Hne Huet. Le spiritisme et Satan. Article paru dans la revue bi-mensuelle « Le Progrès Spiritualiste », 1ère année, 15 avril 1867 (non paginé).
Honorine Huet (1840-1915) – Fondatrice de la revue « Le Progrès Spiritualiste ». qui ne dura qu’une année— Théophile Gautier parle d’elle en ces termes: : « Elle était affiliée à toutes sortes de sociétés singulières, à des êtres inspirés, qui fréquentaient chez les esprits, et ne voyaient que le monde invisible. » Nous avons relevé deux publication :
— Manuel du Spiritisme. Paris, 5, rue Lhomond, 1869, 1 vol. in-8°, 24 p.
— Les Mémoires de deux esprits, leurs diverses existences, racontées à sa mère par M. Raoul d’A.*** âgé de deux ans. Paris, E. Dentu, 1874. 1 vol. in-18, 121 p.
La revue n’étant pas paginée nous avons seulement indiqué les colonnes. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original. – En dehors du portrait, les deux images sont celles de l’article original. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
LE SPlRITISME ET SATAN.
Le hasard me fait tomber sous 1a main un article très-curieux sur, ou plutôt contre le spiritisme, extrait d’un ouvrage de M. Clément d’Elbbe, intitulé l’Intererpolator. Certainement l’auteur n’a jamais assisté à une expérience sérieuse, et il ne connait le spiritisme et ses effets que par ouï-dire. Dans tout ce que l’on dit et dans tout ce qu’on écrit à, ce sujet, je ne vois ressortir que deux : croire ou ne pas croire. Si vous n’acceptez pas qu’une table est remuée par une force extra-humaine que vous ne comprenez pas, niez-le ; croyez à 1a supercherie, vous êtes conséquent avec vous-même ; mais croire que cette table est mue par un être invisible que vous appelez d’un nom à votre convenance, et vouloir ridiculiser ceux qui lui en donnent d’autres, c’est absurde et despotique. « La difficulté, dites-vous, n’est donc pas tant d’accepter l’existence du spiritisme que de le reconnaitre pour ce qu’il est, c’est-à-dire idolâtrie et magie continuée et renouvelée. » Et pourquoi regarder le spiritisme comme étant de la magie ou de l’idolâtrie ? — Je n’y crois pas on j’y crois. — Si je n’y crois pas, cc n’est rien ; si j’y crois il me plait mienx de croire que c’est un bon esprit qui vient à moi me donner quelques bons conseils, me dire quelques bonnes paroles, que de croire que c’est le diable. Toujours le diable ! — c’est faire beaucoup à Satan que de s’occuper de lui sans cesse. C’était bon dans le moyen age de croire au règne de cet esprit du mal, aux sorcières qui allaient au sabbat sur un manche à balai ; aujourd’hui on croit à Dieu bon et juste, à l’immortalité de l’âme. Pourquoi cette âme immortelle ne pourrait-elle pas se communiquer aux hommes par les mêmes moyens que vous prêtez au roi des enfer?
L’auteur est loin de nier le spiritisme, écoutez ce cri d’effroi :
Le Spiritisme !… — Me voilà l’ennemi du temps. Voilà le nom et l’action sous lesquels l’Interpolator agit [colonne 1] effrontément parmi nous. Il est là, au milieu de notre civilisation, accepté, autorisé. Il s’y promène, il y trône : ici fort à l’aise, préconisé, triomphant dans son temple au milieu de ses fidèles ; ailleurs, caché sous ses mêmes allures glissantes et silencieuses.
Car, le silence sur lui et ses menées, l’oubli apparent ou la négation, les ténèbres étendues sur la route, l’ignorance ou l’aveuglement sur ses progrès sont encore souvent les plus puissants moyens de l’ennemi.
Pendant que les indifférents laissent le reptile suivre tranquillement sa route, que les sceptiques plaisantent du Spiritisme, que les curieux et les oisifs s’en amusent, il y a des esprits sérieux, ceux dont l’avis forme les convictions du monde, qui nient ou non son existence, ou son action, ou son danger. — « Si la magie a existé, disent-ils, on lui a prêté beaucoup de faits qui appartenaient ou aux sciences naturelles encore ignorées, ou à la supercherie. Le reste était le domaine très-restreint des prêtres et des initiés : le vulgaire avait peur du mot, cela suffisait… Mais le Spiritisme ! »
L’auteur prétend qu’on s’en occupe moins dans les salons ; mais ne croyez pas, dit-il, que ce semblant de repos soit une trêve, et que l’Interpolator se regarde comme vaincu.
Le Dieu s’est retiré sous sa tente il en fait un temple nouveau. Les tables, les planchettes, ne s’agite plus…, Ce sont des êtres humains qui fait mouvoir, et les médiums, les emplois.
Gens dévoués qui, dans notre bonne foi, vous faites médium, nous sommes loin de vous railler. Nous ne pourrions que nous écrier et frémir, six, en assistant aux manœuvres d’artillerie, nous apercevions un homme penché sur la bouche du canon prêt à vomir le feu de la mort.
Voici ce que dit Mgr Gaume :
« Le Spiritisme a pris corps ; il est reconnu et légalement constitué en France sous le nom de société parisienne des études spires ; à celle-ci viennent se rattacher les gros de nos provinces et de l’étrange. Le Spiritisme est aujourd’hui une religion dont le culte met ses adeptes en communication avec les esprits infernaux, habilement caché sous les mots les plus. Le spiritisme à son symbole et ses prières, ses finances et ses réunions périodiques, ses prédicateurs, ses apôtres et sa presse. En Amérique d’où il vient, il a pour organes vingt-deux journaux : il en a au moins cinq en France : Naples, Londres, l’Allemagne ont les leurs. » [colonne 2]
De nombreux auteurs proclament la doctrine et la formule dans de petits et gros volume lus si avidement, que les séductions se succèdent sans interruption pendant qu’il s’en publie de nouveaux.
Le Spiritisme à ses disciples, dans les ateliers surtout, et encore parmi la bourgeoisie, la noblesse, la médecine, dans les sciences, dans l’armée, partout enfin.
Il en est de même à l’étranger. C’est par millions qu’on peut compter les spirites répandus dans les différentes parties du monde.
Mais, sans sortir de notre pays, pour parler seulement, les renseignements donnent le chiffre approximatif de vingt-cinq à trente mille adeptes déclarés, ne comptant. Ce qui, sans savoir pourquoi, ne croit pas à ministère catholique et prêt une oreille curieuse aux monstrueuses erreurs du Spiritisme.
Il en est de même à Lyon, une des villes où, parmi les ateliers, la doctrine s’est étendue comme le feu sur une traînée de poudre. Toutes nos villes principales sont affectées, au point que le grand propagateur qui voile sa personne sous le pseudonyme d’Allan-Kardec se réjouit ouvertement du nombre toujours croissant des groupes ou société qui se forme chaque jour dans les localités où il n’y en avait pas encore.
Enfin, une nouvelle voie spirite (1) proclame ceci :
« Ce qui est avéré, c’est que les médiums se multiplient ; il en surgit au fur et à mesure des besoins ; nous affirmons sans crainte d’être démenti que la France entière, malgré les graves préoccupations du moment et que Paris lui-même, jusqu’alors presque indifférent sont minés, pour me servir d’une expression à la mode, par les termites spirites. »
Ne pensez-vous pas que, devant de tels faits, de telles assurances, il est urgent de ne point fermez les yeux, de point nier, de ne point se taire ; et qu’il y a obligation de conscience à signaler par tous les moyens le danger de son flot montant qui, grâce aux termites, menace de nous engloutir ?
« La Difficultés n’est donc pas tant d’accepter le Spiritisme, que de le reconnaître pour ce qu’il est ; c’est-à-dire idolâtrie et magie continuées et renouvelées. »
M. Clément d’Elbe en citant ses paroles de Mgr Gaume, faire un intéressant historique du spiritisme. Pour une chose qui n’existerait pas, il est bien curieux d’en citer les adeptes par millions, et dans toutes les classes de la société. — Ce fait seul et miraculeux. Mais. M. d’Elbbe [Colonne 3] et Mgr Gaume ne nient par le spiritisme, seulement ils attribuent cette puissance à l’Interpolator, au diable, et il cite les passages de M. De Mirville où il est dit que le Dieu-serpent est venu se nommer. Nous possédons, y-a-t-il dit, « des Dracontia ( voilà le dragon) donc une table bavarde à couvert devant nous des rames de papier, et des autographes d’un serpent invisible qui, dessinant sous nos yeux avec un crayon que personne ne tenait, d’une longue suite de sinuosités serpentaire, écrivait au-dessous cette mélancolique de : je vis ma vieille vie, veterem citam vivo. »
« Vous l’entendez : il y a trois ans à peine (1863). Voici l’attestation de présence, donnée par la propre signature du Dieu-Serpent invisible. Peut-être le fait ce renouvelle-t-il en ce moment en France, à Paris, peut-être, et à votre insu, près de vous.
« Qu’en penser, dites-moi ? Il n’y n’est point de façon cette fois ; il se présente hardiment sous la forme de sa première incarnation, ce dieu faux et monstrueux, ennemis indomptables du Verbe incarné. »
M. d’Elle,Certes, ne nie pas la présence de Satan ; il l’affirme bien au contraire ; il est donc spirite puisqu’il croit aux manifestations, seulement il est persuadé que l’Esprit du mal est plus fort que l’Esprit du bien. Lorsqu’une mère désolée prix avec ferveur son enfant adoré de venir près d’elle se manifester, lui tracer quelques lignes qui témoignent sa présence afin que son pauvre cœur reçoive un peu de consolation, eh bien ! non ; ce n’est pas cet enfant qui viendra à elle, c’est Satan. Vous priez Dieu, ou le supplier ; — c’est Satan qui vous répond. En vérité, c’est désespérant ; ce serait à ne plus croire ni à Dieu et au diable ; heureusement je crois que Dieu est le plus fort.
Est-il rusé ce Dieu-Serpent ; lisez ceci attentivement :
« L’audacieux ange tombé, Jéhovah à l’envers, ce dieu adoré de nos jours a prit domicile dans les engins du spiritisme, tables, planchettes, crayons ou autres, comme autrefois dans les idoles parlantes de pierre ou de bois. Il les met en mouvement et laissait parler. »
« Il a commencé par là son invasion nouvelle. Il le fallait pour intéresser de plus en plus de curieux, englué les crédules, provoquer les expériences, organiser des études régulières et fortifier la conviction des adeptes. De cette façon, le dieu parlant emploi, sans grands frais d’inventions, les mêmes moyens de perdre le monde. »
« Le Dieu à son enseignement ? Écoutez en les principes : [colonne 1] Le Spiritisme nie les peines éternelles. Le spiritisme enseigne l’existence de l’âme après la mort du corps. Il professe la tolérance la plus étendue, puisqu’elle permet à chacun de croire ou de ne pas croire selon sa conscience et sa raison. »
Voilà le grand cri du Spiritisme, c’est la tolérance ; puis l’intégration des peines éternelles et la croyance à une autre existence, mais surtout à cette tolérance qui dit à chacun d’être fidèle à sa religion, de croire à dire et d’aimer son prochain comme soi-même.
Et voilà quinze ans que cet esprit malin vient dans une table dire qu’il faut être bon pour ses semblables, les aimer, s’aider mutuellement, n’être ni orgueilleux, ni médisant ; aimer Dieu et son prochain, voilà toute la loi. Eh bien ! Je confesse que le diable de Satan vaut mieux que Dieu lui-même, puisqu’il dit qu’il faut aimer Dieu, et que Dieu dit qu’il faut haïr Satan. Le dieu de l’enfer est plus généreux que le Dieu du ciel. Mais, dit-on, c’est le serpent qui se cache ; un jour viendra où il se montrera tel qu’il est. Pourvu que ce jour soit encore reculé de quelque vingt ans, peu importe ce que fera le Diable.
Le Dieu à son sacerdoce ; les ministres de son culte sont les médiocres ; ce sont de véritables fétiches humains perfectionnés, dit M. d’Elbbe, dans lesquelles le Dieu manifeste sa présence, et il raconte comment se font les évocations. Les lecteurs en sachant plus long que lui là-dessus, je m’arrête en concluant que le diable nous donne souvent de grande consolation, ce dont on ne saurait trop le remercier.
Honorine Huet.
Väinö Sunnas (1896-1929); – Une séance de spiritisme.
Notes :
- Journal l’Avenir, qui prend le sous-titre de Moniteur du spiritisme.
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