André Cellier. Les influencés. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-huitième année, 1924. Intégral.

ceillierinfluences0004André Cellier. Les influencés. Article paru dans la revue « L’Encéphale », (Paris), dix-huitième année, 1924, pp. 153-161, 225-234, 294-301, 370-381.

Cet article reproduit le texte in extenso proposé en quatre parties dans la revue « L’Encépahle ».

André Ceillier (1887-1954), psychiatre, médecin chef du service des femmes à Clermont-de-l’Oise depuis juin 1941, il du faire face à la maltraitance des malades par insuffisance de moyens en personnel et nourriture.. Il soigna Valéry Larbaud pendant 22 ans et fut un proche de Paul Valéry et de nombreux poètes. Il fut l’un des membres du premier cercle qui s’intéressa à la psychanalyse en France. Il se donna la mort  un matin de 1954, sans laisser de message qui aurait pu expliquer son geste. Quelques travaux :
— Les influencés. syndrome et psychoses d’influence. L’Encéphale, 1924.
— Lettre à Mignard à propos de son récent article sur la « Subduction mentale morbide ». Annales médico-psychologique, 1924.
Du rôle des hallucinations psychiques dans l’exploration de l’inconscient. Un exemple clinique. Article paru dans la revue « L’Évolution psychiatrique », 1925, pp. 142-154. [en ligne sur notre site]
— Recherches sur l’automatisme psychique. L’Encéphale, 1927.
— Mystiques (idées et délires). Pratique médico-chirurgicale (A. Coulevaire (Ed.)). 1931.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – PLes  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

[p. 152]

LES INFLUENCÉS

SYNDROMES ET PSYCHOSES -D’INFLUENCE

par

André CEILLIER

En langage psychiatrique le terme influence, en tant qu’il désigne un syndrome, une idée délirante, une psychose, signifie : possession spirituelle. L’influencé est un possédé de l’esprit qui peut dans quelques cas devenir un vrai possédé si, à la possession psychique, s’ajoute la possession corporelle.
PATHOGÉNIE. Le mécanisme du phénomène d’influence s’explique par l’addition, ou mieux par la combinaison de deux éléments.
L’Automatisme (traduisant une dissociation de la personnalité consciente).
L’Idée d’Influence (le malade admettant que ses actes et phénomènes automatiques sont dus à une influence étrangère, par suggestion, hypnotisme, sciences occultes, etc.).

A. L’automatisme porte sur :

a) Le langage intérieur et la pensée, et se traduit par :

1° Les pseudo-hallucinations verbales auditives ;
2° Les pseudo-hallucinations verbales visuelles ;
3° L’hallucination psycho-motrice verbale orale, le langage mécanique ;
4° L’hallucination psycho-motrice-verbale graphique, l’écriture mécanique ;
5° L’hallucination psychique auditivo-motrice ou mixte ;
6° L’hallucination psychique auditivo-graphique ;
7° La conversation mentale ;
8° L’inspiration passive : médium intuitif, inspiration poétique, musicale, etc.

b) Les représentations mentales.

Principalement visuelles : (les visions imaginaires).

c) Les sentiments.

Modification de la manière habituelle de sentir : haine, amour, joie, tristesse, etc. [p. 153]

d) Les actes.

Impulsions et actes automatiques. (Nécessité d’établir plusieurs variétés dans ce groupe des actes dits automatiques.) Phénomènes d’inhibition.
L’automatisme s’accompagne de troubles cénesthésiques particuliers.

B. Le sentiment et l’idée d’influence comprennent des sous-variétés :

Le sentiment et l’idée de perte de la liberté,
Le sentiment et l’idée de protection (souvent amoureuse),
Le sentiment et l’idée de domination,
Le sentiment et l’idée d’influence simple,
Le sentiment et l’idée de présence,
Le sentiment et l’idée de possession.

Formes cliniques

Protection
Persécution
a) SUIVANT LA NATURE DU DELIRE Protection et persécution
Erotomaniaque
Spirite
Mystique, etc.

b) SUIVANT LE DEGRÉ DE L’AUTOMATISME et les caractères des phénomènes pathologiques fondamentaux :

Les influencés par interprétation de phénomènes plus ou moins automatiques ;
Les influencés par désagrégation vraie de la personnalité ;
Les influencés possédés, par adjonction de phénomènes, de sentiments et d’idées de possession corporelle.

c) SUIVANT L’ÉTIOLOGIE.

Délire d’influence primitif : Psychose d’influence (2).
Délire d’influence secondaire à :
Manie (3),
Mélancolie (4),
Psychasthénie par obsessions(5), mentisme, sentiment d’incomplétude et besoin de réconfort (6),
Erotomanie (7),
P. G. D. P., alcoolisme, etc. [p. 154]

 

Le diagnostic comporte donc deux temps : 1° reconnaître le syndrome, 2° reconnaître si le délire d’influence est primitif ou s’il est secondaire et, dans ce cas, diagnostiquer l’affection causale. Dans ce dernier cas le pronostic dépend presque toujours de la cause, bien que dans certains cas on ait pu voir passer à la chronicité un délire d’influence provoqué par une affection passagère.

A. Par automatisme psychologique il faut entendre des opérations qui s’exécutent spontanément, en dehors de la volonté du sujet. Notre vie est pleine d’actes automatiques. Les actes habituels (marche, écriture), les actes instinctifs, les tendances, les inclinations, la mémoire, les associations d’idées, le langage intérieur, etc., s’exécutent, dans bien des cas, machinalement, sans le contrôle de la volonté.
L’automatisme est très marqué dans les états de distraction (gestes, paroles, se détourner de son chemin), dans les états de rêverie où nous laissons aller la pensée à son gré, dans le rêve où il est à son comble. Seulement lorsque nous nous réveillons, lorsque nous sortons de notre état de rêverie ou de distraction, lorsque nous constatons après coup un acte d’automatisme, nous savons que ces actes viennent de nous, qu’ils appartiennent à notre moi. Chez le psychasthénique, l’automatisme est très marqué, qu’il s’agisse d’un état obsédant ou d’un état de mentisme. Le malade éprouve souvent un sentiment de perte de la liberté, assez voisin du sentiment d’influence, mais qui ne va pas jusqu’à l’idée délirante. L’obsession suppose la conscience — la reconnaissance — de l’état morbide ; aussi quand le malade ne reconnaît plus l’origine personnelle, endogène, de son obsession, cesse-t-il d’être un obsédé pour devenir un délirant.
Les malades que nous avons en vue considèrent, au contraire, que leurs actes automatiques sont dus à une influence étrangère. Ils ont une dissociation de leur personnalité consciente. La personnalité consciente n’est pas du tout la simple collection des états de conscience, mais elle doit être considérée comme une activité de groupement et d’appropriation personnelle. Pour qu’une pensée, un acte, un sentiment soient rattachés à la personnalité consciente, il faut, de toute évidence, que cette pensée, cet acte, ce sentiment soient considérés par le sujet comme lui appartenant (8). Chez l’influencé les choses se passent différemment. Des pensées se présentent à lui qu’il ne reconnaît pas comme siennes. Des actes sont commis qu’il n’a pas voulus et dont même il n’a conscience qu’au fur et à mesure qu’ils s’exécutent. Des sentiments sont éprouvés qui sont en contradiction avec les siens propres et qui lui sont suggérés malgré lui. L’appropriation personnelle ne se fait pas : il y a bien dissociation de la personnalité consciente.
Nous passerons en revue chacun des éléments qui par leur réunion constituent le syndrome d’influence et qui servent de base à l’édification du délire. Ces symptômes ne se retrouvent jamais tous au complet chez le même malade et se groupent en plus ou moins grand nombre et suivant diverses combinaisons. Parmi eux les plus fréquemment observés sont ceux qui [p. 155] traduisent l’automatisme du langage intérieur et de la pensée et l’automatisme des actes. Nous étudierons d’abord les premiers.

a. Automatisme du langage et de la pensée

PSEUDO-HALLUCINATIONS-VERBALES-AUDITIVES. — Elles sont presque constantes dans les délires d’influence. Elle se rapprochent de l’hallucination vraie par les trois caractères suivants :
Elles sont automatiques, c’est-à-dire qu’elles se produisent en dehors de la volonté.
Elles sont incoercibles, c’est-à-dire que le sujet ne peut les faire disparaître. Elles sont douées d’objectivité psychique, c’est-à-dire que le sujet les reconnaît comme étrangères à sa personnalité.
Elles en diffèrent par l’absence d’extériorité spatiale. Elles n’offrent pas les caractères d’une perception.
En pratique, les malades, dans un certain nombre de cas, en décrivent spontanément tous les caractères ; dans d’autres, ils ont des explications très confuses et il est parfois impossible de savoir s’il s’agit d’une pseudo-hallucination ou d’une hallucination vraie. Lorsqu’ils reconnaissent le phénomène, ils s’expriment ainsi : « C’est une voix qui vient dans la tête et pas dans les oreilles. C’est une parole en pensée. C’est comme une pensée, mais plus fort. J’entends mentalement. C’est comme une parole intérieure qui ne fait pas de bruit. C’est une transmission de pensée. C’est une transmission intérieure ». D’autres fois ils sont moins précis : « C’est une voix, mais qui ne fait pas beaucoup de bruit. Une voix très lointaine, très sourde. Ce n’est pas une voix naturelle. » Enfin quelquefois ils disent : « C’est une voix comme la vôtre, j’entends très distinctement. J’entends par les oreilles, etc. » Des phrases, même aussi catégoriques que celles-ci, ne doivent pas faire éliminer de façon absolue et a priori l’existence d’une pseudo-hallucination. Le malade est parfaitement en droit de se tromper, car il faut une certaine finesse d’analyse psychologique pour reconnaître qu’une pseudo-hallucination, tout en étant très claire, très distincte, n’est pas sonore. En effet, une pseudohallucination, sans avoir aucun caractère de sonorité, peut avoir un timbre. — Les sujets qui possèdent une oreille musicale peuvent parfaitement « imaginer » le timbre d’un instrument particulier ou celui d’une voix. — Le langage est aussi une source de perpétuelle confusion, puisqu’il n’existe aucun terme spécial et que le malade est obligé d’employer le mot « entendre » même quand il s’agit d’une parole intérieure dépourvue de toute sonorité. Dans certains cas il sera impossible d’affirmer la nature exacte du phénomène. C’est dans ces cas que prennent une importance réelle certains caractères accessoires qui, sans être absolument pathognomoniques, sont assez particuliers aux pseudo-hallucinations. Ce sont :

Leur fréquence, leur continuité. Alors que l’hallucination vraie consiste le plus souvent en un mot isolé (injure, menace), ou en une phrase courte, l’hallucination psychique est très fréquente, longue, parfois continue. La pensée du malade est répétée (écho de la pensée). S’il lit, s’il écrit, on répète intérieurement ce qu’il lit ou écrit. On commente tous ses actes, toutes ses pensées.
Leur contenu souvent insignifiant ou agréable, flatteur, consolant, encourageant. [p. 156] C’est une jeune femme à qui l’on dit qu’elle est jolie, qu’elle a une belle poitrine ou une dame âgée que l’on console : « tu es bien conservée pour ton âge ». On vante leurs qualités intellectuelles et morales. Ce caractère bienveillant, sans être exclusif à l’hallucination psychique, lui est cependant assez particulier. »
L’absence des moyens de défense quelquefois employés par l’halluciné véritable : coton dans les oreilles, oreilles enfouies sous le bonnet.
La réponse mentale du malade à ses voix intérieures. Ce signe m’a paru très rarement en défaut et je l’estime assez bon pour aider à distinguer les deux variétés d’hallucination. Alors que le persécuté halluciné invective à haute voix ses ennemis, montrant ainsi qu’il croit à la réalité spatiale des voix qu’il entend, l’influencé cause mentalement avec ses voix sans même articuler, prouvant de cette façon qu’il s’agit d’une « transmission de pensée », soit qu’il la reçoive, soit qu’il l’envoie. Ces conversations mentales, dans lesquelles le malade fait lui-même les demandes et les réponses, existent parfois presque sans arrêt et sont un excellent signe de dissociation de la personnalité.

LES PSEUDO-HALLUCINATIONS VERBALES-VISUELLES sont extrêmement exceptionnelles. J’ai pourtant observé un malade qui voyait « en fermant les yeux » apparaître des mots : « tout à fait semblables, disait-il, à des réclames lumineuses ».

LES HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES-ORALES. — Elles ont été décrites par M. Séglas qui distingue : « les hallucinations verbales kinétiques simples » dans lesquelles le malade n’a que la sensation de prononcer des mots, sans mouvements d’articulation visibles. Les « hallucinations verbales motrices » proprement dites, qui s’accompagnent de mouvements d’articulation. L’« impulsion verbale », dans laquelle les mots sont réellement prononcés. Les hallucinations motrices verbales sont je crois, plus rares qu’on ne le dit. J’estime, en effet, que toutes les impulsions verbales ne sont point toujours assimilables à des phénomènes hallucinatoires. Il me paraît nécessaire d’établir plusieurs variétés dans ces phénomènes et de faire un groupe à part de ces faits, assez fréquents, où le malade parle d’abondance, sans se croire l’auteur de ses propres paroles, affirmant même ne connaître le sens de son discours et de ses paroles qu’au fur et à mesure de leur débit, mais sans éprouver toutefois l’impression d’une contrainte physique exercée sur les organes de la phonation. Le phénomène moteur est accessoire et secondaire, le phénomène psychologique primitif. L’automatisme porte beaucoup plus sur le langage en tant que pensée que sur le langage en tant que phénomène de phonation. Il va sans dire qu’il serait absurde de séparer complètement ces deux sortes de phénomènes (intellectuel et phonatoire), qui sont, par leur nature, intimement liés. Mais peut-être a-t-on, dans ces dernières années, — suivant un courant général très en vogue en psychologie — attaché trop d’importance, dans les hallucinations verbales, à l’élément sensoriel ou moteur et pas assez à l’élément intellectuel. Les hallucinations verbales sont de nature et peut-être de pathogénies très différentes des hallucinations communes (non verbales) et doivent être envisagées, à mon sens, beaucoup moins comme des phénomènes sensoriels ou moteurs, que comme des phénomènes de pensée. Dans certains cas la pensée s’extériorise, se manifeste objectivement par la parole ou l’écriture, le malade affirmant n’être point l’élaborateur de [157] son discours, mais seulement un agent inconscient, mécanique dont les divinités, les « esprits » ou les hommes se servent pour émettre des paroles ou écrire des mots. Ces phénomènes méritent les noms de langage mécanique et d’écriture mécanique. Dans d’autres cas la pensée ne s’extériorise pas en mots prononcés ou écrits, elle se formule « mentalement » et il est souvent difficile au malade de reconnaître au moyen de quelle sorte d’images. Qu’il s’agisse d’un malade ou d’un sujet sain, qu’il s’agisse d’hallucinations psychiques, c’est-à-dire d’un langage intérieur automatique, non rattaché au « moi », ou du langage intérieur normal, il faut, pour reconnaître le type de ce langage intérieur, que le phénomène soit très pur (ce qui n’est pas toujours le cas), et que le sujet soit doué d’une certaine capacité d’introspection. Ceci explique qu’il soit toujours malaisé et parfois impossible d’établir la variété motrice ou auditive de l’hallucination psychique. L’existence d’un type « mixte » « auditivo-moteur » montre que le mécanisme de l’hallucination psychique n’est pas simple. Dans ces cas d’hallucinations psychiques auditivo-motrices, il s’agit d’un automatisme du langage intérieur qui n’est ni celui du langage auditif, ni celui du langage moteur, ni même, strictement, la juxtaposition, la concordance, ou l’addition du langage intérieur auditif et du langage intérieur moteur, mais une combinaison qui participe des deux, sans être cependant l’un et l’autre : l’automatisme du langage auditivo-moteur.
Cette opinion est absolument conforme aux doctrines psychologiques actuelles. « Il est certain, disaient Chaslin et Barrat, dans le récent traité de psychologie de M. Dumas, que les images auditives de phonation sont intimement associées aux mouvements qui habituellement les produisent. » La forme auditivo-motrice de l’automatisme verbal devrait donc être la plus fréquente et il y a lieu de s’étonner qu’elle ne soit presque jamais décrite.
Quelques exemples illustreront ce qui vient d’être dit. La malade suivante présente des hallucinations verbales motrices du type décrit par M. Séglas : « Un jour, dit-elle, j’ai senti qu’on me parlait. D’abord j’ai senti une force dans la mâchoire qui m’obligeait à parler, en épelant : « o-u-i ». Mes mâchoires sous une impulsion autre que ma volonté proféraient des syllabes. Alors j’ai dit : « Qui est-ce qui parle ? » Alors on m’a répondu : « Un esprit », mais en faisant épeler : e-s-p-r-… Je sentais la mâchoire qui était tirée, ainsi que les lèvres, la langue. Ainsi ma bouche était tirée en large pour me faire dire « i », la langue animée pour dire « 1 ». Quelquefois je ne comprenais pas, alors on me faisait répéter quatre, cinq, six fois, jusqu’à ce que je comprenne… ce qui prouve bien que c’est une autre force qui me fait parler. Ça j’en suis parfaitement sûre. C’est un empire sur moi qui me fait parler. Ce n’est pas ordinaire du tout. Je comprends, soit quand ils ont fini de parler, soit au milieu de la phrase, avant qu’ils aient fini ce qu’ils avaient à me dire… Ils sont l’esprit du mal… ils l’ont dit eux-mêmes. Ils ont dit que j’étais le : « c-e-n-t-i-é » de l’enfer (la malade s’étonne elle-même de cette orthographe). Ils ont dit que j’étais une « hétaïre » de l’enfer, mais je ne sais pas ce que c’est qu’une hétaïre… Souvent ils sont plus forts que moi et je ne peux pas fermer la bouche. Il y a une force « herculéenne ») qui me fait agir les mâchoires… Il y en a un, le plus fort de tous, et je suis obligée de lui dire : « Ne faites pas cela si fort, vous allez me démantibuler la mâchoire. »
Une autre influencée, également de la variété spirite, s’exprimait ainsi : « Ils me font parler, ils me font articuler par la pensée, ils veulent me faire [p. 158] parler malgré moi et je ne veux pas, j’arrête ma respiration. Je suis poussée, il faut que je parle. En serrant les lèvres je parle intérieurement comme si j’articulais. C’est comme si c’était moi qui pensais et que j’articule en dedans, mais ce n’est pas moi qui pense, ce sont les esprits qui sont en moi. » Et plus loin : « Cet esprit double ma personne. Des fois même il se substitue à ma personne. » Dans ces derniers cas la malade parle d’elle-même à la troisième personne. La désagrégation de la personnalité est poussée alors jusqu’à la transformation, complète par moments de la personnalité.
Dans ces deux cas il s’agit bien d’hallucinations psycho-motrices verbales, telles qu’elles ont été décrites par M. Séglas. Voici maintenant un exemple d’hallucination psychique auditivo-motrice : « On a essayé de me faire dire des choses contraires à ma pensée. Mes lèvres ont remué. Ça devait être ma langue ou ma gorge, je ne peux pas dire. On m’a fait marmotter, j’entendais ce qu’on disait et mes lèvres remuaient. » Et elle ajoute : « C’était comme d’habitude (c’est-à-dire comme ses hallucinations psychiques habituelles), mais mes lèvres marchaient. »
Enfin cette même malade présente très nettement du langage mécanique. Elle monologue toute la journée et elle affirme que ce n’est pas elle qui parle. — « Pourquoi parlez-vous tout le temps ? » — « C’est quelqu’un qui me suggère. Toute la journée je cause. Ce n’est pas ma pensée. Je ne comprends pas ce que cela veut dire que je cause tout le temps. Tout à l’heure ce n’était pas moi qui parlais, ce n’était pas ma voix. » — « Pourtant vous vous rendez compte que c’est vous qui parlez ? » — « Oh ! non, Monsieur ! au contraire, — je me rends compte que ce n’est pas moi qui parle. Je ne sais pas si c’est dans ma tête, si c’est dans mon corps, mais ce n’est pas moi qui parle. On croirait qu’il y a quelqu’un en moi, ça me fait cet effet-là. » (Quand la malade déclare : « ce n’est pas moi qui parle », elle ne veut pas dire que les mots ne sortent pas de sa bouche, mais elle veut dire que ce n’est pas elle qui élabore les mots et les phrases qu’elle prononce.) — « Comprenez-vous ce que vous dites ? » — « Je le comprends après, quand je l’ai dit, mais avant je ne sais pas. Quand je parle comme tout à l’heure, ce n’est pas moi qui pense, ce n’est pas moi qui cause. Je parle, c’est automatique. » — « Qu’est-ce que ça veut dire : automatique ? » — « Quelque chose qui fonctionne tout seul. » La malade nous dit spontanément, sans avoir été influencée par nous, que son langage est automatique, c’est-à-dire quelque chose qui fonctionne tout seul. Nous croyons qu’un tel phénomène doit être appelé : langage mécanique, par analogie avec le langage mécanique des médiums parlant et l’écriture mécanique des médiums écrivains.
Il nous faut enfin étudier certains malades qui s’expriment dans des langues inconnues ou qui possèdent un plus ou moins grand nombre de personnes qui parlent par leur bouche. Ces malades ont alors un langage qui a parfois 1’« apparence » d’être en partie volontaire, qui est presque toujours « déclenchable » au commandement et qui paraît très souvent un amusement pour eux. Ce sont en général des excités, soit qu’il s’agisse d’excitation maniaque avec idées d’influence secondaires, soit de périodes d’excitation psychique chez des influencés chroniques. En les écoutant, on a nettement l’impression d’un jeu. Voici par exemple Mme Big… dont l’estomac renferme quatorze personnes qui parlent par sa bouche. La voix varie de timbre et de tonalité avec chacune des personnalités amies ou ennemies qui se succèdent. L’une d’elles est un [p. 159] adjudant qui s’exprime avec une grosse voix et qui hurle des commandements militaires; une autre est une fillette dont la voix est très aiguë. Mme Big… fait l’effet de jouer une comédie et même une charge, tant sont caricaturales les expressions de chacun des personnages qui parlent par sa bouche, qui lui répondent dès qu’elle les interroge et qui s’interpellent entre eux. Mme Big… est pourtant une malade qui délire depuis plus de quinze ans. Voici Mme C…, une autre influencée chronique, qui parle avec volubilité « Hindoustani » (?), mais seulement dans ses périodes d’excitation et aussi Mme L… qui est sous l’influence d’individus qui s’expriment, par sa bouche, en trente langues différentes (le tataouit, le papaoua, etc ) et qui écrivent, par sa main, autant d’écritures.
Il serait abusif de considérer ces malades comme des hallucinés moteurs. L’activité exagérée et déréglée (en grande partie automatique) de leur langage oral, l’hyperphasie motrice, pourrait-on dire, est le phénomène primitif. Secondairement interviennent des conceptions d’ordre interprétatif et imaginatif, auxquelles le malade accorde plus ou moins sa croyance. Parfois la croyance est nulle ou consiste en une vague supposition : c’est le cas de certains maniaques qui ébauchent des idées d’influence, mais sans aller jusqu’au délire. A l’opposé la croyance peut être absolue : c’est le cas des délires d’influence (qu’ils soient primitifs ou secondaires). Mme Big… ne laisse pas que d’étonner, car en reproduisant la voix de l’adjudant et celle des treize autres personnages qui se disputent son estomac, elle donne bien l’impression de « jouer la comédie » et pourtant sa conviction délirante, en ce qui concerne la réalité des personnes qui sont en elle, m’a paru irréfragable.

Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre des variétés que nous avons passées en revue, le résultat est de donner au malade l’impression et la conviction qu’il n’est plus le maître de sa pensée et de son langage et qu’il est victime d’une influence ou d’une possession.

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HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES GRAPHIQUES. — Comme pour les psychomotrices verbales, M. Séglas distingue trois cas suivants :

1° Que le malade se représente simplement les mouvements adaptés à l’écriture.
2° Que le malade a la sensation que sa main exécute des mouvements d’écriture :
3° Que le malade écrive réellement.

Je donnerai ici une observation personnelle qui est extrêmement curieuse. On y trouvera les trois variétés d’hallucinations psycho-graphiques de M. Séglas, ainsi que deux des trois types d’écriture automatique décrits par les spirites.
Mme Juliette P…, quarante-quatre ans. Intelligente. Esprit vif. Ne s’est jamais occupée de spiritisme avant le début des phénomènes. Aucun trouble névropathique antérieur. Début soudain, le 10 mars 1920. « Ça m’a pris, dit-elle, comme un coup de pied dans le derrière. » Brusquement après le déjeuner, sans raison, elle se sent poussée à écrire. Elle écrit : « Oui, on en veut à ton mari, mais ne te fais pas de mauvais sang. » Elle se sentait poussée à écrire comme mue par une force étrangère. Elle croit qu’elle aurait pu résister, mais elle avait la curiosité de savoir. Elle écrivait par saccades, d’une écriture changée, haute, anguleuse et renversée. Elle a écrit quatre jours de suite. Elle ne savait ce qu’elle écrivait qu’après, en se relisant. Elle a demandé [p. 160] à l’esprit de signer et il a mis la signature de sa sœur (morte quelques années avant). Dès ce moment elle écrit avec les habitudes de style de sa sœur, avec ses expressions affectueuses et avec une écriture, sinon identique à celle de sa sœur, du moins très semblable et en tout cas nettement différente de la sienne propre. Elle a aussi reproduit l’écriture de son père. Elle écrivait jusqu’à en avoir le bras fatigué.
Jusqu’ici, dans cette première phase, la malade réalise le phénomène de l’impulsion graphique. Elle ignore ce qu’elle écrit. Elle n’a aucune voix intérieure. Dans une deuxième phase elle entend intérieurement une voix au fur et à mesure qu’elle écrit, syllabe par syllabe. Les deux phénomènes sont rigoureusement synchrones.
Dans une troisième phase elle entend intérieurement et sa main fait les mouvements de l’écriture, sans toutefois écrire. Voici comment elle s’en est aperçue : « J’étais assise dans le métro, j’ai entendu une voix dans ma tête et je faisais des mouvements comme si j ‘écrivais, ma main étant posée sur mes genoux. Alors j’ai compris qu’il était inutile d’écrire et qu’il suffisait d’entendre. Alors (quatrième phase) j’ai entendu sans écrire…, c’est moins fatigant. » Ce phénomène est rigoureusement comparable à celui de l’hallucination psychique auditivo-motrice (orale) et mérite le nom d’hallucination psychique auditivo-graphique.
Les spirites ont merveilleusement étudié ces écritures mécaniques et leurs descriptions me paraissent tout à fait conformes aux données de la clinique. Ils admettent trois groupes de médiums écrivains :
Les médiums mécaniques, chez lesquels la pensée suit l’acte de l’écriture (première phase de notre malade) ;
Les médiums semi-mécaniques chez lesquels la pensée accompagne l’acte de l’écriture (deuxième et troisième phase de notre malade);
Les médiums intuitifs chez lesquels la pensée précède l’acte de l’écriture (le médium écrivant sous la dictée de ses « voix ». Ce phénomène n’a pas été réalisé par notre malade).
Mme Juliette P… a présenté par ailleurs presque tous les symptômes des délires d’influence : pseudo-hallucinations verbales auditives, conversation mentale, activité automatique extrêmement développée, visions imaginaires, hallucinations psychiques combinées (en même temps que l’esprit lui parle, il se montre à elle ; elle le voit les yeux fermés, comme il est habituel dans les visions imaginaires ; il apparait alors en veston ou en habit, parfois en « Jésus-Christ » avec une longue robe et une corde, et il lui parle). Elle n’est nullement persécutée ; son « Esprit » est un gai et gentil compagnon. Parfois même cela devient tout à fait plaisant : « L’esprit et moi nous faisons une revue. Je ne sais même pas ce que je dis. Il me souffle. Nous faisons le compère et la commère. On s’amuse beaucoup ensemble. Pourtant, à la longue, c’est lassant et j’en ai assez d’avoir tout le temps ma pensée prise. »
L’inspiration passive est un phénomène assez particulier au délire d’influence. Qu’ils entendent intérieurement, qu’ils parlent ou écrivent malgré eux, les malades sont très souvent surpris par la qualité de leurs productions. Tel malade qui a habituellement de la difficulté à s’exprimer, parle avec une extraordinaire facilité ; tel autre, qui se dit ignorant des règles de la prosodie, compose des vers qu’il trouve charmants ( ?) ; celui-ci raconte des événements qu’il ignore, il prophétise ou bien il décrit l’au-delà, celui-là, peintre en [p. 151] carrosserie qui charme ses loisirs à jouer de la flûte, entend une voix intérieure qui lui souffle une langoureuse mélodie, en même temps qu’elle lui dicte ses notes. Inspiration poétique, voix prophétiques, dictée musicale ne sont que des variantes de cette inspiration passive.

b) Les représentations mentales. — LES VISIONS IMAGINAIRES. — Contrairement à l’opinion de Lévy-Darras, j’estime que les hallucinations psycho-sensorielles vraies de la vue sont exceptionnelles ou même absentes dans les syndromes d’influence. Sur plus de cent cinquante influencés je ne les ai jamais rencontrées. Dans les cas où le caractère sensoriel, avec objectivité et localisation dans l’espace, est bien marqué, il m’a paru s’agir toujours d ‘illusions. Une de mes influencées voyait dans le rond de clarté que faisait une lampe au plafond, une grosse figure barbue. Une ombre aperçue dans la pièce voisine était prise pour un esprit : « Il était grand, debout, il s’est évanoui comme une fumée. » Les phénomènes dits de matérialisation ne sont probablement que des illusions de ce genre.
Très fréquentes au contraire sont les pseudo-hallucinations visuelles, que je préfère appeler : visions imaginaires. L’hallucination est alors dépourvue d’objectivité spatiale ; le sujet voit en lui-même, les yeux fermés ou les yeux ouverts, mais le regard perdu dans le vague.
J’ai remarqué dans ces « visions imaginaires » deux caractères qui me semblent importants : elles sont symboliques et animées : « C’est une image vivante », dit sainte Thérèse, qui les a éprouvées.
Voici par exemple ce que nous dit une malade : « Je voyais toutes sortes de choses en fermant les yeux. J’ai vu le diable avec ses cornes. Il était tout habillé de rouge. Je le voyais très bien…, il taisait des mouvements de dents et des grimaces. — J’ai vu Notre-Seigneur qui me présentait un pain avec ses apôtres. Il avait une grande robe avec de grandes manches… il faisait un mouvement pour me tendre le pain. »
Très fréquentes chez les influencés spirites et mystiques, ces « visions imaginaires » s’observent aussi dans la variété érotomaniaque. Une de nos érotomanes s’exprimait ainsi : « Dans la journée, dans ma chambre, étant éveillée et regardant au loin, on aurait dit qu’il y avait un homme assis au loin et avec qui je conversais. Ça durait bien dix minutes, un quart d’heure, mais c’était tellement bizarre que je me demandais si ce n’était pas mon cerveau qui faisait cela. Il me parlait et il me répondait tout à fait comme si nous avions causé l’un à l’autre. » Et elle ajoute : « Je le voyais enpensée, très distinctement, je voyais bien sa figure, ses yeux bleus très clairs. Il avait le genre américain… tout rasé… le teint clair… les yeux bleus… très profonds comme regard… assez grand… habillé d’un costume marron. »
Un malade de Sainte-Anne, grand psychasthénique ayant évolué vers le délire d’influence, voyait apparaître spontanément l’image de sa maîtresse, en même temps qu’il l’entendait fredonner des chansons.
Ainsi donc les « visions imaginaires » sont un symptôme très fréquent dans les délires d’influence. Il n’est pas sans intérêt de faire remarquer que les hallucinations qui apparaissent à la suite d’obsessions : « les obsessions hallucinatoires » ont ce même caractère symbolique. C’est un des nombreux symptômes communs aux états d’obsession et aux états d’influence.
Ces phénomènes hallucinatoires et pseudo-hallucinatoires ont été merveilleusement décrits par les théologiens et l’on trouve déjà dans saint Augustin [p. 162] une classification qui est aussi bonne —sinon plus complète—que la classification actuelle des psychiatres. Les théologiens distinguent les « visions » des mystiques en trois groupes.

Les visions oculaires ou corporelles, qui sont identiques à l’hallucination vraie.
Les visions imaginaires qui ne sont autres que les pseudo-hallucinations.
3° Les visions intellectuelles qui ne paraissent pas avoir d’équivalents dans la classification psychiatrique et dont pourtant j’ai observé des cas chez certaines influencées.

La vision intellectuelle est une connaissance surnaturelle, qui se produit par une simple vue de l’intelligence, sans impression ou image sensible. La « vision intellectuelle » est donc dépourvue de tout caractère sensoriel. Voici comment s’exprime sainte Thérèse : « On ne voit rien, ni intérieurement, ni extérieurement, parce que la vision n’est point « imaginaire », mais l’âme, sans rien voir, conçoit l’objet, sent de quel côté il est, plus clairement que si elle le voyait. C’est… ajoute sainte Thérèse… comme si, dans l’obscurité, on sentait quelqu’un auprès de soi : quoiqu’on ne pût pas le voir, on ne laisserait pas pour cela d’être sûr de sa présence.»
L’une de mes malades disait : « Je sens quelque chose qui est derrière moi. C’est l’esprit qui se tient près de moi. » — Une autre : « L’esprit est dans mon ambiance. » — Une psychasthénique avec syndrome d’influence et qui avait été abandonnée par son mari, disait : «  Parfois, dans la journée, j’ai la sensation que mon mari est là. Il me semble qu’il est près de moi, mais je ne le vois pas en réalité. » Une érotomaniaque influencée me disait : « Je sens qu’il est là. Je devine sa-présence autour de moi. Je la sens ». Et cette malade, se trouvant à la campagne, passait son temps à chercher celui qu’elle aimait, fouillant tous les buissons. Dans le service, elle ouvrait les portes, les placards, regardait sous les tables, tant elle était assurée de cette présence, et cela sans qu’il y ait d’hallucinations pouvant l’induire en erreur. De tels phénomènes n’ont rien d’hallucinatoire, ils sont même très peu intellectuels, ils sont surtout affectifs. Si je les ai cités ici, c’est uniquement pour montrer l’analogie qui existe entre les phénomènes éprouvés par les mystiques et ceux que ressentent les influencés de la variété spirite, mystique et érotomaniaque. Ce que les « mystiques chrétiens » appellent « vision intellectuelle » mérite d’être appelé en langage psychiatrique : le sentiment de présence.
Les HALLUCINATIONS OLFACTIVES, tout à fait épisodiques d’ailleurs, présentent également le caractère d’être symboliques. Odeurs de soufre, de rôti, chez les démonopathes, odeurs d’encens chez les mystiques, odeurs rappelant les parfums favoris de l’objet aimé chez les érotomanes : « Je sens, dit l’une d’elles, des violettes, des roses, un parfum printanier. Ce sont les odeurs qui lui sont personnelles. »
A titre d’exceptionnelle curiosité que je n’ai vue mentionnée nulle part et que j’ai constatée une seule fois, je citerai les OLFACTIONS IMAGINAIRES qui sont à l’hallucination olfactive ce que la « vision imaginaire » est à l’hallucination visuelle. La phrase suivante ne laisse aucun doute sur la réalité du phénomène : « J’ai senti l’odeur de l’œillet, mais c’était plutôt en « imagination ». C’est une odeur que j’avais dans la tête. Ce n’est pas comme une odeur que l’on respire dans l’air. »

[p. 225]

PARTIE II

LES INFLUENCÉS

SYNDROMES ET PSYCHOSES D’INFLUENCEi

par

André CEILLIER

Les sentiments suggérés. — Presque tous les influencés ont plus ou moins l’impression qu’on agit sur leurs sentiments, leurs tendances, leurs inclinations, leur humeur. Mme Laf… excitée maniaque, secondairement influencée, est sujette à des colères très violentes, mais elle estime que c’est quelqu’un qui la fait mettre en colère malgré elle. Quelquefois elle a de grandes joies, elle voit la vie tout en rose ; elle ne sait pas pourquoi et elle pense que c’est une « transmission de sentiment ». Mme Rou… s’étonne d’être trop gaie, car elle a plutôt des sujets de tristesse. On fait prendre à une malade la haine de son mari et on lui fait souhaiter sa mort. Une érotomane influencée n’a que du dégoût pour son adorateur, mais celui-ci lui a suggéré de n’avoir pas de dégoût pour lui : « Je n’admets pas que je l’ai aimé. Il inspirait le dégoût et il a dû aller jusqu’à me défendre d’avoir le dégoût. Il faut être abruti ou alcoolique pour influencer une femme comme cela. Il devait avoir assez d’influence sur moi pour empêcher les pensées hostiles, l’antipathie. » Cette malade est amoureuse malgré soi, exactement comme si elle avait bu un philtre d’amour. Ce cas n’est pas unique et j’ai vu plusieurs malades contraintes à subir un amour qu’elles réprouvaient. A Mme Ass… on fait prendre en grippe sa sœur qu’elle aime beaucoup. On la pousse à diffamer et pourtant elle n’est pas une mauvaise langue… Parfois on suggère à la malade des sentiments de jalousie en même temps qu’on l’empêche de les tenir cachés. Ainsi Mme W… avoue n’avoir aucune raison d’être jalouse de son mari, mais elle est jalouse malgré elle. Elle fait des reproches à son mari, qu’elle ne trouve pas mérités et qu’elle voudrait ne pas lui faire. Elle l’accuse de choses infâmes et va jusqu’à lui dire qu’il amène des femmes chez lui. Elle sait que ce n’est pas vrai, mais « cette idée la persécute ».
Je pourrais multiplier à l’infini ces exemples, car il n’est pas un sentiment, pas une seule inclination, pas un état d’excitation ou de dépression, pas un trouble de l’humeur qui ne puissent paraître au sujet étranger à sa personnalité, donc suggérés par autrui.
M. Minkowski et Targowla ont publié tout récemment (9) l’observation d’un malade dont les idées d’influence étaient dues à des interprétations de cet ordre et je m’associe entièrement à leurs conclusions : « Au fond, [p. 226] disent-ils, les idées d’influence semblent, dans notre cas, se rapporter à des réactions, à des tendances, à des désirs qui, d’après le malade, sont en contradiction avec les idées élevées sur lesquelles il vit et auxquelles il assimile sa propre personne. Les éléments de l’étage supérieur ne reconnaissent plus les liens de parenté qui les rattachent à ceux de l’étage inférieur et les repoussent comme des étrangers. Le malade les traduit par des idées d’influence. »
Ces sentiments suggérés sont très intéressants à étudier chez chaque malade, car ils indiquent les véritables tendances subconscientes, non réfrénées par la censure. Ce moyen d’investigation, lorsqu’il existe, me paraît supérieur à toutes les méthodes proposées par les psychanalystes.
L’AMNÉSIE ALLÉGUÉE. — Assez souvent les influencés mettent sur le compte d’autrui leur amnésie. Ainsi M. La… affirme qu’un jour où il était en train de se rappeler intérieurement un air de musique, on lui a arrêté net la mémoire. Mme B… prétend qu’on lui fait oublier tout ce qu’elle vient de faire. Cette amnésie alléguée est fréquente et relève du même mécanisme interprétatif.

Les actes automatiques. — Extrêmement importants dans les délires d’influence, ils manquent rarement et contribuent puissamment à créer le sentiment d’influence. On peut appeler acte automatique tout acte exécuté en dehors de la volonté, mais il faut distinguer entre les hallucinations motrices et diverses variétés d’actes plus ou moins automatiques.
Les HALLUCINATIONS MOTRICES consistent dans la perception de mouvements imaginaires du corps, partiels ou généraux. Par exemple, sensation de tomber, de voler, d’être bousculé, secoué dans son lit. Les malades ont quelquefois l’impression d’exécuter certains mouvements alors qu’ils restent immobiles. A ce groupe appartiennent les mystiques qui ont l’impression d’une extraordinaire légèreté et de s’enlever dans les airs ; ce phénomène étant comparable au « ravissement » des mystiques chrétiens. Ainsi Mme Jour…, mystique influencée, déclare : «  J’ai senti comme une grâce, comme si j’avais pu emmener tout le monde au ciel. Je n’étais plus sur terre, quelque chose me transportait en haut. » Mme Ass… : « Ils me font sauter, ils me secouent comme un prunier. Il me semblait que je n’avais rien dans le corps et que j’allais m’envoler. »
Mais très souvent il y a un commencement d’exécution. Le plus souvent même les actes sont réellement accomplis, le malade se sentant poussé à courir, à marcher, à faire certains gestes (quelquefois obscènes), à toucher certains objets, à casser, déchirer, donner des gifles ou des coups, etc. « Ces actes automatiques et irréductibles, dit très justement M. Lévy-Darras, se rapprochent de l’impulsion par leur automatisme, mais ils ont le caractère d’irréductibilité qui les en différencie. » Ainsi que le fait remarquer M. LévyDarras, je crois qu’il est préférable d’éviter, en général, le terme d’hallucinations motrices. En effet, comme l’a montré le professeur G. Dumas, il n’y a pas d’images motrices véritables. Il vaut mieux les considérer comme des actes automatiques, mais il est nécessaire d’établir deux classes d’actes automatiques :

A) Les actes automatiques incoercibles et irréductibles d’emblée.
B) Les actes automatiques simples.

Les premiers supposent une désagrégation plus profonde de la personnalité [p. 227] consciente et consistent en ceci que, au moment même de leur exécution, le sujet considère que ces actes se produisent malgré lui et qu’il n’en est que l’agent d’exécution. Il a l’impression d’une force supérieure à sa volonté qui l’oblige à faire certaines choses et souvent même sans qu’il s’en rende compte sur le moment. Souvent l’acte s’accomplit sans lutte, mécaniquement, comme si le sujet était un pantin dont certaines personnes tirent les ficelles.
Les actes automatiques simples n’ont pas ce caractère d’être incoercibles et irréductibles d’emblée. Ce sont des actes commis dans un moment de distraction, de colère, de maladresse, d’excitation (souvent maniaque) et que le sujet interprète secondairement comme lui ayant été imposés, mais, au moment même de leur exécution, il n’a pas l’impression d’une force supérieure à la sienne. Le mécanisme est uniquement interprétatif. Ces actes plus ou moins automatiques, interprétés secondairement dans le sens d’une influence, sont, en pratique, assez fréquents et sont même les seuls dans la variété interprétative du délire d’influence.
Voici quelques exemples d’actes irréductibles d’emblée : Mlle Chia… (déjà citée pour ses hallucinations motrices verbales) se plaint d’une force « herculéenne » qui lui fait agir les mâchoires. « Il y en a un, le plus fort de tous, et je suis obligée de lui dire : « ne me faites pas cela si fort, vous allez me démantibuler la mâchoire ». En même temps, la malade fait des contorsions effroyables de la bouche en essayant de s’y opposer de toutes ses forces. Une autre malade que j’ai observée pendant deux ans avait des mouvements rythmiques de la tête qui évoluaient pendant un quart d’heure environ et se répétaient fréquemment dans la journée. « Ce n’est pas moi qui fais cela, disait-elle, il y a quelque chose qui n’est pas naturel. On dirait que j’ai un mécanisme qui me remue l’intestin et puis, quand ça ne le fait plus dans l’intestin, ça le fait dans la tête. On dirait qu’on me remonte comme un mécanisme, la clef est dans les reins et ça me fait remuer la tête. »— « Continuellement, dit Mlle Gui…, je fais des choses et ce n’est pas moi qui les fais.. Ici on n’est pas maître de soi, on m’a fait allonger par terre… on m’a fait faire plus de soixante fois le tour du jardin. C’est inouï ce qu’on m’a fait faire ! Par tous les bouts on m’a prise. On me fait rester en place, on me fait remuer. On m’a fait faire des gestes de doigts, de mains… on m’a fait prendre des c poses comme si on me photographiait.., etc. » — « Est-ce que vous faisiez cela parce qu’on vous le disait ? » — « On me faisait faire cela sans me le dire. J’étais assise et puis tout à coup je me sentais prendre une pose ou faire quelque chose comme de me coucher par terre, mais c’était malgré moi. »
Ces actes automatiques et ces phénomènes d’inhibition contribuent à donner au plus haut point aux malades le sentiment d’être influencés. « Etre hypnotisée, dit Mme Mon…, c’est surtout parce qu’on vous fait faire le guignol. On n’est plus maître de sa volonté. » Chez tous ces malades et chez bien d’autres qu’il est inutile de citer, l’acte accompli apparaît d’emblée comme imposé par une volonté étrangère et toute-puissante.
Chez d’autres malades il s’agit d’actes plus ou moins automatiques qui sont interprétés, après coup, dans le sens d’une influence. Mme R… s’est pincé le doigt dans une porte, c’est sûrement quelqu’un qui le lui a fait faire exprès. Elle a raté un plat de pâtisserie, c’est qu’on le lui a fait rater M. D… a fait [p. 228] une chute : on l’a fait tomber. Ses outils lui ont glissé des mains : on les lui a arrachés. Un autre se trompe de chemin, c’est qu’on l’a dirigé exprès du mauvais côté. Ce sont surtout les maniaques qui interprètent ainsi leur gesticulation plus ou moins désordonnée, leurs chants, leurs cris, leurs actes bizarres (prendre une douche au milieu de la nuit et inonder tout l’appartement, enlever dans un taxi une jeune fille inconnue, se promener ,en chemise, etc…).
Le mécanisme interprétatif est quelquefois assez différent. Le malade refuse de se croire l’auteur d’une action quelconque, soit parce qu’elle est trop parfaite, soit parce qu’elle est absurde ou immorale. On peut dire que dans ces cas il n’y a plus d’automatisme du tout, mais seulement une interprétation. Une malade, sachant à peine coudre et ayant cousu une robe très bien faite, croit qu’on l’a dirigée, car d’elle-même elle en aurait été incapable. Telle autre ayant exécuté un plat dont elle ignorait la recette affirme qu’on l’a dirigée.
Parfois, c’est l’inverse et les malades invoquent une influence pour excuser leurs écarts de conduite. Mme Des… explique que, trois jours de suite, elle a accepté les propositions des passants. Or elle est incapable de se conduire ainsi, c’est donc qu’elle a été suggestionnée. Un homme en état d’ivresse a mis la main au collet d’un passant et lui a ordonné de le suivre au commissariat, affirmant être inspecteur de police. Il ne peut s’expliquer qu’il ait commis ces actes et il l’attribue à une suggestion.
Parfois le sentiment d’influence vient d’un arrêt du pouvoir d’inhibition volontaire. Le sujet sait que l’acte a bien été accompli par lui, mais il aurait voulu ne pas commettre cet acte. Il a été obligé de donner une gifle à sa mère ; c’est lui qui a donné la gifle, c’est lui qui a eu cette idée, mais il ne voulait pas le faire et on lui a « paralysé la volonté » pour qu’il donne la gifle. Mlle Da… avait l’idée de se couper les cheveux avec une pince à ongles, mais elle ne voulait pas le faire. Pourtant elle l’a fait, car on lui a également paralysé la volonté.
A côté de tous les actes que nous avons passés en revue il faut citer les actes par obéissance aux ordres reçus, soit par la parole réelle, soit par les pseudo-hallucinations auditives. Un dentiste ayant dit à Mme Des… : « N’irez-vous pas à Nice cet hiver ? ». Mme Des… ne peut résister à cette suggestion verbale et se rend directement à Nice.
Beaucoup plus souvent il s’agit d’hallucinations psychiques impératives. Deux cas sont à distinguer suivant que le malade obéit passivement ou qu’il engage la lutte et essaye de se soustraire à l’ordre reçu.
Lorsque l’ordre est agréable, le malade s’y soumet de bonne grâce. Ce sont des protecteurs qui disent à Mme Enf… : « Ne prenez que du lait, buvez de l’eau, faites une friction » et à Mme Fag… : « Sortez sans chapeau, ouvrez les fenêtres, prenez du rhum. » Il n’en est pas toujours ainsi et les malades exécutent parfois docilement des ordres tout à fait dangereux pour eux ou profondément répugnants. Mme Bi… reste six semaines (?) sans manger par ordre de Lucifer, pour se purifier. Mme Rob… pendant que je l’examine avale le contenu d’un encrier, parce qu’on vient de le lui commander. Un autre jour elle avale son urine. Mme Four… vole un couvert dont elle n’avait nul besoin. Mme Gau… se jette de la fenêtre d’un deuxième étage après avoir brûlé [p. 229] papiers, livres et photos. Dans la cour de la Clinique les pompiers doivent venir chercher M. Lem… qui, obéissant à un ordre, est monté sur la branche la plus élevée d’un arbre, d’où il se balance dangereusement. Enfin Mme Bou… pour expier un adultère est obligée de se soumettre aux dures épreuves que lui envoie Dieu, par exemple de se promener toute nue et de manger les excréments de son mari, ce qu’elle fait, non sans se plaindre de la sévérité des ordres divins.
Dans d’autres cas le malade lutte, ce qui crée un état obsédant. Parfois il résiste avec succès, parfois il succombe. J’ai publié l’observation d’une dipsomane qui essayait de résister aux ordres qu’elle recevait de boire et qui, après une phase d’anxiété, était obligée de céder. J’ai également publié le cas d’une malade à qui une voix intérieure ordonnait le suicide avec un rasoir. L’hallucination impérative se répétait constamment, créant un état obsédant très pénible et obligeant la malade à quitter son domicile et même à fuir Paris. On oblige Mme Enf… à voler un petit pain : « Allez donc chercher un petit pain, allez le voler. C’est si bon, un petit pain ! J’essayais de lutter, je disais : je ne veux pas le faire, non, je ne le ferai pas. J’étais agitée… J’allais et venais chez moi, ne voulant pas céder et puis brusquement je courais chez le boulanger ou je sautais sur des gens qui avaient un pain. Après avoir mangé le pain, le remords me prenait et je pleurais. Et tout cela c’était malgré moi. »
Enfin, pour en finir avec les actes des influencés, une fois que le délire est devenu chronique, lorsque le malade est assuré qu’il est suggestionné, il peut admettre que tous ses actes, sans exception, sont dirigés et ne dépendent pas de lui. Parfois même il admet que toute sa famille ou même l’humanité entière sont « actionnés » par les esprits ou par les divinités. Il ne s’agit pas alors d’actes automatiques, ni même d’interprétation pour chaque acte en particulier, mais d’une croyance, d’une foi, d’une attitude mentale qui se sont généralisées à l’activité tout entière.
En résumé on peut observer chez l’influencé :

1 ° Des hallucinations motrices ;
Des actes automatiques incoercibles et irréductibles d’emblée ;
Des actes automatiques simples interprétés rétrospectivement comme dus à une volonté étrangère ;
Des actes interprétés comme indépendants de la volonté du sujet, parce que trop parfaits ou absurdes, immoraux ;
Des actes par arrêt de l’inhibition volontaire (paralysie de la volonté) ;
Des actes commandés par une hallucination impérative et entraînant soit l’obéissance passive, soit un état obsédant ;
Tous les actes personnels et même tous les actes d’autrui, par généralisation de l’idée d’influence.

Malgré leur diversité, tous ces actes ont ceci de commun qu’ils sont exécutés en dehors de la volonté du sujet et qu’ils aboutissent tous à créer le sentiment d’une influence.

Troubles cénesthésiques. — La cénesthésie, qui intervient si puissamment dans la constitution de la personnalité, est souvent troublée dans les délires d’influence. Les troubles portent moins sur la sensibilité superficielle que sur la sensibilité organique, viscérale.
On peut cependant voir des phénomènes douloureux, sensation de piqûre, [p. 230] de pincement, tels que ceux éprouvés par Mme W…, dont M. Claude a publié récemment l’observation, sous le nom de : « Une envoûtée sans le savoir ». Cette malade, qui ignorait tout phénomènes des phénomènes d’envoûtement, les a éprouvés et décrits. Elle ressent des piqûres à différents points du corps, ainsi que des sensations de strangulation et elle croit que sa sœur se pique à un endroit particulier du corps ou se serre le cou, en concentrant sa pensée sur elle, de façon à lui transmettre, amplifiée, sa douleur. Cette malade présente, par ailleurs, d’autres phénomènes d’influence.

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Plus fréquentes sont les sensations viscérales de déplacement, de transformation, de changement de volume, d’obstruction, qui aboutissent assez souvent à des idées de négation (comme M. Robin en a donné l’année dernière un exemple chez une démonopathe) et à des idées de possession soit par des animaux (délire zoopathique), soit par des esprits, soit par des démons (possession démoniaque, démonopathie interne). Mme Couf… a l’impression qu’elle a des bêtes dans tout le corps, dans l’estomac, dans le ventre, qui la dévorent. Mlle Chia… est possédée par les esprits : « Ce que j’endure est un martyre, je sens la dislocation des membres, des courants d’électrocution. Je sens mon cerveau qui saigne. On me fait la strangulation du cœur, l’électrocution de toute la tête. Il me semble qu’on m’enserre tout le globe de l’œil. On serre mon cerveau avec des lanières, jusqu’à ce qu’il devienne gros comme une cervelle de moineau. Quand on fera mon autopsie on verra dans quel état sont mes organes. » Les esprits sont en elle et elle demande à être exorcisée par un prêtre. Mme La… se sent tirée dans le dos ; on la tourmente aux parties, on lui tire les poils, on lui donne des douleurs dans la tête, les jambes, les mains, l’estomac, on lui ouvre la vulve, on lui écarte les os. Mme Mi… déclare qu’on lui a retourné l’aorte plusieurs fois, qu’on lui a ouvert l’estomac au point de lui faire toucher les reins. Mme K… s’exprime ainsi : « Dans mon corps ça faisait comme un soufflement… c’était désagréable… c’était quelque chose qui était entré dans mon corps. On a pris ma bouche, mon corps, mes pensées. On déformait la tête, elle devenait plus grosse, comme un caillou. Aujourd’hui j’aurai les jambes d’une personne, demain les jambes d’une autre. On est entré dans mes membres, etc. » Parfois les troubles cénesthésiques sont interprétés comme étant dus à des soins : « Il a soigné le ventre, puis la poitrine. Il a fait le nettoyage des reins, puis du ventre ; ça chauffait dur et puis ça faisait froid. Dans la tête ça faisait comme si on voulait élargir de petits ressorts. Il y avait comme un moteur dans la matrice. »
Les hallucinations génitales sont très fréquentes chez les influencées : « Il faisait des caresses pour me mettre en forme, mais pas jusqu’à la jouissance. » Une autre sent la cuisse d’un homme, puis des attouchements. Parfois la sensation va jusqu’à l’impression d’un rapport sexuel. Mme D… éprouve la sensation de coït, qu’elle accepte d’ailleurs, et elle ressent le spasme voluptueux dont elle constate les traces sur son linge. Les démonopathes se croient livrés aux démons incubes et succubes. Mme P… et Mme G… sont toutes les deux violées par le diable, mais la première s’y complaît, alors que la deuxième s’y oppose par toute une série de moyens de défense. Elle n’écarte jamais les jambes, mais reste assise, les cuisses liées avec des serviettes. Elle met des mouchoirs dans le vagin et dans la bouche. Elle ferme portes et fenêtres pour que le diable n’entre pas. [p. 231]
Toutes les manifestations génitales sont très fréquentes chez les influencés. En dehors des hallucinations il faut citer les rêves voluptueux, avec parfois au réveil la sensation d’un corps couché à côté du sien. Il faut mentionner aussi la fréquence de la masturbation, avec le caractère souvent plus ou moins automatique et impulsif : « On m’oblige à me toucher ; on prend ma main et on me fait me masturber malgré moi. » Les hommes mettent souvent sur le compte d’une influence leur frigidité, leurs éjaculations précoces ou leurs pertes séminales.
Beaucoup de troubles cénesthésiques ne sont que l’interprétation de troubles viscéraux réels (ulcus de l’estomac chez une malade possédée, douleurs intestinales, etc.). D’autres paraissent relever d’une atteinte du sympathique (les sympathoses de M. Laignel-Lavastine, les cénestoopathies de Dupré).
Tous ces symptômes, que nous avons longuement étudiés, sont les symptômes cardinaux des délires d’influence. Ils traduisent l’automatisme mental. Cet automatisme mental a été bien décrit par plusieurs auteurs, notamment par M. de Clérambault qui, dans les nombreux certificats que j’ai eu l’occasion de lire, les met remarquablement en relief. M. de Clérambault, dans son enseignement oral à l’Infirmerie spéciale, insiste beaucoup sur tous ces phénomènes. Tous traduisent en effet une dissociation de la personnalité consciente : le malade sent sa pensée et son langage qui lui échappent et il croit que ce n’est pas sa pensée et pas son langage. Les sentiments qu’il éprouve lui sont envoyés de force. Il n’est pas l’auteur responsable de ses actes, mais seulement un agent d’exécution plus ou moins conscient. Ses fonctions organiques sont troublées par la bienveillance ou la malveillance d’autrui. Tous ces troubles s’accompagnent d’un sentiment de malaise et de domination qui trouve son explication dans l’idée d’influence.
Avant d’étudier celle-ci, je dois dire quelques mots de symptômes accessoires qu’on peut observer épisodiquement. Ce sont surtout les interprétations et les hallucinations sensorielles vraies.
Comme dans la plupart des psychoses on peut voir dans les délires d’influence des interprétations fausses, mais elles présentent ceci de particulier et qui les différencie de celles observées dans la psychose hallucinatoire chronique, que, tout au moins dans les formes pures, elles ne marquent pas le début des troubles mentaux, mais sont secondaires aux phénomènes d’automatisme mental et même aux conceptions délirantes. Suivant la formule de son délire (protection, persécution, érotomaniaque, mystique, spirite), le malade interprète les menus faits de l’existence quotidienne. Parfois il peut y avoir des interprétations rétrospectives ou extension des interprétations à la famille du malade ou à toute l’humanité, ainsi que nous l’avons déjà noté. C’est seulement dans des cas tout à fait exceptionnels et surtout dans les cas qui ne sont pas purs, mais intermédiaires entre la psychose hallucinatoire chronique et le délire d’influence, que l’on peut voir le début de l’affection marqué par des interprétations prédominantes.
Les hallucinations sensorielles vraies ne font pas partie de la symptomatologie normale des délires d’influence. M. Chaslin avait pourtant publié avec Alajouanine (10) un cas de délire d’influence avec hallucinations vraies, mais à [p. 232] la lecture de cette observation j’ai l’impression que leur malade avait des idées d’influence beaucoup plus qu’un vrai délire d’influence. Sur le très grand nombre d’influencés que j’ai observés, je n’ai vu d’hallucinations que dans les trois éventualités suivantes. Ou bien il s’agissait de malades profondément débiles et incapables d’analyser les phénomènes qu’ils ressentaient : ou bien il s’agissait de formes mixtes intermédiaires entre la psychose hallucinatoire chronique et le délire d’influence ; ou bien d’hallucinations tout à fait épisodiques. Plusieurs malades qui ont de constantes hallucinations psychiques nous ont dit que quelquefois elles avaient eu l’impression ou même la certitude d’une sonorité. De tels cas ne doivent pas nous étonner puisque nous savons, depuis le beau travail de M. Séglas sur l’évolution des hallucinations (11), qu’on peut passer de l’hallucination vraie à la pseudo-hallucination et réciproquement.
Il est extrêmement intéressant d’étudier pourquoi l’hallucination psychique donne seule l’impression d’une désagrégation de la personnalité consciente, alors que l’hallucination sensorielle ne s’accompagne pas de cette impression. Toutes deux naissent, au fond, de l’automatisme du malade, mais le caractère sonore, extérieur, objectif de l’hallucination sensorielle libère le malade du sentiment d’automatisme. L’halluciné se comporte vis-à-vis de son hallucination exactement comme devant une perception vraie. Le plus souvent même, devant les injures et les menaces qu’il entend, sa personnalité se resserre. L’influencé n’a pas, au contraire, l’impression d’une perception, il a la conviction qu’on agit directement sur lui, que sa pensée, son langage, ses sentiments, ses actes ne dépendent plus de lui, mais lui sont commandés par une puissance étrangère. Tous les influencés ont très nettement ce sentiment d’une contrainte qui, pour nous, est le résultat de la désagrégation de leur personnalité consciente et dont ils trouvent la justification dans l’idée d’influence.

Le sentiment et l’idée d’influence. —Chez presque tous les influencés le sentiment d’influence découle directement des phénomènes précédents. Je crois qu’il est impossible à un malade ayant des signes bien accusés d’automatisme mental de ne pas avoir la conviction d’une influence étrangère et de ne pas invoquer la suggestion, l’hypnotisme, les sciences occultes, l’intervention divine ou démoniaque. Pourtant un certain nombre de sujets, bien qu’ayant très nettement le sentiment d’une influence, ne construisent aucun système délirant et se contentent de constater leur esclavage sans l’expliquer. Le sentiment et l’idée d’influence comprennent des sous-variétés, qu’il me suffira d’énumérer : sentiment et idée de perte de la liberté, de protection (souvent amoureuse), de domination, d’influence simple, de présence, de possession.
L’ÉTAT AFFECTIF des malades est variable. Dans quelques cas qui sont les plus rares, l’état affectif est constamment pénible. Le malade est persécuté par un ennemi quelconque ou par le démon, on ne lui dit que des choses désagréables, on le menace on l’injurie, on lui fait exécuter des actes absurdes ou répugnants, on le martyrise physiquement et moralement, enfin il souffre d’avoir sa pensée prise ou d’être possédé. De tels cas je le répète, sont assez [p. 233] rares, car le délire de persécution est une des formes peu fréquentes des délires d’influence. A l’opposé, il existe des cas où le malade affirme être très heureux. Il s’agit alors soit de divinités ou d’esprits bienfaisants, soit d’un amoureux, d’un ami, d’une personne charitable, d’un médecin qui soignent avec dévouement, encouragent, soutiennent dans la vie. Ainsi Mme Per… parlant de l’esprit qui l’influence déclare : « Il est très gentil, il m’appelle : « petite » et il veut être appelé « ami ». Parfois même cela devient tout à fait plaisant. L’esprit et moi nous faisons une « revue ». Je ne sais même pas ce que je dis, il me le souffle. Nous faisons le compère et la commère. On s’amuse beaucoup ensemble. » Mais elle ajoute : « Pourtant, à la longue, c’est lassant. » Et en effet c’est ce qui se produit chez presque tous les influencés qui se plaignent d’être « harcelés » par les voix, de ne plus « s’appartenir », de ne plus « être soi », de n’être « jamais seul », etc.
Tout récemment je présentais une malade à la Société médico-psychologique et je concluais ainsi : « Nous nous trouvons en présence d’un fait, d’apparence paradoxale, mais banal dans la psychose d’influence. Tous les éléments du syndrome sont agréables et pourtant leur réunion et surtout leur persistance déterminent un état affectif pénible. Les voix intérieures ne disent jamais d’injures et ne font jamais de menaces, mais au contraire font à la malade des compliments sur son physique, sur sa beauté, sur ses qualités morales et intellectuelles et même lui disent des paroles d’amour. Ces voix sont en général gaies et la font rire. De même les « visions » ne sont jamais terrifiantes ou pénibles, mais représentent des personnes aimées, ou évoquent des scènes libidineuses auxquelles Mlle G… se complaît. L’odeur « en imagination » de l’œillet n’est pas non plus pour déplaire. Les actes commandés consistent surtout en chants et en attitudes théâtrales, en poses plastiques qui paraissent plutôt un divertissement. Il n’y a qu’à observer la malade quand elle monologue pour voir que sa physionomie exprime plutôt la gaîté que la tristesse et la satisfaction que le désespoir : « Le plus souvent, dit-elle, la personne qui pense avec moi est gaie… On me dit des choses qui plaisent à entendre. » Peut-être au début a-t-elle été réellement heureuse. Je le croirais volontiers et je partage entièrement l’opinion du Dr Borel qui, l’ayant vue peu de temps après son entrée, observait avec une grande finesse psychologique « qu’elle pouvait peut-être être considérée comme un état schizoïde, avec fuite dans la maladie plus agréable que la réalité ». Mais actuellement l’état affectif de la malade est nettement pénible. Elle se plaint de ne plus être maîtresse d’elle-même, de ne plus être libre, d’être continuellement « harcelée ». « Je suis agacée, dit-elle, d’entendre tout le temps parler ou de tout le temps causer. Oh ! ça me fatigue parce que c’est tout le temps et puis ce n’est pas intéressant. » Et encore ce cri du cœur : « Ah ! c’est affreux ! Je ne suis jamais seule. Il y a toujours quelqu’un qui me parle, ou qui me fait causer, ou qui me touche… Je voudrais redevenir moi ! »

La formation du délire est secondaire aux phénomènes d’automatisme et au sentiment d’influence. Il peut d’ailleurs y avoir syndrome d’influence sans idée délirante nettement exprimée. Le plus souvent, après un temps plus ou moins long, le malade arrive à formuler un système délirant qui est variable suivant sa situation sociale, sa culture, son caractère, sa constitution et aussi suivant les phénomènes particuliers qu’il éprouve. [p. 234]
Parfois il arrive à désigner son ou ses influenceurs. Le choix de l’influenceur est souvent en rapport avec des préoccupations érotiques et sexuelles. C’est un homme qui a fait influence sur la malade, très souvent un médecin, souvent un prêtre, c’est parfois l’amant ou la maîtresse, le mari ou la femme. C’est souvent un mort, un amant ou un mari défunt qui conseille, soutient dans la vie, encourage, dirige les pensées, les actes, les sentiments de sa veuve, converse avec elle, parfois se montre à elle dans une vision imaginaire : elle le voit avec les yeux du corps ou même avec les yeux de l’âme, dans ces visions intellectuelles dont nous avons parlé, elle sent sa présence autour d’elle. Cet état n’est pas très différent de celui de jeunes veuves, de veuves de guerre surtout, chez qui est très développé le culte du mort et qui ne prennent jamais une décision sans le consulter, qui parfois même ébauchent une conversation mentale avec lui : « Qu’est-ce que tu ferais si tu étais là ? Conseille-moi. » Elles font elles-mêmes les demandes et les réponses, mais elles ne sont dupes de cette conversation qu’autant qu’elles le veulent bien. Nous verrons qu’il en est de même chez certaines érotomanes. Certaines pratiques prédisposent encore aux délires d’influence. De ce nombre citons la prière, l’oraison mentale qui est une prière que l’on fait sans adresser une seule parole, enfin, chez les catholiques, la communion, qui implique la croyance au dogme de la présence réelle, c’est-à-dire la croyance à une possession. De fait la psychose d’influence est fréquente chez les prêtres — deux cas, les religieuses — deux cas — et surtout les dévotes.
Signalons aussi, comme propices à favoriser le développement d’un délire d’influence, les pratiques du spiritisme. A côté des médiums fraudeurs et des médiums qui sont de vrais malades, il y a place pour certains sujets prédisposés qui arrivent par entraînement à réaliser, avec une bonne foi entière, des phénomènes de médiumnité tels que l’écriture automatique. Enfin il semble que certains sujets soient, plus que d’autres, prédisposés — en vertu d’une constitution spéciale dont on trouverait les éléments dans une certaine débilité de la volonté, dans une suggestibilité assez grande, dans un besoin de réconfort, de direction et aussi dans un certain éréthisme de l’imagination reproductrice.

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PARIE III

LES INFLUENCÉS

SYNDROMES ET PSYCHOSES D’INFLUENCE 1

par

André CEILLIER

Formes cliniques suivant la nature du délire. — Délire de protection. C’est une des formes habituelles du délire d’influence. Il peut s’agir de protection divine, dans la forme mystique, ou même de protection démoniaque, de protection spirite, amoureuse (érotomaniaque) ou de protection simple (la seule que nous étudierons ici). Dans ces cas, la psychose d’influence est presque toujours très pure. Les troubles cénesthésiques sont très développés et interprétés comme des soins donnés directement. Les hallucinations psychiques revêtent souvent le caractère d’hallucinations impératives auxquelles le malade conforme ses actes aveuglément, car il a foi en son protecteur : « C’est un chef qui est en moi et moi je ne suis rien et lui est tout. » Mlle G… pense qu’on a voulu faire d’elle une artiste ou bien qu’on a voulu la soigner. De même Mme Enf… et Mme Mu… croient qu’on les soigne à distance. Dans ces délires de protection, le malade s’abandonne complètement, il se laisse diriger et conduire ; le sentiment d’emprise sur la volonté n’est pas combattu et le sentiment d’influence est très développé.
DÉLIRE DE PERSÉCUTION. — Cette forme est la moins typique, elle est très rarement pure. Elle est souvent précédée, comme chez le persécuté vulgaire, d’une longue phase d’inquiétude, avec interprétations multiples. Les hallucinations sensorielles n’y sont pas exceptionnelles. Les réactions sont souvent celles des persécutés. Pour ma part, la plupart des persécutés influencés que j’ai vus m’ont paru être des persécutés type psychose hallucinatoire chronique, chez qui existaient quelques phénomènes et quelques idées d’influence. La seule constatation d’hallucinations psychiques ne suffit pas pour étayer un diagnostic de délire d’influence. L’écho de la pensée, les hallucinations psychiques ne sont pas exceptionnelles au cours de la psychose hallucinatoire chronique. Il existe cependant quelques observations où un délire de persécution parait bien relever du délire d’influence mais, dans ces cas, il s’agit beaucoup moins du délire d’influence par désagrégation vraie de la personnalité que par interprétation de phénomènes plus ou moins automatiques. En effet, on ne trouve guère les symptômes les plus importants de la dissociation psychique : les actes automatiques irréductibles d’emblée, les hallucinations psycho-motrices verbales, les transformations profondes de la sensibilité. Tout se borne à l’hallucination psychique et à l’interprétation de certains actes et sentiments. [p. 295] Ces malades ont souvent la constitution paranoïaque, qui est, au contraire, exceptionnelle chez les influencés des autres variétés. La constitution paranoïaque suppose un égocentrisme marqué et une hypertrophie du sentiment de la personnalité ; or, les influencés présentent précisément les caractères inverses.
LE DÉLIRE DE PROTECTION ET DE PERSÉCUTION est assez fréquent. Il s’explique aisément, car, lorsque l’automatisme mental est très développé, il est tout naturel qu’il se manifeste alternativement par des phénomènes agréables et pénibles. Le sujet met sur le compte d’une persécution tout ce qui lui est pénible et sur le compte d’une protection tout ce qui lui parait agréable. Ces délires aboutissent quelquefois à des systèmes extrêmement compliqués, avec un nombre souvent considérable d’influenceurs, dont parfois les divinités, les démons ou les esprits.
LA FORME ÉROTOMANIAQUE. — Rien de plus banal que l’érotisme dans les délires d’influence. Il se manifeste de bien des façons, soit par les « voix intérieures » qui font des déclarations d’amour ou qui disent des obscénités, soit par les sentiments suggérés, soit par des « visions imaginaires » de scènes lubriques, soit par des hallucinations génitales ou des impulsions à la masturbation. Qu’il s’agisse de protégés, de persécutés, de mystiques ou de spirites, presque tous les influencés présentent, plus ou moins épisodiquement, des symptômes de ce genre, qu’ils mettent naturellement sur le compte de leurs protecteurs, de leurs persécuteurs, des démons et des esprits. Cela ne saurait nous surprendre puisque, d’une part, nous savons combien sont fréquentes les préoccupations sexuelles et que, d’autre part, nous comprenons que ces tendances sexuelles, plus ou moins refoulées, se libèrent grâce à l’automatisme mental.
Dans un certain nombre de cas (huit observations personnelles) existe la forme érotomaniaque pure du délire d’influence. Tous ces cas se ressemblent étrangement. Ils débutent tous par une phase érotomaniaque pure, où l’on trouve tous les symptômes décrits par M. de Clérambault (12). Sur nos huit érotomanes, cinq étaient amoureuses de médecins, deux de prêtres, une d’un détective. Après la phase érotomaniaque du début, toutes ces malades recevaient des transmissions de pensée de leur prétendu adorateur et avaient avec lui d’interminables conversations mentales. Chez presque toutes l’adorateur agissait à distance sur les actes et les tenait ainsi sous une complète domination dont elles ne tardaient pas à se plaindre, passant par les trois phases décrites par M. de Clérambault : phases d’espoir, de dépit, de haine. Dans la plupart de mes cas d’influencées érotomanes il n’y avait pas d’hallucinations génitales. L’une de mes malades voyait en « imagination » le détective aimé, en même temps qu’elle avait avec lui des conversations mentales. Une autre avait, très développé, le sentiment de présence et cherchait partout le médecin dont elle sentait la présence autour d’elle. L’une de mes malades a présenté une évolution très curieuse et rarement observée, en ce sens que son érotomanie s’est fixée successivement sur plusieurs médecins et que, pour chacun, elle a eu exactement les mêmes phénomènes, passant chaque fois par les trois [p. 296] stades d’espoir, de dépit, de haine et se livrant aux mêmes réactions. La réaction principale de ces malades est de se rendre chez leur adorateur, parce que celui-ci leur a dit, dans une transmission de pensée, qu’il les attendait avec une extrême impatience. Aussi sont-elles toutes très surprises d’avoir été éconduites. C’est alors qu’apparaît en général le stade de dépit, à moins qu’elles n’expliquent cette « conduite paradoxale de l’Objet » (M. de Clérambault) par une suprême délicatesse de sa part (pour ne pas leur nuire).
Nous verrons plus loin, en étudiant l’étiologie des délires d’influence, par quel mécanisme le sujet passe de l’érotomanie au délire d’influence.
LA VARIÉTÉ SPIRITE du délire d’influence. Les rapports du spiritisme et de la folie ont été étudiés par un grand nombre d’auteurs (13). A vrai dire les délires spirites ne constituent pas une entité nosographique et presque tous les cas doivent être envisagés comme une simple variété du délire d’influence. Le plus souvent la symptomatologie est extrêmement riche et tous les phénomènes d’automatisme très développés. C’est dans ces cas que se trouvent les faits les plus typiques d’hallucinations psycho-motrices verbales, d’écriture mécanique et d’actes automatiques. Très souvent ces délires apparaissent après des pratiques de spiritisme, mais quelquefois ils naissent spontanément, sans entraînement préalable. Mlle Chia…, Mme Per…, Mme Ass… ont eu toutes trois la révélation soudaine de leur pouvoir médiumnique, la première par des hallucinations psycho-motrices verbales, la seconde par l’écriture mécanique, la troisième par des transmissions de pensée. Parfois l’état affectif de ces malades est agréable (au moins partiellement), et le délire aboutit à des idées de grandeur. Le plus souvent le malade est tiraillé entre les bons et les mauvais esprits. « Les bons esprits, dit Mme P…, me conseillent bien. Ils me disent de prendre patience. Ils ne m’envoient que de bonnes pensées. Ils me défendent. Ils me conseillent le bien, qu’il faut croire en Dieu, qu’il faut souffrir sur terre et qu’on sera heureux dans l’au-delà. Je me sens protégée, je sens un apaisement dans le corps. Les mauvais esprits ! oh c’est épouvantable ! Il doit n’y en avoir qu’un, qui s’est presque comme incarné en moi. Je le sens [p. 297] en moi, comme si c’était moi. Il m’énerve, il me fait du mal. Il est en moi, dans mon vrai corps et aussi autour de moi, dans mon ambiance, il ne me quitte pas. »
Au bout d’un temps plus ou moins long, apparaissent les idées de grandeur. Mme B… est fière de sa médiumnité et admet qu’on se sert d’elle pour des faits importants au point de vue national. Mme Ass… éclaire le monde car les esprits dirigent le monde et parlent par sa bouche. Les révélations de Mlle Chia… sont appelées à bouleverser le monde et son martyre sauvera l’humanité. Ces délires spirites aboutissent très fréquemment à des délires de possession. Enfin il faut signaler leur pouvoir contagieux, l’entourage du malade croyant à la réalité des phénomènes médiumniques et pouvant même en réaliser quelques-uns.
Tout à fait comparables aux délires spirites sont ceux qui apparaissent chez les clientes des cartomanciennes. Profondément troublées par la réalisation de certaines prophéties ou la découverte de faits qu’elles croyaient ignorés, ces femmes, toujours crédules et souvent débiles, admettent le pouvoir surnaturel de la cartomancienne et ne tardent pas à ressentir son influence. Enfin, comme forme particulière, se rapprochant des précédentes, signalons les délires prophétiques.
Les VARIÉTÉS MYSTIQUE ET DÉMONIAQUE du délire d’influence sont d’observation courante. Comme signes un peu particuliers aux mystiques, je tiens à rappeler seulement l’impression d’extraordinaire légèreté qu’éprouvent ces malades et la fréquence des visions imaginaires, qui manquent rarement et qui se ressemblent chez tous les sujets. Ce sont des scènes religieuses qui ne sont que la reproduction d’images de piété ou de statues en plâtre colorié : Jésus au milieu des apôtres, Dieu avec une grande barbe blanche, le Sacré Cœur, Jeanne d’Arc en armure, etc… Presque toujours ces visions sont animées. Les hallucinations impératives sont exécutées passivement, car on ne discute pas les ordres de Dieu, même quand on doit manger les matières fécales de son mari (Mme Bou…). Par ailleurs la symptomatologie de ces mystiques n’offre rien de particulier.
La démonopathie présente deux grandes variétés selon que le démon s’est ou ne s’est pas introduit dans le corps du malade : démonopathie interne ou externe (14). La première variété s’accompagne de troubles importants de la cénesthésie et d’hallucinations psycho-motrices verbales qui sont à la base du sentiment de possession. Parfois les démons prennent la forme de serpents (délire zoopathique). Ainsi Mme Bi… déclare : « Je suis habitée par les serpents, ces serpents ce sont les misérables, les démons. Ils peuvent aussi s’incarner dans la tête et alors vous n’êtes plus vous. Ils peuvent vous faire faire quelque chose sans vous en rendre compte. Ils pourraient me faire faire n’importe quoi. C’est pas moi qui agis, ce sont eux. Quelquefois il y en a un grand nombre. On les charme par la musique et alors ils s’en vont. Tous les serpents descendent par le vagin. N’importe quelle musique les fait partir. » Mme Couf…, ancienne religieuse, a également des bêtes dans tout le corps qui la dévorent. Mme Brot… est une démonopathe externe. Elle dit qu’elle est possédée par le diable, mais celui-ci n’est pas en elle. Elle le voit [p. 298] gambadant autour d’elle ou reposant sa tête sur sa poitrine. En même temps il lui parle à voix basse, qu’elle seule peut entendre et lui communique de mauvaises pensées. Il veut faire d’elle une femme de mauvaise vie. Il lui a ordonné de se jeter à l’eau, de faire de mauvaises communions. Il essaye de lui donner des sensations génitales voluptueuses, mais elle les repousse. De même Mme Gi… emploie toute une série de moyens de défense pour que le diable ne la viole pas. Les démonopathes ont souvent des visions imaginaires où ils voient le diable sous la forme classique de Méphisto ; il fait des grimaces ou leur tire la langue. Toutes les démonopathes que j’ai vues m’ont toujours paru très débiles. Tout le monde ne partagera pas l’opinion de M. Mignard qui soutient qu’il n’est pas plus absurde d’invoquer le diable que la téléphonie sans fil. Au point de vue purement spéculatif M. Mignard n’a peut-être pas tort, car la croyance au diable suppose simplement un acte de foi et se place sur un plan qui n’est aucunement celui de la raison, alors que l’explication d’une transmission de pensée et d’une conversation mentale par la téléphonie sans fil, sans d’ailleurs aucun appareil, est scientifiquement absurde. En réalité, les influencés, qu’ils soient « démonopathes » ou « sans-filistes » ne raisonnent pas, mais procèdent par affirmation, et je ne discuterai pas la question de savoir si la foi démoniaque est plus absurde que la foi scientifique (ainsi comprise). En pratique, sauf le cas de l’abbé Mai…, tous les démonopathes que j’ai vus étaient très profondément débiles.

Formes cliniques suivant le degré de l’automatisme et les caractères des phénomènes pathologiques fondamentaux. On peut distinguer :

Les influencés par interprétation de phénomènes plus ou moins automatiques.
Les influencés par désagrégation vraie de la personnalité consciente.
Les influencés possédés.

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Nous ne dirons rien des deux dernières variétés, car la seconde fait l’objet même de cet article et la troisième est caractérisée par l’adjonction au syndrome d’influence de sentiments et d’idées de possession dus à l’intensité des troubles cénesthésiques et à l’existence d’hallucinations psycho-motrices verbales.
Dans la variété interprétative du délire d’influence, le malade met sur le compte d’une influence tous les phénomènes qui lui paraissent anormaux. Il interprète ainsi ses sentiments, ses idées, ses actes, sa conduite, les malaises qu’il ressent. On lui envoie de l’amour ou de la haine pour certaines personnes, on le rend triste ou gai, déprimé ou excité, on le pousse à se mettre en colère, on lui fait penser des obscénités, par exemple lorsque M. La… salue une jeune fille, on lui donne envie de dire « putain », on lui fait faire des bêtises, par exemple se tromper dans ses calculs, casser un objet ou bien on le force à aller dans une maison publique, etc… S’il ne va pas à la selle, c’est parce qu’on le constipe ; on trouble ses érections, on lui donne des éructations, etc… Il est inutile de multiplier davantage ces exemples, tant apparaît clairement le mécanisme, uniquement interprétatif, de ces cas. On ne retrouve pas chez ces malades les symptômes cardinaux du délire d’influence habituel, qui indiquent une vraie dissociation de la personnalité consciente. Mais de telles interprétations ne peuvent apparaître chez le sujet normal, elles supposent un trouble préalable. Aussi est-ce surtout dans les états psychasthéniques, dans [p. 299] les obsessions, dans l’excitation maniaque et dans certaines autres éventualités que l’on voit apparaître des interprétations de cette sorte. Nous les étudierons plus en détails à propos des formes secondaires du délire d’influence. Mais il était important de montrer, dès maintenant, qu’en se plaçant au point de vue de la plus ou moins grande intensité des phénomènes d’automatisme, on peut établir trois classes de délires d’influence.

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*    *

Formes étiologiques. — On peut distinguer deux grandes variétés de délire d’influence : celui qui est primitif et celui qui est secondaire à une autre psychopathie.

Délire d’influence primitif ou essentiel. — Psychose d’influence. Ce délire est celui qui se produit sans cause apparente. C’est celui qu’a magistralement décrit M. Séglas dans ses leçons cliniques, au chapitre des persécutés possédés et qui a fait l’objet d’une bonne thèse de mon ami Lévy-Darras. Je citerai aussi les travaux de Arnaud (15), Voisin (16), Falret (17). Je n’en étudierai pas ici la symptomatologie, car je ne ferais que me répéter, cette psychose présentant les symptômes et les formes cliniques étudiés tout au long de cet article. Je dirai seulement quelques mots de leur évolution générale et je discuterai ensuite leur existence en tant qu’entité nosographique, pour la réfuter.
La psychose d’influence (j’emploie ce terme consacré par l’usage, sans y attribuer la valeur d’une entité morbide) doit être très exceptionnelle chez l’enfant, car je n’en ai observé aucun cas. Chez le vieillard, je n’ai observé que des idées d’influence éphémères, mais jamais un syndrome véritable. Le plus souvent elle apparait chez l’adulte jeune, de vingt à trente ans. Ceci est à noter, car la psychose hallucinatoire chronique paraît avoir plus souvent un début plus tardif. Cette remarque n’est pas absolue car j’ai vu apparaitre le syndrome influence chez la femme au moment de la ménopause, mais jamais après. La psychose d’influence est de beaucoup plus fréquente chez la femme. Ces deux constatations ne nous étonneront pas, car dans un grand nombre de cas (ainsi que nous le verrons à la fin de cet article) le syndrome d’influence paraît avoir pour cause psychologique soit un choc émotif sexuel, soit un refoulement de tendances sexuelles inassouvies (or ces causes sont plus fréquentes chez la femme), et pour cause physiologique, ainsi que l’a indiqué M. de Clérambault dans une toute récente communication, des troubles endocriniens. Je vois aussi une raison de cette prépondérance dans le sexe féminin dans ce fait que la femme a souvent une personnalité moins « cohésive », qu’elle est plus suggestible, plus « influençable » et aussi plus portée aux inquiétudes religieuses.
L’évolution est infiniment variable, mais le pronostic ne pourra jamais se fonder sur le seul examen des phénomènes d’influence. Un syndrome peut [p. 300] être très complet et passager, ébauché et définitif. Il faut rechercher l’état mental sous-jacent au syndrome d’influence et les causes de celui-ci. En général plus la cause est évidente, plus le choc émotif a été violent, plus le syndrome s’est constitué rapidement et plus le malade a de chances de guérir. Bien qu’ayant présenté un syndrome très complet d’influence et même de possession, Mme Cou…, ancienne religieuse, qui s’accusait de rapports avec une camarade d’atelier, en punition desquels le diable la possédait, a guéri rapidement. C’était, par ailleurs, une débile et il est de notion classique que ces débiles présentent des bouffées passagères de délire. Mme Bou… qui, par contre, est intelligente a guéri très rapidement de phénomènes d’influence très intenses (c’est cette malade qui, à la suite d’un adultère exécutait tous les ordres, même les plus répugnants, que lui envoyait Dieu). Guérissent aussi les syndromes qui sont secondaires à une affection aiguë (manie, mélancolie, alcoolisme, etc…). Lorsqu’au contraire la psychose paraît primitive, lorsqu’on ne trouve aucun choc émotif ou aucune psychose inductrice, le pronostic doit être plus réservé. En général la complaisance du malade vis-à-vis de son délire est un élément fâcheux. Le sentiment d’influence n’étant pas combattu ou même étant cultivé, la réduction des phénomènes d’automatisme et des idées délirantes n’a pas de tendance à se faire. Enfin, plus le délire est systématisé, plus le pronostic devient mauvais.
Quelques malades peuvent délirer toute leur vie sans affaiblissement intellectuel. Lorsque les malades versent dans la démence, c’est généralement assez rapidement. Je souscris entièrement aux paroles suivantes de M. Truelle (18) : « En comparant chez les malades les âges où avait débuté leur affection mentale, j’étais arrivé à cette conclusion que, dans l’immense majorité des cas, c’étaient celles atteintes avant la vingt-cinquième année qui réalisaient au maximum le syndrome discordant — ou démentiel, comme on voudra — syndrome grave en tout cas, tandis que les autres, celles restées d’intelligence active, n’avaient commencé à délirer que beaucoup plus tardivement. On peut voir là une application particulière d’une loi générale de pathologie : à savoir qu’un processus morbide, quel qu’il soit, provoque, toutes autres choses égales, des troubles plus graves lorsqu’il s’attaque à un organisme en voie de formation. Dès lors on est amené à penser que le processus morbide x, cause de ces psychoses hallucinatoires ou pseudo-hallucinatoires, aura, pour l’ensemble de la fonction psychique, des conséquences d’autant plus redoutables et sera d’autant plus apte à provoquer le syndrome démence précoce, qu’il aura sévi plus précocement chez les individus. »
En étudiant les rapports des délires d’influence avec la démence précoce, nous verrons que certains malades peuvent donner l’impression de la démence catatonique sans être aucunement déments.
En résumé, les délires d’influence secondaires à une affection aiguë ou à un choc émotif guérissent le plus souvent. En dehors de ces cas, la psychose d’influence a plutôt une évolution chronique, sans tendance manifeste à la démence, à moins qu’il ne s’agisse d’un sujet jeune. Dans ce dernier cas, l’évolution démentielle, si elle doit se produire, se fait rapidement. [p. 301]
En dehors de la démence il faut signaler l’apparition plus ou moins tardive d’idées de grandeur et d’idées de négation. Les premières ont déjà été étudiées, les secondes s’observent surtout dans les cas de possession. Elles sont la conséquence des troubles cénesthésiques et sont à distinguer des idées de négation dans le syndrome de Cotard, ce qui sera le plus souvent très aisé, car on ne trouve ni le ralentissement psychique, ni l’état émotif pénible, ni la fixité qui sont les caractéristiques des délires mélancoliques.
Y-a-t-il une psychose d’influence essentielle ? Je ne crois pas qu’il y ait de psychose essentielle, pas plus qu’il n’y a d’épilepsie essentielle. Dans un premier stade, qui n’est point encore fini d’ailleurs, la psychiatrie est uniquement descriptive et s’applique à délimiter des types cliniques. Dans un deuxième stade, qui est plus moderne, la psychiatrie s’efforce d’être étiologique et de reconnaître les causes des types cliniques précédemment isolés. Dans une troisième période (à l’aurore de laquelle nous ne sommes pas encore), on pourra peut-être établir une classification. Pour l’instant, j’estime (et l’on voudra bien excuser ma franchise) que toutes les grandes classifications, dites synthétiques (19), sont antiscientifiques, parce que sans aucun fondement. Leur défaut est plus grave encore, car elles sont dangereuses au point de vue dogmatique et au point de vue pratique. Au point de vue dogmatique, elles tendent à faire croire à l’existence d’« entités morbides » de « maladies mentales », ce qui n’est pas démontré et ce qui paraît même très douteux (au moins dans la totalité des cas). Au point de vue pratique, elles s’opposent à l’analyse impartiale des troubles mentaux. C’est vraiment faire preuve d’une totale fantaisie que de construire une synthèse, avant même que d’avoir terminé l’analyse, et quelle synthèse ! puisqu’il ne s’agit rien de moins que de ramener tous les troubles mentaux à deux ou trois maladies !! Aussi ne prendrai-je parti ni pour Magnan qui range ces délires dans les psychoses des dégénérés, ni pour Kraepelin qui les met dans le tiroir des paranoïdes, ni pour aucun autre classificateur. D’ailleurs, dans l’étude qui précède, tout concourt à nous montrer qu’il ne s’agit pas d’« une maladie mentale » bien définie dans son évolution, puisqu’il y a des cas passagers, d’autres chroniques et parmi ceux-ci certains qui durent toute la vie sans démence, d’autres qui paraissent démentiels presque d’emblée, d’autres qui après des années versent dans la démence.

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PARTIE IV

LES INFLUENCÉS

SYNDROMES ET PSYCHOSES D’INFLUENCE’

par

André CEILLIER

 

Les délires d’influence secondaires ou symptomatiques. — Dans un nombre de cas qui augmente chaque jour, l’analyse permet de reconnaître au-dessous du syndrome d’influence une psychopathie déterminée ou un état névropathique plus ou moins défini. Je passerai en revue quelques-uns des états qui peuvent s’accompagner d’un tel syndrome, sans avoir la prétention d’en épuiser la liste.

EXCITATION MANIAQUE. — Ce sont MM. Logre et Heuyer qui, les premiers, ont attiré l’attention sur ces cas (20). Ils ont insisté sur l’importance diagnostique éventuelle des idées d’influence au cours des états maniaques, où elles ne sont pas très rares et peuvent en imposer soit pour une psychose systématisée chronique, soit pour une hébéphrénie. Mais, en particulier dans l’observation des auteurs, ces idées d’influence ont pour trait distinctif :

1° Leur apparition brusque avec l’excitation maniaque ;
2° Leur encadrement par les signes de l’excitation maniaque ;
3° Leur allure générale, offrant le caractère expansif, superficiel, variable et inconsistant, propre aux idées maniaques ;
4° Leur contenu, fourni par l’interprétation de l’éréthisme maniaque lui-même. Le malade se plaint qu’on le fait crier, chanter, danser, dire des calembours, etc. : tel le poète rapportant son exaltation psychique à une inspiration divine ; absence d’hallucinations véritables ;
5° Leur disparition ordinaire avec l’état maniaque :
6° Une disposition constitutionnelle favorisante, paranoïaque et interprétative

Je partage les opinions de mes amis Logre et Heuyer, à l’exception, toutefois, de l’existence d’une constitution paranoïaque à laquelle je me refuse de croire. Si ces malades ont une constitution, elle me paraît avoir les caractères inverses de la constitution paranoïaque. Celle-ci suppose, avant tout, une hypertrophie du sentiment de la personnalité consciente. M. Logre propose de ranger les délires d’influence sous la rubrique : « Paranoïa introspective. » L’expression de « paranoïa introspective » ne me semble valable que si l’on [p. 371] entend par paranoïa la simple tendance d’un malade à expliquer faussement les phénomènes qu’il ressent. Dans ce cas M. Logre a raison. Mais ce besoin d’explication, ce besoin de justification d’un phénomène pathologique n’est-il pas le plus normal, le plus naturel qu’on puisse imaginer ? Devant les phénomènes étranges qu’il éprouve, l’influencé cherche une explication qui satisfasse au principe de causalité, et comme, précisément, il n’a pas conscience d’être un malade, comme il ne reconnaît pas l’origine endogène de ses troubles, il est nécessaire qu’il invoque une cause extérieure, indépendante de lui-même, telle que l’hypnotisme, le magnétisme, l’influence divine, etc. Mais il me paraît abusif de donner à cette tendance si naturelle de l’esprit le nom de paranoïa. La constitution paranoïaque (dont on abuse quelque peu) n’est pas une de ces constitutions que l’on découvre après coup, « à la loupe », par une analyse psychologique minutieuse, elle saute aux yeux dès qu’on approche le malade par son attitude orgueilleuse, hautaine, hostile et s’affirme rapidement au cours de l’interrogatoire. Telle est mon opinion et surtout celle de M. Séglas qui me l’a répété bien des fois, pendant les deux années où j’ai eu l’honneur d’être son interne. Or, on ne retrouve, pour ainsi dire jamais, cette constitution au cours des délires d’influence.
Quoi qu’il en soit, MM. Logre et Heuyer ont eu le grand mérite d’attirer l’attention sur les délires d’influence d’origine maniaque et de préciser leur symptomatologie et leur évolution favorable. Ces cas sont fréquents et d’un diagnostic en général facile. M. Ca… est venu à Paris, au ministère des Affaires étrangères, poussé par Dieu, pour soumettre à M. Poincaré des inventions importantes. Dieu lui parle sans arrêt, soit quand il l’interroge, soit spontanément : « Cela ne fait aucun bruit, c’est comme une pensée. Je sais que c’est Dieu parce qu’il me répond quand je l’interroge et qu’il me dit des choses que je ne connais pas. Je suis dirigé par Dieu. » C’est bien le Dieu des maniaques : « un Dieu formidable, épatant, qui ne fait que rigoler tout le temps ».
Mme Gau…, déjà internée plusieurs fois pour excitation maniaque, se croit sous l’influence du démon qui lui ordonne de brûler papiers, lettres et photos et de se jeter par la fenêtre, ce qu’elle fait sans hésiter. Elle voit la sainte Vierge et le diable comme dans un cinéma. Mlle La…, excitée maniaque à accès fréquents, interprète, comme dus à une influence étrangère, son sommeil qui est « trop lourd, artificiel, dû à un envoûtement », ses chants, les idées qui lui traversent la tête, ses troubles de l’humeur et du caractère.

MÉLANCOLIE (21). — Les idées d’influence sont exceptionnelles dans la mélancolie, ce qui s’explique aisément, car le ralentissement des idées ne favorise pas l’automatisme mental. M. Codet en a pourtant publié un cas récemment.
Il s’agit d’un malade franchement mélancolique qui met sur le compte d’une influence son irrésolution, son aboulie et les actes inconsidérés qu’il a commis (vente d’un fonds de commerce, tentative de suicide). Ne se jugeant aucunement malade, dit M. Codet, il cherche une explication au phénomène qu’il traduit en propres termes : « Je suis poussé à faire un tas de choses. »

EROTOMANIE (2). — J’ai donné plus haut, à propos des formes cliniques du [p. 372] délire d ‘influence, la description de la forme érotomaniaque. Il reste à montrer par quel mécanisme le malade passe de l’érotomanie simple au syndrome d’influence. Dans l’érotomanie on trouve, comme l’a indiqué M. de Clérambault l’idée de vigilance et de protection continuelle de l’objet. Or, ces idées sont très proches de l’idée d’influence. Quant aux conversations indirectes avec objet, elles méritent une discussion particulière.
Dans l’érotomanie pure, disais-je dans un précédent article, comme dans la passion amoureuse, il arrive fréquemment que le sujet converse mentalement avec l’objet (pour employer la terminologie de M. de Clérambault), de même qu’il se représente mentalement son visage, son costume, son parfum. L’érotomane ou l’amoureux a, ainsi, avec l’objet de son amour, de longues conversations dont il fait seul les frais ; il pose les questions et donne les réponses. Mais cette conversation mentale est essentiellement un jeu, dont l’auteur n’est dupe qu’autant qu’il le veut bien. Chez les influencés, chez Mme Fag…, les choses se passent autrement. Peut-être, au début, Mme Fag… s’est-elle livrée au plaisir de la conversation mentale volontaire, consentie, peut-être s’est-elle, ainsi, éduquée ; mais ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui, elle affirme de la façon la plus catégorique que le docteur B… lui parle à distance, lui envoie des transmissions de pensée. Elle n’admet pas que cela vienne d’elle-même et elle s’emporte si on le lui dit. Sa conviction délirante est telle qu’elle est allée plusieurs fois chez le docteur se plaindre d’être une martyre sous sa domination et le supplier de lui rendre sa liberté de conscience. Il est curieux de constater que ces transmissions de pensée, parfaitement agréables par leur contenu, finissent par être intolérables par leur continuité. Elle souffre d’avoir sa pensée prise continuellement, d’entendre commenter tous ses faits et gestes, en un mot de ne plus s’appartenir.
Le docteur agit aussi sur ses actes, lui fait casser sa vaisselle, la force à prendre une douche au milieu de la nuit, l’oblige à se promener à 10 heures du soir, etc… L’ordre verbal qu’elle reçoit, alors, ne fait que légitimer l’acte ou la tendance à l’acte. C’est manifestement la tendance à l’acte qui est primitive. Autrement dit, les choses se passent ainsi : la malade, qui est dans un état presque constant d’excitation, éprouve par moments le besoin de casser des objets, de sortir, de prendre une douche. Elle ne reconnaît pas que ces tendances sont en elle ; elle suppose que c’est le docteur qui la fait agir et elle reçoit alors l’ordre verbal, par transmission de pensée.
Ainsi donc, Mme Fag…, après avoir été une érotomane pure, est devenue une influencée. Elle possède des idées d’influence qui forment tout un ensemble bien systématisé et constituent un délire d’influence. Elle possède l’automatisme du langage intérieur qui se traduit par l’hallucination psychique. Enfin, dans ses moments d’excitation, elle se livre à certains actes dont elle accuse le docteur d’être l’agent responsable.
Il m’a paru intéressant de montrer une malade qui arrive au délire d’influence par un tout autre procédé que celui qu’on est accoutumé de rencontrer. Généralement, c’est la désagrégation de la personnalité et l’automatisme qui sont les phénomènes primitifs. Ici, au contraire, une période érotomaniaque a précédé l’automatisme du langage intérieur et l’idée d’influence. La conversation mentale volontaire, espèce de jeu auquel se livrent l’amoureux et l’érotomane, s’est transformée en conversation mentale involontaire, [p. 373] automatique, incoercible que subit l’influencé et contre laquelle il proteste.
En un mot, je crois qu’il faut considérer notre malade comme un cas d’érotomanie dont certains éléments psychopathiques, habituellement intégrés à la conscience personnelle, sont devenus automatiques et se sont désintégrés de la personnalité consciente.

LA PSYCHASTHÉNIE (23). — Les rapports de la psychasthénie et du délire d’influence sont du plus grand intérêt aux points de vue théorique et pratique, parce qu’ils nous montrent le passage d’un état névropathique à un état délirant et parce qu’ils sont loin d’être exceptionnels. Enfin certains cas sont accessibles à la psychothérapie bien conduite et peuvent guérir.
Les psychasthéniques ont des phénomènes et des sentiments qui les prédisposent au délire d’influence. Chez beaucoup l’aboulie s’accompagne d’un sentiment d’automatisme par abaissement, dirait M. Janet, de la tension psychologique. J’estime que M. Janet a décrit ces malades mieux que personne et l’on trouve dans ses ouvrages de nombreuses observations de cas intermédiaires entre l’état psychasthénique et l’état d’influence. Malheureusement M. Janet, dont l’ouvrage principal a pourtant paru après les leçons cliniques de M. Séglas, ne parle jamais des persécutés moteurs, mais toujours de la maladie de Lasègue. Pourtant il appert que, dans les cas signalés par le savant professeur du Collège de France, il s’agit de délire d’influence tel que nous l’avons défini. Ainsi, dit-il : « L’observation de ce malade, R… (obs. 132) âgé de trente-deux ans, serait intéressante pour nous à bien des points de vue. C’est un des cas intermédiaires entre le délire du scrupule et le délire de la persécution, qui peuvent servir à expliquer la genèse de la maladie de Lasègue. Nous étions disposés à croire ces cas assez rares ; en réalité ils sont assez fréquents ». Ce malade, grand psychasthénique, a évolué vers le délire d’influence avec des pseudo-hallucinations auditives verbales, des visions imaginaires symboliques, des troubles cénesthésiques.
Parfois même, M. Janet hésite entre les deux diagnostics : « Notre diagnostic n’est pas ferme à propos de ce pauvre garçon, Je…, âgé de vingt-neuf ans, ou plutôt sa maladie mentale n’est pas bien caractérisée. Restera-t-il simplement un psychasthénique avec obsessions scrupuleuses ou deviendra-t-il un délirant systématique, un persécuté ? Pour le moment il est impossible de le dire avec netteté, car il présente simplement des sentiments d’automatisme qui existent au début de l’une et l’autre maladie. — Par moments, dit-il, il me semble que ce n’est plus moi qui agis. Mes jambes et mes bras marchent tout seuls… Je sens fort bien la différence, il y a des pensées qui sont à moi et d’autres qui [p. 374] ne sont pas à moi. La pensée me vient, je ne sais pas d’où, sans que ce soit moi qui pense ; elle m’est comme inspirée. » (obs. 21.)
Il me paraît incontestable que ces psychasthéniques ont, avant tout, un trouble de la synthèse mentale, « une tension psychologique », insuffisante avec, secondairement, sentiment de rêve, d’irréel qu’ils traduisent par un sentiment de ne pas vivre ou un sentiment d’avoir perdu leur personnalité, de vivre d’une façon mécanique : « Tout ce que je fais est machinal, cela se fait tout seul, sans moi. » (Obs. 19). « Il me semble que je ne vis plus que matériellement, que mon âme est séparée de mon corps. »
Il y aurait, peut-être, un rapprochement à faire avec les mélancoliques négateurs qui ont aussi un trouble de la synthèse mentale, qui nient l’existence de leur personnalité physique, intellectuelle ou morale et qui peuvent aussi arriver à l’idée de possession.
Quoi qu’il en soit, chez le psychasthénique, le sentiment et l’idée de domination succèdent logiquement (et même intuitivement) aux sentiments de dépersonnalisation et d’automatisme. « Un degré de plus, dit Janet, dans ce sentiment (de domination) et les malades vont dire qu’il y a quelque chose qui pèse sur eux, qui détermine leurs actes ; en un mot, ils vont attribuer à des volontés étrangères l’action qu’ils ne sentent plus dépendre de leur propre volonté. » Ce n’est pas toujours l’influence d’une personne, mais parfois la domination d’un principe moral ou religieux, d’une idée, de la fatalité. » Nadia : « Il y a une force qui me pousse à faire des serments idiots, c’est le démon qui me pousse. » Gisèle : « J’ai sans cesse le sentiment d’une puissance qui m’étreint, le sentiment que je lutte contre quelque chose de supérieur, c’est cette puissance que j’ai appelée Dieu et que j’ai aussi envie d’appeler le diable.
M. Dugas se montre disposé à réunir dans un groupe les sentiments de dépersonnalisation, de déjà vu, d’apathie, de domination. Ces sentiments d’étrangeté peuvent, d’après Dugas, se ramener sous quatre formes :

1° Le sujet a le sentiment que la réalité est un rêve ;
2° Il a l’impression d’éloignement, de fuite du monde extérieur ;
3° Ce sont les propres actes du sujet qui lui paraissent avec cette couleur d’étrangeté, d’inattendu ; il traduit alors son impression en disant qu’il lui semble que ce soient les actes d’un autre ;
4° Enfin survient ce qu’on peut appeler la forme complète de dépersonnalisation lorsque le sujet se sent étranger à toutes ses perceptions, actions, souvenirs pris en bloc.

D’après tout ce qui précède, nous voyons que la psychasthénie prédispose et souvent conduit au délire d’influence, par relâchement de la synthèse mentale et libération de certains phénomènes, qui deviennent ainsi automatiques et qui, secondairement, sont attribués à une influence étrangère.
Les observations que j’en possède sont nombreuses, mais plutôt que d’en citer plusieurs, je préfère donner le résumé de deux cas survenus chez deux psychasthéniques indubitables, mais dont l’évolution a été opposée. Je prends ces deux malades comme types, parce que, tout en partant du même état psychasthénique, ils sont arrivés au délire d’influence par deux voies, le premier par l’automatisme mental, sous forme de mentisme, le deuxième par une voie plus affective et plus intellectuelle, sous forme de besoin de réconfort et de direction. [p. 375]
M. Mon… est atteint de neurasthénie constitutionnelle, aggravée par deux commotions de guerre et par une grippe. C’est un malade très indécis, sujet à des doutes, à des scrupules, à des obsessions multiples, avec besoin de vérification, de réconfort, de direction. Son mentisme est extrêmement développé. Il ne peut arrêter les mille idées qui lui passent par la tête. Pendant la convalescence de sa grippe, en novembre 1918, il se trouve sur le quai d’une gare, sa permission en poche, mais il ne sait s’il doit aller à Paris ou non (à ce moment d’ailleurs il avait des doutes sur la fidélité de sa femme, ce qui explique son hésitation). Alors une voix intérieure se moque de lui et lui répète : « Ira, ira pas. » A partir de cet instant il met sur le compte d’une influence tous ses phénomènes d’automatisme. Les hallucinations psychiques deviennent très fréquentes, la conversation mentale continue. Il a l’impression d’avoir perdu sa liberté, d’être dirigé dans ses actes. Tous les phénomènes d’automatisme mental, très développés à cause de son état psychasthénique, sont interprétés dans le sens d’une influence. L’amélioration, lentement progressive, de ce malade a été curieuse. Au début, il croyait à la réalité objective des phénomènes qu’il ressentait, à tel point que les médecins qui l’examinèrent alors le considéraient comme un délirant et portèrent le plus sombre pronostic. Puis, pendant une longue période, il resta indécis sur le mécanisme de ces troubles, tantôt croyant à une influence réelle, tantôt reconnaissant leur origine véritable. Enfin, sous l’influence d’une psychothérapie active, il put réduire complètement ses idées délirantes, mais il reste un grand psychasthénique.
L’observation suivante est des plus intéressantes par le mode de début, par l’enchaînement rigoureux des symptômes, par la gravité exceptionnelle des actes impulsifs et enfin par l’évolution qui, contrairement à nos prédictions, a été des plus graves.
M. B… Marcel, mécanicien, âgé de trente-quatre ans, est entré à l’asile clinique le 11 février 1923, venant de l’infirmerie spéciale, où M. Heuyer avait rédigé l’excellent certificat suivant, qui met bien en évidence le sentiment de domination, d’influence et l’automatisme mental : « Idées de persécution, d’influence et de jalousie… Interprétations morbides. Craintes d’empoisonnement. Soupçons sur l’infidélité de sa maîtresse (qui est d’ailleurs une fille soumise). Surtout idées de suggestion. Sa maîtresse lui impose sa volonté. Prise de la pensée. Hallucinations psychiques. Voix de sa maîtresse qu’il entend continuellement dans sa tête. Chansons. Hallucinations psychomotrices. Ordres et inhibitions. Automatisme mental. Préoccupations incessantes de jalousie. Réactions homicides et suicide (coups de rasoir à sa maîtresse et à lui-même, coup de poing impulsif donné à sa maîtresse et qui nécessita ultérieurement l’ablation d’un œil). Plusieurs tentatives de pendaison. Réaction dépressive habituelle. Syphilis en 1913. Aucun signe neurologique. Réformé pour bronchite suspecte. »
Les faits qui ont motivé le placement d’office sont toute une série d’actes graves qui se sont échelonnés depuis le mois d’octobre 1922 (coups de rasoir à sa maîtresse et à lui-même, le 6 octobre, plus tard coup de poing ayant nécessité l’énucléation de l’œil, disputes continuelles avec voies de fait, enfin plusieurs tentatives de pendaison, dont l’une au moins est allée jusqu’à la perte de connaissance). Ces actes sont secondaires à un état psychopathique particulier, assez voisin de la psychose d’influence, cet état étant lui-même [p. 376] secondaire à un état psychasthénique constitutionnel, dont on retrouve déjà les éléments dans l’enfance. Tous les symptômes s’enchaînent donc les uns aux autres et, pour comprendre les faits les plus récents, il faut connaitre toute l’histoire psychologique de ce malade.
Hérédité chargée, consanguinité des parents. Psychasthénie manifeste dès l’enfance avec surtout un besoin maladif de direction, de réconfort. Comme principaux symptômes, on relève la manie du fétichisme, la manie des présages, des troubles des perceptions, le sentiment d’incomplétude : il n’arrive pas au bout de ses actions, de ses idées, il a le sentiment d’une vie incomplète, le sentiment douloureux d’anesthésie morale, la rumination mentale : il ressasse indéfiniment les mêmes idées, il ne peut les chasser ; le besoin constant d’analyse et de vérification, un grand nombre de petites manies. Mais surtout ce qui domine chez ce grand psychasthénique, c’est le besoin d’affection et de réconfort. Déjà noté dans l’enfance, ce besoin ira en s’accentuant. En 1915, il prend une maîtresse qui lui devient rapidement indispensable. La vie lui paraît impossible sans elle. Quand elle n’est pas auprès de lui, il éprouve un véritable sentiment de détresse, avec angoisse. Cette crainte d’être abandonné par sa maîtresse devient obsédante. Il est obligé de retourner dans la journée voir si son amie est encore là, bien qu’il essaye de résister et qu’il emploie les moyens de défense habituels aux obsédés. Peu à peu, apparaît un sentiment plus précis de perte de la liberté : « J’avais l’impression d’agir comme un automate, comme si ma volonté était accaparée », puis le sentiment net d’une influence. Il reproche à son amie de le « fasciner », de lui commander le cerveau. Il se sent dirigé dans sa conduite, puis il entend la voix de sa maitresse qui lui donne des conseils, qui lui chante des chansons qui résonnent dans sa tête. En même temps, il la voit dans des e visions imaginaires ». Enfin, ce sentiment de domination s’intensifie et aboutit à un délire bien systématisé. Le malade est sujet à des obsessions et à des impulsions, au cours desquelles il blesse très grièvement son amie et fait plusieurs tentatives graves de suicide. Par la suite cet état, loin de s’amender, s’est accentué, le malade étant continuellement sous l’influence de son amie, exécutant tous les ordres qu’il recevait, complètement séparé de la réalité extérieure et tellement impulsif et dangereux qu’on n’a pu le conserver dans le service du professeur Claude.

L’OBSESSION (24). — Les rapports de l’obsession et du délire d’influence ayant déjà fait l’objet d’un précédent article, je rappellerai simplement mes conclusions :
« Il y a, entre l’obsession et la forme obsédante du délire d’influence, plus que des analogies. Elles reconnaissent toutes deux le même processus : l’automatisme psychologique. Certaines pensées parasitaires s’imposent à l’esprit, certains actes tendent à se réaliser qui sont contraires à la volonté du malade. Chez l’obsédé, comme chez l’influencé obsédé, il y a lutte anxieuse et l’évolution se fait par accès plus ou moins espacés. La différence essentielle entre les deux réside dans la conscience (dans la reconnaissance) que le malade a, ou n’a pas, du trouble psychopathique et de la nature de ce trouble. L’obsédé [p. 377]se reconnaît malade et comprend, dans ue certaine mesure, le mécanisme de sa maladie. Il juge l’idée qui l’obsède mauvaise, absurde, dangereuse, néfaste, etc., mais en même temps, il reconnaît que cette idée vient de lui-même et il souffre de ce que cette idée s’impose à lui, malgré les efforts qu’il fait pour la chasser. L’influencé obsédé souffre également du conflit qui s’engage entre sa volonté et une idée absurde, dangereuse qui s’impose à lui ; mais cette idée ne vient pas de lui ; elle lui est imposée par une influence étrangère. Non seulement l’influencé ne reconnaît pas la nature de sa maladie, mais il ne se reconnaît pas malade. Il se juge toujours une victime et, le plus souvent, une victime de l’hypnotisme ou des sciences occultes.
En somme, ce qui distingue principalement l’obsédé de l’influencé, c’est la conscience (la reconnaissance) du trouble psychopathique, que possède le premier et que ne possède pas le second.
Les rapports sont si étroits entre l’obsession et l’idée d’influence qu’il est très fréquent de voir des obsédés invoquer une influence étrangère soit à titre explicatif, pour montrer à leur interlocuteur la nature de leur automatisme, soit à titre d’hypothèse, lorsque se relâche leur autocritique.
Mme Fa…, professeur de dessin, femme instruite, s’analysant bien et obsédée par l’idée d’aborder des hommes dans la rue, de « faire la retape », me disait : « Il y a des moments où je me demande si ces idées viennent bien de moi, il m’arrive parfois de me demander si elles ne m’ont pas été suggérées par quelqu’un pendant mon sommeil, ou peut-être, après m’avoir endormie dans la journée, avec défense de m’en souvenir. Je sais bien pourtant que cela n’est pas vrai, que tout vient de moi-même, rien que de moi, mais l’idée qui m’obsède est si forte et tellement opposée à ma vraie nature qu’il y a des moments où je serais tentée de croire à un hypnotisme. »
Seule, la reconnaissance de l’état psychopathique préserve cette malade du délire et la maintient dans l’obsession. »
J’ajouterai seulement que dans les rapports réciproques de l’obsession et du délire d’influence, il faut distinguer deux cas, suivent que c’est l’obsession qui conduit à l’influence, par le mécanisme indiqué, ou, au contraire, le délire d’influence qui engendre un état obsédant, par la voie de l’hallucination impérative, à laquelle le malade résiste. (Voir plus haut.)

DÉMENCE EN GÉNÉRAL ET DÉMENCE PRÉCOCE. — Trois cas sont à envisager :

1° Le délire d’influence aboutit à une démence terminale ;
2° La démence précoce se manifeste, dès le début, par un syndrome d’influence ;
3° Le syndrome d’influence simule une démence qui n’existe pas.

La psychose d’influence aboutit beaucoup plus rarement qu’on ne pourrait le penser a priori à l’état de démence confirmée. Le délire d’influence devant être considéré non comme une maladie, mais comme un syndrome, j’estime que la démence, lorsqu’elle apparaît, doit être rattachée, non à ce syndrome, mais aux causes profondes de ce syndrome. Lorsque la démence apparait, elle se manifeste par les mêmes signes que dans la psychose hallucinatoire chronique. Ainsi Mme Ca… présente des troubles de la mémoire, de l’orientation, de la durée ; elle est indifférente à son sort, s’isole de plus en plus du monde extérieur, se néglige dans sa tenue, en même temps que son délire devient [p. 378] plus pauvre et plus absurde et qu’apparaissent des néologismes et des phrases vides de sens.
Dans la DÉMENCE PRÉCOCE, surtout dans les états schizophréniques, où l’on constate une dissociation (Claude, 1910), une ataxie intra-psychique, les idées d’influence devraient être fréquentes. Or elles m’ont paru plutôt rares. Peut-être est-ce parce que le sujet se complaît dans son « autisme » ou demeure indifférent et qu’il ne recherche pas hors de lui la cause de son dérangement cérébral. Dans quelques cas, le syndrome d’influence est des plus nets. M. Br…, dix-neuf ans, a l’attitude, les bizarreries, les propos décousus, étranges, la non-adaptation à la réalité du dément précoce au début et présente, par ailleurs, un syndrome d’influence très complet : les « âmes » lui parlent sans arrêt « dans la tête », lui donnent des conseils et des ordres qu’il exécute, le font écrire, sous la dictée, des phrases incohérentes, lui font voir « en imagination » les bustes de Corneille, Racine, Shakespeare, dirigent toute sa conduite.
Enfin, il faut savoir que très souvent les influencés donnent l’apparence d’un état démentiel qui n’existe pas. Ces malades, tout entiers accaparés par leur automatisme, ne prêtent aucune attention à ce qui se passe autour d’eux, paraissent « absents, discordants », ne répondent pas quand on les interroge (parce qu’ils sont en conversation avec leurs voix, ou parce que celles-ci leur défendent de répondre), sourient et éclatent de rire sans motif « apparent », se livrent à des gesticulations bizarres, comme Mlle G…, qui se couche par terre, prend des « poses », ont des impulsions subites. Parfois même, le syndrome catatonique est réalisé au complet. Ainsi, Mme Rob… a de la catalepsie, elle conserve les attitudes, répète indéfiniment les mêmes gestes, manifeste une opposition active ou reste dans une attitude figée, dont elle ne sort, par exemple, que pour avaler subitement le contenu d’un encrier.
Ce qui surprend dans ces cas et ce qui permet de faire le diagnostic, c’est que, par moments, le malade cesse d’être catatonique ; il redevient « lui » et explique que ce sont des voix qui lui ont ordonné son attitude, ses gestes, son mutisme, ses impulsions. Lorsque les phénomènes d’influence sont très marqués, le malade est entièrement accaparé par eux et se désintéresse du monde extérieur.
Dans les CONFUSIONS MENTALES AVEC ONIRISME, dans l’ALCOOLISME, en particulier, on peut voir, épisodiquement, des idées d’influence. M. Ce… interprète dans le sens d’une influence : 1° ses visions oniriques (on lui envoie ces visions, on lui fait voir des animaux, des personnes) ; 2° ses écarts de conduite (on le fait aller dans une maison close) ; 3° son agitation et son excitation intellectuelle (je n’arrête pas de causer ; il y a une influence là-dessous. Ils me font lever la nuit ; ils me réveillent, etc.).
Dans la PARALYSIE GÉNÉRALE (5), on peut observer le syndrome d’influence, ainsi que j’en ai publié un cas dès 1914 avec mon regretté ami Paul Borel : « Ce malade, disions-nous, éprouve le sentiment d’être transformé en automate, [p 379] en machine, il se sent dominé par une force inconnue qui le fait agir malgré lui, qui l’a obligé une fois, dit-il, à voler un journal contre son gré. Ce sentiment d’automatisme augmente et bientôt la parole intérieure semble échapper à son contrôle, etc. » Obéissant à des hallucinations impératives, ce malade s’est jeté dans la Seine et une fois, devant nous, s’est précipité la tête la première à travers les carreaux de la fenêtre.
Je ne crois pas nécessaire d’allonger davantage la liste des psychopathies qui peuvent se compliquer d’un syndrome d’influence, car elle est illimitée. Je voudrais cependant montrer en terminant que certains délires d’influence, en apparence primitifs, ont pour cause un CHOC ÉMOTIF et surtout le REFOULEMENT DE TENDANCES SEXUELLES INASSOUVIES.
MM. Séglas et Barat, après avoir donné l’observation d’une amoureuse de prêtre qui fit un délire d’influence, concluent ainsi : « La malade ne fait qu’interpréter, à l’aide de cette formule délirante, des actes et des pensées qui ne lui semblent point émaner directement d’elle-même. Les raisons pour lesquelles ces faits de conscience apparaissent à notre malade comme étrangers à sa personnalité sont, ici, assez claires. Chez notre malade, honnête, pieuse et scrupuleuse, la passion s’est développée en quelque sorte en parasite, sans avoir été accueillie et assimilée par la personnalité consciente… Si les actes, si les pensées inspirées par la passion ne sont pas reconnus comme émanant de la personnalité du sujet, il faut qu’ils émanent d’une autre personne. C’est la base du délire d’influence.
L’histoire de notre malade est simplement celle d’une passion amoureuse développée chez une femme pieuse, honnête et scrupuleuse. La passion a introduit des éléments étrangers à la vie normale de la malade. En raison de l’éducation, des habitudes et des principes de la malade, ces éléments n’ont pu être assimilés par la conscience qu’au prix de troubles profonds. C’est là, en réalité, un fait courant dans l’histoire des passions. Mais ce qui est spécial à notre malade, en dehors de l’énergie avec laquelle sont refoulées et en quelque sorte reniées, les tendances regardées comme immorales et mauvaises, c’est, d’une part, le sentiment et le besoin de direction qui préparent le terrain du délire d’influence, et, surtout, la prédisposition au doute, durant toute la maladie, et particulièrement durant sa deuxième phase. Par tous ces points, Mme G… se rapproche beaucoup des malades étudiés par M. Janet sous le nom de psychasthéniques et son cas n’est d’ailleurs pas sans analogie avec ceux de ces malades, qui, des syndromes psychasthéniques ordinaires, des obsessions en particulier passent à des états délirants plus ou moins prolongés et durables. »

Dans ce cas de MM. Séglas et Barat la malade, surprise d’une passion que sa conscience réprouve, croit à une influence. Dans d’autres cas qui sont loin d’être rares et qui diffèrent du précédent, il s’agit de malades qui ont refoulé des tendances sexuelles. Mais ces tendances, pour refoulées qu’elles soient, ne tendent pas moins à se manifester et elles se manifestent, d’une façon exubérante, en dehors du contrôle de la volonté, d’une manière spontanée, automatique. Les malades, surprises par ces phénomènes indépendants, que, non seulement elles n’ont pas voulus, mais qu’elles réprouvent, invoquent une influence pour les légitimer. Le cas de Mlle Pa… est très démonstratif. Elle n’a pu se marier malgré l’immense désir qu’elle en avait. A plusieurs reprises, [p. 380] elle a dû cacher des sentiments d’amour très vifs. Ces refoulements ont créé chez elle un état de malaise et d’inquiétude, puis brusquement, à la suite d’une nouvelle déception amoureuse, toutes les tendances précédemment refoulées se sont libérées par le rêve, la rêverie, le mentisme, les pseudohallucinations, les hallucinations génitales. En dehors de rêves érotiques, elle a, à l’état de veille, des représentations mentales vives, des « visions imaginaires » de scènes obscènes (coït, fellatio). Elle a des conversations mentales obscènes, dans lesquelles on lui décrit toutes sortes de caresses. Même elle sent qu’on la « touche » et elle trouve drôle qu’on puisse faire cela à distance. Comme tous ces phénomènes sont en opposition avec sa conscience elle les attribue à une influence étrangère.

En présence de tout délire d’influence, il faut systématiquement rechercher ce que M. Logre appelle la Psychose inductrice, ce qui est capital pour pouvoir établir un pronostic. Le pronostic dépendra, en effet, le plus souvent, de l’affection causale et l’on verra disparaître les idées d’influence, en même temps, par exemple, que l’accès maniaque. Si l’on ne trouve pas à l’origine du syndrome une psychopathie bien définie, il est de toute nécessité de faire, par tous les moyens dont on dispose, l’analyse psychologique complète du malade. Dans bien des cas, on pourra reconnaître l’origine du délire dans un état passionnel ou émotif qui est en opposition avec le caractère et les principes du malade, ou dans des tendances sexuelles refoulées par la conscience, par la « censure » et qui, se libérant par l’automatisme, donnent naissance au sentiment d’influence.
L’examen du malade devra se compléter par l’examen physique et l’on trouvera parfois à la base d’un délire d’influence ou de possession avec troubles cénesthésiques une affection organique définie. Dans d’autres cas, on sera en droit d’incriminer des troubles endocriniens.
Enfin, il peut se faire que nous ne trouvions aucune cause au délire d’influence, en dehors d’un état constitutionnel particulier. Mais, de ce que nous ne voyons pas la cause de ces délires, il ne s’ensuit pas qu’ils ne soient déterminés par rien. Je crois qu’avec les progrès des méthodes psychologiques, médicales et biologiques, les « psychoses essentielles » deviendront de plus en plus rares, jusqu’au jour où elles n’auront plus qu’un intérêt historique.

Avant de terminer, je tiens à signaler L’INFLUENCE CENTRIFUGE et L’INFLUENCE ALLÉGUÉE. La première est généralement une conséquence de l’influence subie. Puisque le malade reçoit des transmissions de pensée, il est capable d’en envoyer. C’est ainsi que certains malades fixent des rendez-vous par « message télépathique » ou même tentent d’envoûter les personnes qui les ont envoûtés. Mme Muz… se croit capable de distribuer le bonheur et elle répète sur un ton de commandement et avec un rythme saccadé des incantations dans le genre de celle-ci : « Je désire, Monsieur, que vous et votre dame soyez très heureux en amour. Je le veux, je le veux, je le veux ! »
L’influence alléguée est surtout intéressante en médecine légale où elle doit être considérée comme très suspecte de simulation. Le délinquant ou le criminel cherchent à excuser leur acte, en invoquant une influence à laquelle ils prétendent n’avoir pu se soustraire. M. Dupouy en a publié des cas sous le nom de « subjugation consciente de la volonté dans l’accomplissement de [p. 381] certains crimes ou délits (26) ». « Dans les trois cas, dit-il, il s’agissait de femmes de volonté assez débile, bien que d’intelligence suffisamment développée, et entachées d’hystérie, c’est-à-dite douées d’une plasticité mentale anormale les rendant accessibles à la suggestion, aussi bien à l’état de veille qu’à l’état de sommeil provoqué. »

A mon avis, il ne faut pas étendre démesurément le domaine de l’influence au point de vue pathologique, car toute notre vie est en grande partie dirigée par des influences (famille, milieu, lectures, éducation, etc.). Il sera loisible au tribunal ou au jury de tenir compte des mauvaises influences subies par l’inculpé ; il sera permis au médecin de signaler la suggestibilité anormale, mais, ainsi que le professe M. Claude, l’expert sortirait de son rôle en affirmant, dans ces cas d’influence « alléguée », l’irresponsabilité et en invoquant l’article 64 du Code pénal. Seuls doivent être déclarés, en principe, irresponsables les influencés délirants qui répondent au type décrit dans cet article.

NOTES

(1) Cet article est la reproduction d’une conférence faite l’année dernière à Sainte-Anne et que je n’avais pas l’intention de faire paraître, travaillant à un livre sur le même sujet. Mais la publication de cet ouvrage se trouvant retardée, j’ai cru utile de publier la conférence de l’année dernière

(2) LÉVY-DARRAS. La Psychose d’Influence. (Thèse de Paris, 1914.)

(3) LOGRE et HEUYER. Idées d’Influence au cours de l’Excitation maniaque. (Cong. de Strasbourg, 1920.)

(4) CODET. Idées d’Influence au cours d’un état mélancolique. (Annales médico-psychologiques, mars 1923.)

(5) CEILLIER. L’obsession et le délire d’Influence. (Bull, de la Soc. clin. de Méd. mentale, avril 1922.)

(6) CEILLIER. Du besoin de réconfort au sentiment et au délire d’Influence. (Bull. de la Soc. Clin, de Méd. mentale, mars 1923.)

(7) CEILLIER. Erotomanie et délire d’Influence. (Bull, de la Soc. clin. de Méd. mentale, mai 1922).

(8) Lire la discussion entre MM. Mignard, Legrain, Mallet, Ceillier, à la séance de la Soc. Clin. de Méd. Mentale, mai 1922 et la discussion à la même société entre MM. Logre, Chaslin, Ceillier à la séance d’avril 1922.

(9) MINKOWSKI et TARGOWLA. Contribution à l’étude des idées d’influence. (Encéphale 1923, p. 652.)

(10) CHASLIN et ALAJOUANINE. Un cas de délire d’influence obsédant (Journal de psychologie, 1920, p. 945). [en ligne sur notre site]

(11) SÉGLAS et BARAT. Note sur l’évolution des hallucinations (Journal de psychologie, juillet 1913).

(12) Voir les articles de M. de Clérambault dans le Bull. de la Soc. clin, de méd. ment., 1922.

(13) BALLET et DHEUR. Sur un cas de délire de médiumnité. (Ami. méd. psy., sept., 1903.) — BALLET et MoNiEp-VjNARD. Délire hallucinatoire avec idées de persécution consécutif à des phénomènes de médiumnité. (Ann. méd. p::y., sept.1903.) — BOIRAC. Etude scientifique du spiritisme. (Analyse in Ann. méd. psy., 1912.) – BONNET. Spiritisme et folie. (Bull, de 1.1 Soc. clin, de méd. ment., déc. 1909.) – CAPGRAS et TERRIEN. Délire spirite et graphorrée paroxystique. (Ann. méd. psy., 1912.) — DIDE, PEZET et MIRE. Délires systématisés. Forme psycho-motrice. Variété spirite (Ann. méd. psy., 1020.)— DUHEM. Contribution à l’étude de la folie chez les spirites. (Th. Paris, 19041. — Dupouy et LE SAVOUREUX. Un cas de délire spirite et théosophique chez une cartomancienne (R. N., 1913, p. 140.) — GRASSET. L’occultisme d’hier et d’aujourd’hui. Montpellier. — JANET(Pierre). Spiritisme. (R. N., 1909.) — JOFFROY. Delires systématises spirites. (Arch. gen. de méd., 1904 ) — LÉVY-VALENSI. Spiritisme et folie. (Encéph., 1910 ) — LÉvY-VALENS! et GÉNIL-PERRIN. Délire spirite. (Encéph., Ig13.) — MARIE. Folies spirites. (Ann. méd. psy., 1904.) — MARIE. Délires spirites. (Rev. de psychiatrie, 1904.) – RAYMOND. Psychasténie, alcoolisme et pratiques de spiritisme. Phénomène de l’écriture involontaire. (Bull. méd., 1902.) — SÉGLAS. Leçons cliniques sur les maladies mentales (1895.) — VIOLLET. Spiritisme dans ses rapports avec la folie. Blondel, éd. Paris, l908.

(14) PEZET (Charles). La démonomanie. (Thèse de Montpellier, 1909.)

(15) ARNAUD. Variétés cliniques du délire de persécution. (Ann. Méd. Psy., 1893.)

(16) A. VOISIN. Ann. Méd. Psy., 27 mars 1803.

(17) FALRET. Les variétés cliniques du délire des persécutions. (Ann. Méd. Psy., 1896.)

(18) Discussion à la suite d’un article de M. Mignard : Sur la nature de la démence survenant au cours de certains délires (à propos de deux cas de délire d’influence). (Annal. médico-psychol., 29 mars 1921.)

(19) Je ne parle que de celles-ci, car il va de soi que ces critiques ne peuvent s’adresser aux classifications purement pratiques, considérées par leurs auteurs mêmes (Chaslin, par exemple) comme un essai de groupement aussi clinique que possible, mais très imparfait et nécessairement transitoire.

(20) LOGRE et HEUYER. Idées d’influence au cours de l’excitation maniaque. (Cong. de Strasb., 1920.)

(21) CODET. Idées d’influence au cours d’un état mélancolique. (Ann. méd. psych., mars 1923.)

(22) CEILLIER. L’érotomanie et le délire d’influence. (Bull. Soc. cl. méd. ment., 1922.)

(23) SÉGLAS. L’évolution des obsessions et leur passage au délire. (Congrès des aliénistes, août 1902.) — SÉGLAS et BARAT. Un cas de délire d’influence. (Ann. méd. psy., 1913.) — CHASLIN et ALAJOUANINE. Un cas de délire d’influence obsédant. (Journ. de psychol., 1920.) — JANET. Les obsessions et la psychasthénie. — MIGNARD. De l’obsession émotive au délire d’influence. (Ann. méd. psy., 1913.) — RAYMOND et JANET. Dépersonnalisation et possession chez un psychasthénique. (Journ. de psychologie, 1904.) — CEILLIER. L’obsession et le délire d’influence. (Bull. Soc. cl. méd. ment., avril 1922.) — CEILLIER. Du besoin de réconfort au sentiment et au délire d’influence. (Bull. Soc. cl. méd. ment. iuin 1922.)

(24) D’obsédé qu’il étoit, Alvare, devenu possédé, n’était plus qu’un instrument entre les mains du diable, dont celui-ci se servoit pour mettre le désordre partout. »      (Le Diable amoureux. J. CAZOTTE.)

(25) Paul BOREL et CEILLIER. Paralysie générale ayant débuté par des hallucinations psycho-motrices verbales obsédantes avec tendance au suicide. (Encéph., 1914, p. 268.)

(26) Annales médico-psychologiques, 1922, vol. II, p. 233.

 

 

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