tact, des propriétés physiques de la matière ; mais aussi que l’essence ne reçoive d’impression que celles qui viennent des objets par lesquels l’imagination est frappée. Ainsi un somnambule marche vers un but, mais il ne distingue pas le plus souvent les objets que le hasard lui fait rencontrer ; il ne voit que ceux qui sont propre à le diriger, que ceux sur lesquelles il est prévenu.
La passion de l’étude, par exemple, tient en une activité presque permanente de l’organe de la vision ; mais cette passion est trop [p. 32] forte pour permettre des distractions. Le somnambule ne voit que ses livres, les matériaux de son travail et sa plume ; et certes ce n’est pas seulement chez les somnambules que l’on rencontre ces contentions fortes et exclusives des sens vers une certaine série d’objets, on les trouve encore chez des personnes à l’imagination ardente, que le son d’une note de musique électrise, ou que la vue d’un tableau fait tomber en extase.
Chez ces personnes, souvent un seul sens veille, tandis que tous les autres sont paralysés ; encore celui qui reste n’est-il occupé que d’un seul objet, et n’est impressionné que par lui. Devant un tableau de Raphaël, de David ou de Guérin, toute la sensibilité d’un amateur de peinture semble revivre dans ses yeux, tandis que dans un concert l’âme d’un virtuose devient toute oreille, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Aussi est-il d’observation que les personnes les plus sujettes à être affectées de somnambulisme sont celles à imaginations vives et exaltées, que l’amour de l’étude ou toute autre passion domine sans cesse, et chez lesquelles la susceptibilité des organes des sens en particulier, et du système nerveux en général, a été produite et entretenue par des veilles assidues, les travaux littéraires opiniâtres, l’excès des plaisirs vénériens et ceux de la table.
Au rapport de Tissot, on a vu à Leipsick un étudiant en médecine qui, ayant travaillé pendant deux mois avec une ardeur prodigieuse, déprava absolument son sommeil, et dès qu’il était endormi, soit le jour, soit la nuit, il se levait, se mettait au travail comme quand il veillait ; il parcourait ses cahiers, prenait le dictionnaire de Castelli, chercher des mots, se fâchait quand ils ne les trouvaient pas, souriait au contraire quand il les rencontrait ; écrivait même en caractères très-lisibles, et allait ensuite se mettre au lit où il continuait son sommeil.
Un autre somnambule, imaginant avoir dans sa chambre Aristote, Descartes, et quelques autres philosophes, crut tout à coup les voir sauter par la fenêtre ; et sans penser que, comme ces voyageurs [p. 33] aériens, il ne pouvait pas faire le même saut impunément, il allait se précipiter lorsqu’une main charitable le retint et l’arracha à son erreur.
Un autre, moins heureux que ce dernier, franchit réellement quelques étages, et en se cassant la jambe ; il trouva dans cette imitation du saut de Leucade la guérison de son somnambulisme.
Nous ne terminerions pas si nous voulions rapporter ici la foule d’observations que l’on cite sur le trouble nerveux dont il s’agit ; mais sans multiplier les citations sur des faits dont le nombre est très-utile pour prouver l’existence et la nature de l’affection, répétons ici ce que nous avons déjà dit dans le courant de cette dissertation, que le sommeil est une preuve très-positive des rapports du moral et du physique, mais que les songes et le somnambulisme prouvent encore, et sans réplique, non-seulement ces rapports, mais aussi que nos actions, pendant la veille, peuvent être indépendantes de notre volonté ; ou plutôt que celle-ci naît toujours de la réaction, nous osons dire machinale de nos organes.
NOTES
(1) Rapp. Du phys. et du moral, t. 2, p. 526.
(2) Phys. de Richerand, Ire édit. p.366.
(3) Calabre, Dissert, sur l’influence des passions dans les maladies nerveuses.
(4) Cœlius Aurelianus, a reconnu cette maladie.
(5) Voltaire, Dict.philos. t. 7, p. 214.
(6) Cullen, Cabanis, etc.
(7) Rap. Du phys. et du moral, t. 2, p. 530.
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