Georges Dumas. L’expression de la peur. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), vingt-septième année, n°1, janvier 1933, pp. 1-9 + 3 planches hors texte.
Georges Dumas (1866-1946). Médecin, psychologue, philosophe, fidèle disciple de Théodule Ribot, spécialiste des émotions. Il est chargé de cours à la Sorbonne et en 1912 professeur titulaire de psychologie expérimentale et pathologique. Il fonda des instituts à Buenos Aires, Santiago du Chili et à Rio de Janeiro l’Institut franco-brésilien. Avec Pierre Janet, à qui il succèdera à la Sorbonne, il fonde la Journal de psychologie normale et pathologique en 1903. Il est surtout connu pour son Traité de Psychologie (1924) en 2 volumes et son Nouveau Traité de psychologie en 10 volumes (1930-1947), tous deux réunirent de prestigieux collaborateurs. Nous renvoyons pour sa biographie et sa bibliographie aux nombreux articles sur la question. Nous n’en retiendrons que quelques uns :
— Les états intellectuels dans la mélancolie. Paris, Félix Alcan, 1895. (Thèse de médecine). 1 vol.
— La tristesse et la joie. Paris, Félix Alcan, 1900. 1 vol.
— Odeurs de sainteté. Journal de Psychologie, quatrième année, 1907, pp.456-459 La Revue de Paris, 1907, pp. 531-552.
— La plaie du flanc chez les stigmatisés chrétiens. Journal de Psychologie, (Paris), quatrième année, 1907. [En ligne sur notre site]
— Comment les prêtres païens dirigeaient-ils les rêves ? Journal de psychologie normale et pathologique, (Paris), cinquième année, 1908, pp. 447-450. [En ligne sur notre site]
— Comment on dirige les rêves. La Revue de Paris, (Paris), XVI année, tome 6, novembre-décembre 1909, pp. 344-366. [En ligne sur notre site]
— Les loups-garous. « Journal de Psychologie normale et pathologique », (Paris), 1907. pp. 225-239, puis, quelques mois après, dans La Revue du Mois, (Paris), 2e année, n° 16, tome III, quatrième livraison, 10 avril 1907, pp. 402-432. [En ligne sur notre site]
— La plaie du flanc chez les stigmatisés chrétiens. Journal de psychologie normale et pathologique, (Paris), quatrième année, 1907, pp. 32-36. [En ligne sur notre site]
— Contagion mentale. Revue philosophique. 1911.
— La contagion des manies et des mélancolies. Article paru dans la « Revue philosophique de la France et de l’Etranger », (Paris), trente-sixième année, tome LXXII, juillet à décembre 1911, pp. 561-583. [En ligne sur notre site]
— Qu’est-ce que la psychologie pathologique ? Journal de psychologie normale et pathologiques, (Paris), 1915, p. 73-87. [En ligne sur notre site]
— La contagion de la folie. Revue philosophique. 1915.
— Troubles Mentaux et Troubles Nerveux de Guerre. Paris, Félix Alcan, 1919. 1 vol.
— Le refoulement non sexuel dans les névroses. L’Encéphale, (Paris), dix-huitième année, 1923, p. 200. [En ligne sur notre site]
— L’expression de la peur. « L’Encéphale », (Paris), vingt-septième année, n°1, janvier 1933, pp. 1-9 + 3 planches hors texte. [En ligne sur notre site]
— Le surnaturel et les dieux d’après les maladies mentales. (Essai de théogénie pathologique). Paris, Presses Universitaires de France, 1946. 1 vol.
— La vie affective. Physiologie. – Psychologie. – Socialisation. Paris, Presses Universitaires de France, 1948. 1 vol.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les images sont celles de l’édition originale. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p.1]
L’EXPRESSION DE LA PEUR
par
Georges DUMAS (1)
(avec trois planches hors texte).
On peut rarement, en l’état actuel de notre civilisation, observer des expressions de peur intense ; la guerre en offre de beaux exemples, mais la guerre est heureusement assez rare et les médecins ou les combattants, qui sont témoins de grandes peurs sur le terrain ont, en général, autre chose à faire qu’à les photographier.
J’ai pu observer quelques expressions de peur chez des alcooliques terrifiés par leurs hallucinations, chez des angoissés, en état de pantophobie ; j’ai quelques bonnes photographies de ces derniers et j’ai pu pendant la guerre, à l’ambulance, observer les mêmes réactions chez des confus hallucinés. Je n’avais pas de quoi photographier ces confus, mais je dois à l’obligeance du regretté Léri une admirable photographie de commotionné anxieux et hagard qu’on retrouve à la planche II.
Tout de même que nous avons distingué, dans les réactions neuro-végétatives de la peur, des réactions de paralysie ou d’arrêt et des réactions actives correspondant à deux formes de l’émotion, nous distinguons une expression passive et une expression active de la peur.
I. — L’EXPRESSION PASSIVE DE LA PEUR
Il s’agit, dans l’expression passive de la peur, de phénomènes d’inhibition comme nous en avons déjà rencontré dans [p. 2] l’étonnement, soit que l’excitation intense d’un centre cortical dérive, en l’attirant sur lui, l’excitation d’autres centres, comme le pense Pawlow, soit que cette excitation exerce directement son influence inhibitrice sur des centres dont elle arrête le fonctionnement ; et il n’est pas contradictoire non plus d’admettre que les chocs de peur peuvent déterminer, par spasmes vasculaires, dans les centres moteurs cérébraux, des anémies qui, après une période plus ou moins brève d’excitation, provoqueraient en certains muscles des paralysies passagères. Ce qu’il y a de certain, quand on ne considère que des résultats musculaires, c’est que l’expression de peur passive correspond, pour la face, à un relâchement général de la musculature qui équivaut à une paralysie, exception faite pour les muscles qui par une sorte de réflexe fixent le regard sur l’objet qui provoque l’émotion. Le relâchement se marque dans le sphincter palpébral par l’agrandissement des yeux, dans les muscles malaires par le creusement des joues, dans les muscles masticateurs par la chute de la mâchoire inférieure et l’ouverture de la bouche. Il y a non seulement disparition passagère de l’innervation volontaire mais disparition du tonus et des contractions permanentes que le tonus réalise.
Et il en est de même dans le corps tout entier ou le relâchement des muscles qui assurent la station verticale peut entraîner le déséquilibre et la chute.
Nous avons d’ailleurs, comme pour la joie et la tristesse, un moyen très simple de confirmer, par la pathologie nerveuse, le caractère mécanique de l’expression passive de la peur.
On rencontre en effet des expressions figées de peur dans certaines maladies nerveuses et notamment dans la paralysie double des pseudo-bulbaires où la disparition du tonus, conséquence de la diplégie, a des effets d’autant plus marqués que la lésion est bilatérale. On voit alors les deux moitiés du visage s’allonger parallèlement et les sphincters palpébraux s’élargir par suite de la paralysie qui atteint les fibres intra-cérébrales du facial ; les muscles de la mâchoire se relâchent quand la lésion atteint plus ou moins les, fibres intra-cérébrales motrices du trijumeau ; et l’on constate, sur le visage, une expression de peur qui n’est que la conséquence de la double lésion des centres. [p. 3]
Voici une photographie de pseudo-bulbaire présentant, pour les raisons que nous venons de dire, une expression de peur passive. (Planche I, figure 1.)
L’expression de cette photographie que j’emprunte à la Sémiologie du Système nerveux de Dejerine s’explique par une lésion bilatérale du faisceau géniculé qui a intéressé les fibres intra-cérébrales du facial, un peu moins les fibres motrices du trijumeau, et le fait que la lésion est double est cause que les caractères de l’hypotonie faciale s’y marquent au maximum, avec, en plus, celle des masticateurs qui provoque l’ouverture de la bouche.
C’est une expression de peur passive qui justifie, partiellement au moins, cette idée de Lange que l’expression de la peur contient celle de la tristesse ; elle l’accuse, elle la complique, elle y ajoute la fixité du regard et la chute de la mâchoire mais elle en a les éléments essentiels. Elle se rapproche également, pour des raisons faciles à saisir, de l’expression de l’étonnement où il y a aussi fixité du regard et inhibition, mais, dans la peur, l’inhibition est infiniment plus étendue et plus marquée ; de plus, un élément de l’expression active de la peur que nous allons retrouver tout à l’heure, doit s’y ajouter sous forme discrète pour que l’expression de la peur passive se distingue de l’expression de l’étonnement extrême : c’est une légère rétraction des commissures labiales en arrière. Dans la figure 1, c’est l’apparence de cette rétraction qui surajoute à l’hypotonie générale une réaction caractéristique.
II. — L’EXPRESSION ACTIVE DE LA PEUR
Dans l’expression active de la peur nous devons distinguer deux variétés très différentes suivant qu’il s’agit de tension d’esprit et de crainte ou d’une peur actuelle, réalisée. Dans le premier cas, nous n’avons guère que des réactions légères de passivité compliquées d’une contraction des sourciliers qu’on rencontre dans toutes les formes de la préoccupation et de la tension d’esprit.
On ne doit pas confondre cette contraction, en général assez marquée des sourciliers, avec la contraction des mêmes muscles dans les formes fermées ; de l’attention visuelle. A moins qu’il ne s’agisse de l’attention difficile, de l’attention d’effort, cette [p. 4] dernière contraction est beaucoup plus faible, et, faible ou forte, elle est toujours synergique avec la contraction du sphincter palpébral qui diminue le champ de la vision indirecte. Ici les sourcils tirés vers le bras prennent facilement une position horizontale dans leur partie interne, tandis que l’œil reste ouvert et quelquefois grand ouvert par un relâchement du sphincter palpébral.
Voici trois, photographies où l’on trouvera cette expression plus réellement voisine de la crainte que de la peur.
La première est celle d’un Indochinois interné à l’asile de Bien-Boa (Cochinchine). Il a été photographié tandis qu’il était plein d’appréhension devant un geste où il voyait une menace. L’expression de crainte est donnée par le regard mal assuré qu’il jette de côté sans tourner la tête et par la contraction des sourciliers qui fait les sourcils horizontaux dans leur portion interne. L’œil est normalement ouvert. Le reste de l’expression appartient à la peur passive. (Planche I, figure 2.) La seconde photographie est celle d’une peur mimée que je tire des cartons de François-Franck. Si l’actrice a cru mimer la peur active, véritable, réalisée, elle s’est trompée ; en fait, avec le froncement de ses sourcils devenus horizontaux au-dessus des yeux grand ouverts : et avec sa bouche à demi ouverte, elle a mimé la peur inquiète, la crainte et c’est pour cette raison qu’elle figure à cette place. (Planche I, figure 3.) Voici également un dessin de Frappa représentant la peur, où l’auteur a rendu les sourcils horizontaux pour marquer la préoccupation et où il a marqué la passivité par l’ouverture de la bouche et les yeux grand ouverts. (Planche II, figure 4.) C’est dans la mesure où se marquent davantage, par les réactions des sourciliers, la contention d’esprit, l’inquiétude, que l’expression de la crainte se change en expression d’angoisse sans que l’expression proprement dite de la peur active apparaisse encore. On trouve cette angoisse très bien exprimée dans la photographie suivante prise par Vaschide et François-Franck sur une mélancolique angoissée à l’idée du châtiment imaginaire qu’elle redoute. Avec la bouche ouverte, l’hypo- tonus des joues, le regard fixe et la contraction énergique des sourciliers qui provoque des plis verticaux au-dessus du nez sur la partie inférieure et médiane du front, l’expression est saisissante. (Planche II, fig. 5.) [p. 5]
C’est à des expressions de ce genre que s’apparentent manifestement, avec l’égarement en plus, certaines expressions de confus angoissés, comme celle de la figure 6. C’est la photographie du confus, commotionné de guerre, que je dois à Léri. L’égarement se marque dans le regard car les yeux ne regardent ni ne convergent ; l’anxiété se marque dans la contraction des, sourciliers qui rapprochent les, sourcils en les faisant horizontaux dans leur portion interne, tandis que les expressions d’inhibition se marquent dans le creusement des joues et la chute de la mâchoire. (Planche II, fi g. 6.) Quand l’expression de la peur active se réalise, on trouve des réactions assez différentes. On a affaire alors à deux traits caractéristiques relevés par tous les psychologues et physiologistes qui se sont occupés de la question. D’une part, il y a une contraction très énergique des frontaux qui provoque autour de chaque orbite des rides concentriques se rejoignant dans leur partie médiane et quelquefois coupant le front dans toute sa largeur, sans concavité apparente.
D’autre part, il y a rétraction des commissures labiales en arrière et en bas sous l’influence des contractions des pauciers du cou, contractions qui, dans les cas de peur très intense, déterminent de chaque côté des rides transversales caractéristiques.
Nous n’avons pas de photographies personnelles de cette expression qu’on trouvera décrite partout. Mais nous donnons un dessin de Charles Bell, la réduction photographique d’un buste de terreur, œuvre de J. Frappa et celle d’un masque japonais. On trouvera très bien indiquées dans le dessin de Bell, comme dans le buste de Frappa, les deux réactions musculaires que nous venons de signaler. (Planche III, fig. 7 et 8.)
L’explication de ces dernières expressions n’est pas facile et elle a fait couler beaucoup d’encre.
Darwin a pensé que les contractions des frontaux qui arquent les sourcils et rident la peau du front, suivant la loi de Camper (2), sont l’exagération de l’expression de surprise et qu’elles ont pour objet, dans la peur comme dans la surprise de permettre au sujet de jeter aussi rapidement que possible ses [p. 6] regards autour de lui (333). Mais cette explication ne vaut que pour les peurs légères qui s’apparentent à la surprise. Dans les peurs intenses les sphincters palpébraux inhibés n’ont aucun besoin d’être distendus par la contraction des frontaux, et le regard n’est pas mobile mais fixe dans cette forme de la peur.
Pour la rétraction des commissures labiales et les contractions des peauciers du cou où les rides de la peau vérifient encore la loi de Camper, Darwin a donné des explications qui ne valent pas d’être rapportées.
Nous pensons que les contractions des frontaux et celle des peauciers du cou sont, dans une certaine mesure, des réactions de défense. Le sujet qui contracte ses peauciers et ses frontaux réagit de la sorte comme pour retirer en arrière la partie mobile de son visage ; c’est une réaction analogue à celle du guillotiné qui rentre tellement le cou qu’il se fait couper le menton. Il va de soi que le résultat de la rétraction est nul, mais la réaction qui, par les contractions des frontaux et des peauciers, tend à tirer les traits soit en haut soit en bas et un peu en arrière n’en est pas moins explicable de la sorte. Charles Bell paraît avoir eu l’intuition de cette explication lorsqu’il a dessiné une expression de peur où les frontaux et les peauciers du cou se contractent tandis que la tête rentre dans les épaules, de telle sorte que le mouvement de protection est général. (Cf. fig. 7, planche III.)
Comme la peur qui s’accompagne de contractions musculaires témoigne par là d’une inhibition moindre et moins étendue que celle de la peur passive et que l’inhibition correspond en général à une intensité plus grande des excitations, il est permis de penser que, pour un même sujet, la peur qui s’accompagne de contractions de défense est moins forte que la peur qui inhibe ces réactions.
On lit quelquefois que les expressions de la peur active sont sensiblement les mêmes que celles de la douleur, parce que la peur étant une douleur représentée comme prochaine s’exprime nécessairement comme la douleur présente et réalisée.
Mais il y a, dans la peur, autre chose que la représentation de la douleur prochaine ; il y a, comme le remarquait Gualino (3), [p. 7] un désir instinctif d’éviter cette douleur et c’est la raison pourquoi les expressions précédentes de la peur active, qui ne me sont d’ailleurs pas assimilables à des expressions de douleur, me paraissent relever d’une explication moins simple, celle-là même que je viens de donner.
Il arrive très souvent que les expressions précédentes se mêlent au cours d’un accès de peur, comme on en rencontre chez certains alcooliques. Le sujet tantôt redoute le danger, tantôt le réalise par sa représentation hallucinatoire et les changements d’expression de la région sourcilio-frontale correspondent à des moments différents de son émotion.
Le docteur Crichton Browne a communiqué à Darwin la description d’un accès de peur observé par lui chez une aliénée. Il ne dit pas de qu’elle genre d’aliénation il s’agit mais la description n’en est pas moins intéressante car on y retrouve, dans le déroulement de l’accès, la plupart des expressions de peur active, sans préjudice de quelques réactions d’inhibition caractéristiques de l’expression passive.
Crichton Browne signale des rides transversales du front et une contraction énergique des sourciliers, deux réactions qui ne peuvent guère se produire ensemble (parce que les rides cessent alors d’être transversales) et qui ont été très vraisemblablement successives.
« Quand ses accès, écrit-il, saisissent la malade, elle s’écrie : « voilà l’enfer, voilà une femme noire ! impossible de fuir ! » et autres exclamations de même genre. Un instant, elle ferme les mains, tend les bras demi fléchis devant elle, dans une attitude raidie ; puis elle se courbe brusquement en avant, elle se penche rapidement à droite et à gauche, passe les doigts dans ses cheveux, porte les mains à son cou et essaie de déchirer ses vêtements. Les muscles sterno-cléido-mastoïdiens qui inclinent la tête sur la poitrine deviennent très saillants, comme tuméfiés, et la peau de la région du cou se sillonne de rides profondes. La chevelure, qui est coupée ras derrière la tête, et qui est lisse à l’état normal, se hérisse tandis que les mains emmêlent celle qui couvre la région antérieure. La lèvre inférieure s’abaisse et quelquefois se renverse. La bouche reste à demi ouverte et la mâchoire inférieure se prête en avant. Les joues se creusent et sont profondément sillonnées de rides courtes qui s’étendent des ailes du nez au coin de la bouche. [p. 8]
Les yeux s’ouvrent largement, les pupilles sont dilatées, le front est couvert de rides transversales ; vers l’extrémité interne des sourcils, il présente des sillons profonds et divergents dus à la contraction énergique des muscles sourciliers. »
Il se joint à toutes ces expressions actives ou passives de la musculature striée des expressions qu’on retrouve dans des émotions très différentes dont nous allons parler à propos des expressions communes. C’est la pâleur des tissus cutanés due à la vasoconstriction; ce sont les dilatations du sphincter iridien, avec parfois un certain exorbitisme que nous allons retrouver et expliquer dans la colère où il est, en général, plus marqué ; ce sont des sécrétions des glandes sudoripares, de l’horripilation, etc., c’est-à-dire tout un ensemble de réactions qui relèvent du sympathique à moins qu’elles ne relèvent du vague, comme la pâleur liée au ralentissement cardiaque, et qui font partie de l’expression de la peur dans la mesure où elles sont visibles. Nous ne nous arrêterons pas sur le tremblement des muscles striés que nous retrouverons également à propos des expressions communes et dont nous proposerons une explication…
III. — LES GESTES ASSOCIÉS A L’EXPRESSION DE LA PEUR
Nous avons déjà (4) dit que, pour nous, la fuite ne faisait pas partie de la peur. Quand la peur ne cloue pas sur place la fuite peut être une manifestation de l’instinct de conservation associée à la peur affolée et active, mais la fuite n’est pas la peur, pas plus que l’agression n’est la colère.
La fuite n’est même pas la réaction la plus fréquente de la peur active et, de même qu’on peut fuir sans être effrayé, par une décision réfléchie, on peut être effrayé, hagard, affolé sans réagir à son émotion par la fuite.
Il s’associe par ailleurs à la peur, quand elle est peu intense, et plus encore à la crainte, des gestes de protection, d’imploration, de soumission ; les mains se tendent pour écarter le danger ou se joignent pour implorer du secours, la tête s’incline ; ce sont là des gestes qui correspondent à des degrés différents d’automatisme et de volonté. [p. 9]
Les uns, les gestes de soumission et d’imploration, sont des gestes intentionnels et mimiques, sur lesquels la coutume et l’usage ont prise.
Les autres gestes, celui d’écarter, de parer, de se protéger sont des gestes instinctifs.
Nous ajouterons une remarque qui vaut non seulement pour la peur mais pour toutes les émotions fortes, c’est que les couches optiques paraissant régler la chronaxie des centres neuromoteurs, les perturbations émotionnelles des couches optiques peuvent introduire des perturbations corrélatives soit dans les attitudes soit dans la conduction des mouvements. Plus la perturbation serait grande, plus la désharmonie serait marquée,
NOTES
(1) Ce fragment de chapitre est tiré d’un livre qui va paraître : le tome III du Nouveau Traité de Psychologie, consacré à l’Equilibre, à l’Expression des émotions et- au Langage. La question des centres émotionnels est traitée dans un chapitre spécial du même tome et la psycho-physiologie des émotions a été traitée dans le tome Il.
(2) Camper a formulé cette loi de l’expression que la contraction d’un muscle peaucier provoque la formation de rides qui lui sont transversales.
(3) Gualino a publié (Riv. d. Psic., XVI, i, 1920), un article intitulé Psicofisiologia dei fucilandi.
(4) Tome II, page 374.
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