Paul Guiraud. Analyse du symptôme stéréotypie, avec trois planches hors-texte. 1936.

guiraudstereotypies0004Paul Guiraud. Analyse du symptôme stéréotypie, avec trois planches hors-texte. Article paru dans la revue « L’Encéphale, Journal de neurologie et de psychiatrie », (1936) tome XXXI, 2e volume, n°4, novembre, pp. 229 – 270.

Nous mettons en ligne cet article en mémoire et en hommage à notre ami disparu Etienne Trillat (1919-1998) qui fut pour nous, par sa gentillesse, son érudition et sa curiosité, une source constante de découvertes et d’échanges passionnant sur bien des sujets, en particulier sur ceux de l’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse. Il était passionné par l’étude des stéréotypies et nous avions le projet d’en faire un film, qui malheureusement, n’a pas abouti. 

Paul Guiraud (1882-1974. Après sa préparation du concours des Eaux et Forêts en 1903, il est externe de la Faculté de médecine de Montpellier, puis interne d’Antoine Ritti à Charenton, et médecin des asiles à Tours en 1908. Il occupe ensuite le poste de médecin des asiles de Province de 1909 à 1921, principalement à Braqueville. Praticien des asiles de la Seine à partir de 1923 il occupera cette fonction d’abord à Ville-Évrard, puis à Villejuif et enfin à Sainte-Anne.
Organiciste, comme Pierre Janet et Henri Claude, il défend ses positions devant la montée des idées psychanalytiques de Freud. Toutefois, il reconnaît en 1950 les progrès que la psychanalyse a permis d’obtenir dans la compréhension de la psychogénèse du délire.  Quelques publications :
— Délire systématique et inversion sexuelle. Paris, Masson et Cie, 1922.
— Délire systématisé et inversion sexuelle. Extrait des Annales médico-psychologiques, 1922, juillet. Paris, Masson et Cie, 1922. 1 vol. in-8°, 6 p., 1 fnch.
— Les formes verbales de l’interprétation délirante. Extrait des Annales médico-psychologiques, 1921. Mai. Paris, Masson et Cie, 1921. 1 vol. in-8°, pp. 395-412.
— Psychiatrie générale. Paris, Le François, 1950. 1 vol. in-8°, 664 p.
— Psychiatrie clinique. Troisième édition. Paris, Le François, 1956-in-8°, 746 p., 1 fnch.

Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. – Les  images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr

 

[p. 229]

 

ANALYSE DU SYMPTÔME STÉRÉOTYPIE

par

P. Guiraud
(avec trois planches hors texte)

I – APERÇU HISTORIQUE

Le terme stéréotypie a été introduit en psychiatrie par Falret en 1864. Nous soulignons ce fait non pour revendiquer une vaine priorité pour un auteur français mais pour montrer plus loin que, dès le début, Falret (1) a vu l’essentiel de la question. « Lorsque les malades, écrit-il, loin d’ajouter chaque jour à l’idée prédominante de nouveaux compléments, de l’appuyer de preuves nouvelles… se bornent à la répéter à tout venant, exactement sous la même forme et avec les mêmes expressions, lorsqu’en un mot le délire est complètement stéréotypé … ». Plus tard, en 1874, Kahlbaum a utilisé le mot stéréotypie dans la description de la catatonie, l’appliquant surtout à des manifestations d’ordre moteur.

Le terme stéréotypie est une dénomination imagée empruntée au langage courant comme celle de beaucoup d’autres symptômes, particulièrement dans le domaine de la catatonie : maniérisme, négativisme, etc… L’inconvénient de cette pratique apparaît dès qu’on veut donner non pas même une interprétation mais seulement une délimitation clinique précise du symptôme. Dans les observations, dans les certificats on voit qualifier de stéréotypies une foule disparate de répétitions motrices ou verbales de mécanisme fort différent et de valeur sémiologique très inégale. D’autre part la méthode des définitions a priori a l’inconvénient de faire négliger dans la description des maladies [p. 230] quantité de symptômes réels et même fréquents qui n’entrent pas dans le cadre de la définition. Pour toute la série des manifestations catatoniques l’attitude actuellement utile nous paraît être de faire une description analytique aussi complète que possible de toutes celles que les divers auteurs ont l’habitude d’appeler : stéréotypies, maniérisme, négativisme, etc., d’en préciser les diverses variétés et d’ébaucher pour chacune une explication pathogénique. Nous avons déjà appliqué cette méthode au symptôme maniérisme et nous avons pu montrer qu’il constitue un groupement artificiel. Nous verrons qu’il n’en est pas tout à fait de même pour les stéréotypies.

Une rapide revue historique va montrer que les théories successives sur les stéréotypies ne sont que le reflet des doctrines générales sur les délires, la démence précoce et la schizophrénie.

Théorie du mouvement automatisé. — Cette théorie a été soutenue d’abord par Neisser à propos de la verbigération et surtout par Dromard, récemment encore par Bostroem. Les conceptions de Dromard entrent dans le cadre de la doctrine kraepelinienne de la démence précoce. Elles ont été publiées de 1904 à 1909 dans une série de travaux intéressants (2).

Pour Dromard « la stéréotypie est un acte qui s’extériorise sans intervention de la conscience ni de la volonté, ne s’accompagnera d’aucune modification émotionnelle et ne peut être empêché par aucun effort d’attention ; c’est une représentation motrice privée de toute adaptation qui tend à se fixer indéfiniment et à s’extérioriser fatalement. Les stéréotypies se caractérisent donc objectivement par leur coordination, leur fixité, leur inutilité. Il faut éliminer du cadre des stéréotypies toutes les manifestations motrices répondant à un contenu idéo-affectif quel que soit leur degré de fixité. Ce ne sont là que de pseudo-stéréotypies.

On conçoit quelle difficulté éprouve Dromard à démontrer qu’une stéréotypie est complètement dégagée du contenu idéo-affectif initial. Il est bien difficile en effet de savoir ce qui se passe exactement dans l’esprit d’un malade et l’on n’est jamais sûr qu’une stéréotypie soit authentique. Voici un exemple de Dromard : Un malade refuse dc manger ; quand on veut l’alimenter de force il dit toujours :

« Je vous défends de me nourrir » mais cette phrase est prononcée [p. 231] sans conviction et le malade se laisse passer la sonde facilement. Une objection vient immédiatement à l’esprit. Peut-être le malade estime-t-il que sa protestation rituelle est suffisante et qu’il n’a pas à résister à la violence. Manuel se laissa expulser de la Chambre des Députés par les gendarmes de Foucault sans engager de lutte avec eux ; il lui avait suffi de démontrer qu’il ne cédait qu’à la force.

Dromard esquisse une théorie physiopathologique des stéréotypies véritables qu’il considère comme des symptômes démentiels. A l’affaiblissement mental progressif correspondrait un amoindrissement des relations interneuroniques. Cette rupture des relations normales a pour résultat que les « éléments de l’esprit » constituent des individualités indépendantes incapables de s’influencer mutuellement. Ce qui, à notre avis, aurait dû être souligné dès ce moment est que les démences ordinaires (paralysie générale, démences séniles, démence

organique) ne présentent pas ce caractère qui reste bien spécial au groupe des troubles mentaux décrits actuellement sous le nom de schizophrénie.

Des stéréotypies authentiques Dromard distingue certains mouvements uniformément répétés qu’on observe surtout au début de la démence précoce catatonique et qui sont le résultat du « défaut de plasticité physiologique des éléments cellulaires ». L’expression n’est pas heureuse et se rapproche trop de l’explication des vraies stéréotypies, mais par le contexte on voit bien qu’il s’agit de mouvements bizarres manquant de naturel qui sont des mouvements répétés et des altitudes fixées de la série catatonique. Ces pseudo-stéréotypies sont caractérisées par leur précocité et leur régressivité. Nous verrons que cette constatation est exacte en grande partie.

Bostroem (2 bis) dans le traité de Bumke a exposé une théorie analogue. Pour lui en dernière analyse la stéréotypie représente une extériorisation motrice qui, sans un acte particulier de volonté, survient et est toujours répétée sans que le malade connaisse clairement la signification originelle du mouvement ou de l’expression motrice. Cette perte de liaison avec les motifs originels de l’action peut aller si loin que le malade reste simple spectateur de ses manifestations motrices. Cette « automatisation » fait descendre les stéréotypies au niveau des actes idéo-moteurs, c’est-à-dire des actes accomplis mécaniquement et auxquels nous avons cessé de prêter attention tels que courir, saluer, exécuter des mouvements militaires. Mais tandis que ces derniers mouvements peuvent, quand il est utile, redevenir des actes conscients et volontaires, les stéréotypies véritables ne peuvent plus jamais remonter au niveau des actes volontaires.

Cette conception, comme celle de Dromard, a pour résultat d’éliminer [p. 232] des stéréotypies toutes les manifestations motrices uniformément répétées qui sont l’expression d’un état affectif actuel, par exemple, certaines verbigérations, les plaintes monotones des mélancoliques, les gestes de défense ou de conjuration des persécutés, etc., tant qu’ils, sont exécutés avec conscience. La cause de la répétition fréquente des mouvements stéréotypés véritables (qui est l’essentiel et le point obscur du problème) reste énigmatique pour Bostroem. Il ne s’agit pas d’une impulsion d’innervation rythmique à cause de l’irrégularité et du grand intervalle des réalisations. Peut-être l’apparition de certaines pensées qui jadis étaient associées à des Erlebnisse (états mentaux vitalement éprouvés) en liaison avec les stéréotypies déclenchent-elles leur réalisation.

Définition clinique. — Par réaction contre cette théorie excessive, certains auteurs sont restés fidèles au sens courant du terme stéréotypie. D’après eux il n’y a pas lieu de formuler des délimitations précises et surtout de réserver le terme stéréotypie à la démence précoce.

Pour X. Abely (3) par exemple : « Les stéréotypies sont des attitudes, des mouvements, des actes coordonnés, sans aucun caractère spasmodique, remarquables par leur fixité et leur répétition sous une forme immuable, intentionnels à l’origine mais susceptibles de devenir automatiques ». Dans l’exposé de la thèse, on constate que la conception de X. Abely est encore plus large que ne paraît la définition. A son avis on retrouve les stéréotypies dans les manifestations les plus diverses de l’activité mentale. Elles ne sont pas nécessairement d’ordre pathologique, elles ne sont pathognomoniques d’aucun trouble psychique et n’ont nullement la valeur d’un stigmate démentiel. X. Abely divise les stéréotypies en conscientes et automatiques ; les premières pouvant être observées chez l’homme normal ; les stéréotypies automatiques ont été primitivement conscientes. Ce point de vue conduit à nier au symptôme stéréotypie, conçu de façon très large, presque toute la valeur diagnostique et pronostique, puisque l’auteur admet que les stéréotypies deviennent volontiers automatiques aussi bien dans la mélancolie ou la manie que dans la démence précoce.

Théorie de la pensée autistique. — Depuis longtemps déjà, sous l’influence surtout de Bleuler, on délaisse la conception initiale de Kraepelin qui tendait à faire de la démence précoce une démence véritable. On explique plus volontiers les symptômes de la schizophrénie par une tendance à la pensée autistique (Bleuler) ou par une perte de contact vital avec la réalité (Minkowski). Sans vouloir discuter ici ce point de vue, signalons qu’il s’applique à des malades [p. 233] différents de ceux qui servaient de base à la description de la démence précoce et qu’il est valable exclusivement pour les délirants. Quoi qu’il en soit Klaesi (4) a étudié les stéréotypies du point de vue spécial de l’autisme, Pour lui les stéréotypies sont des manifestations de caractère moteur verbal ou idéique répétées par le sujet toujours sous la même forme et souvent pendant très longtemps et qui, entièrement séparées de la vie mentale globale, c’est-à-dire autonomes, n’expriment pas un état affectif et ne tendent pas vers un but dans le domaine de la réalité,

La répétition uniforme ne suffit pas, il faut que l’acte soit du domaine de la pensée déréelle pour mériter le nom de stéréotypie ; par exemple, les gémissements monotones des mélancoliques ne sont pas des stéréotypies parce qu’ils constituent des mouvements d’expression d’un état affectif réel, ou plutôt parce qu’ils sont adaptés à la réalité en tant qu’ils expriment un état affectif. D’autre part, alors que les auteurs précédents (Dromard, Bostroem, etc) éliminent des stéréotypies les mouvements de défense contre les hallucinations ou les idées délirantes des schizophrènes tant qu’ils sont conscients, Klaesi les englobe dans les stéréotypies parce qu’ils expriment une pensée déréelle et ne l’expriment pas dans le plan de la réalité, Cet exemple met bien en relief la tendance de l’école de Zurich. On peut se demander en quoi le délire du schizophrène est plus déréel que celui du mélancolique, Klaesi élimine encore des stéréotypies les mouvements de balancement des idiots (qu’il appelle monotypies) et les mouvements professionnels répétés des déments organiques. Dans son intéressante monographie il étudie en détail 21 cas de stéréotypie dont 9 sont les expressions d’hallucinations de la sensibilité interne, 4 consistent en cérémonies pour conjurer des hallucinations ou symboliser des pénitences, 2 expriment des actions à but autistique inconnu et enfin 6 sont des reliquats d’actes dans le réel.

Cette dernière catégorie mérite quelque attention. L’analyse clinique impartiale de Klaesi lui a en effet montré que sa définition des stéréotypies par l’autisme est quelque peu étroite. En effet chez les malades que nous appelons en France des hébéphréno-catatoniques et même des délirants chroniques, on observe des mouvements fréquemment et uniformément répétés qui extériorisent cependant des actions dans le domaine du réel. On connaît dans tous les asiles de ces malades qui sont stéréotypés dans la vie courante et même dans le travail en dehors de toute idée délirante. Ce sont certaines de ces stéréotypies que Klaesi appelle reliquats mais auxquelles il attribue des caractères particuliers,. Les reliquats ont une tendance à l’involution, [p. 234] à la transposition, enfin ils sont influençables et modifiables selon les conditions extérieures alors que les autres stéréotypies ne le sont pas. Par exemple, un malade qui, dans une chambre fait des efforts réitérés et toujours uniformes pour atteindre une fenêtre, s’il est placé dans une pièce sans fenêtre transformera et simplifiera ce mouvement jusqu’à saisir simplement son genou de façon réitérée. La ténacité des stéréotypies-reliquats est expliquée par Klaesi au moyen de théories complexes et qui ne sont pas très claires. Il insiste sur le désintérêt du malade pour ses gestes de la vie réelle, son attention étant occupée par la pensée autistique, sur le manque d’acquisition de nouvelles formules motrices dans le domaine du réel qui laisse persister les anciennes, sur une sorte d’utilisation de la stéréotypie-reliquat comme moyen d’expression symbolique des complexes tendant d’ailleurs à être répétée sans cesse parce qu’elle n’est qu’une expression imparfaite de ces complexes. Enfin interviendrait le phénomène décrit par Roller sous le nom de rénervation. C’est une sorte de cercle vicieux tel que les impressions proprioceptives naissant des muscles au moment de l’exécution du mouvement stéréotypé vont exciter les centres moteurs, ce qui détermine une nouvelle exécution du mouvement et ainsi de suite. Il faut avouer que cette argumentation est peu convaincante. Quant aux stéréotypies liées aux hallucinations, aux idées délirantes ou réalisant des buts autistiques inconnus, la seule explication de leur persistance est celle des hallucinations et des idées qui leur donnent naissance.

Nous ne pouvons souscrire à la dichotomie des stéréotypies effectuée par Klaesi ni à leurs caractères distinctifs. On voit souvent des stéréotypies délirantes involuer vers des formules de plus en plus condensées et même méconnaissable ; la réactivation des reliquats par le retour aux conditions qui leur ont donné naissance est peu admissible.

Les auteurs contemporains, Mayer-Gross (5p en particulier, voient surtout dans la tendance aux stéréotypies un mode de comportement global rétréci d’une façon monotone. Le malade traite tout ce qui réussit à le toucher d’une seule manière, d’un seul style, c’est ce que Minkowski a décrit sous le nom d’attitude schizophrénique.

Contribution des neurologistes. — Le symptôme stéréotypie se rapproche tellement d’une série d’autres symptômes neurologiques de persistance ou de répétition qu’il est nécessaire de voir quelle place les neurologistes contemporains lui assignent dans ce groupe. A ce point de vue l’œuvre récente de Kleist (6) est particulièrement instructive. [p. 235]

Il distingue :

a) Des symptômes de déficit frontal consistant en mots, actions et pensées résiduelles qui sont fréquemment répétés par le malade parce qu’ils sont les seuls restes de son activité mentale,

b) Des symptômes d’excitation motrice uniforme observés surtout chez les encéphalitiques. Ce sont des mouvements anormaux répétés de façon uniforme mais localisés à une partie du corps sans tendance générale à la répétition Il s’agit de mouvements inintentionnels, sans but, qui semblent entrer dans le cadre des syncinésies. Par exemple quand on déplace les bras d’un malade, l’autre bras exécute un mouvement qui est toujours le même ; dans un autre cas, quand on déplace le bras il revient toujours à sa position primitive par la même série de mouvements pseudo-spontanés. Ces mouvements anormaux peuvent être rythmiques mais ce n’est pas la règle,

c) Les stéréotypies. Elles sont caractérisées par une tendance générale à la persistance. Kleist ne précise pas si cette tendance à la persistance (Beharrungsstrebung) consiste à exécuter de temps en temps un même mouvement de façon uniforme ou à répéter itérativement une exécution motrice. Les stéréotypies sont des mouvements d’aspect habituellement intentionnel. Elles n’apparaissent pas spontanément mais sont consécutives à une excitation externe ou interne (ce caractère les distingue des résidus par déficit frontal). Elles sont variables avec le temps. Comme exemple de stéréotypies chez les malades non catatoniques Kleist cite la répétition uniforme de la même histoire chez une femme atteinte de maladie de Pick. Un autre exemple concerne une malade qui répétait pendant quelque temps une action exécutée avec un objet. Quand elle venait d’écrire avec un crayon elle continuait d’écrire avec une trompette ou avec du pain. Ce cas n’entre-t-il pas plutôt dans la persévération ? Dans le même groupe sont rangés certains états mentaux et certaines attitudes anormalement prolongées avec blocage de la conscience comme on observe dans les crises oculogyres de l’encéphalite. Comme on le voit les stéréotypies de Kleist sont assez disparates et ne coïncident pas exactement avec celles décrites dans la démence précoce,

d) Les itérations. Elles doivent être distinguées de certaines manifestations rythmiques d’excitation motrice inférieure, par exemple croyons-nous, le grincement des dents des paralytiques, les mouvements automatiques de mastication. Les itérations résultent d’une tendance générale à l’itération, elles peuvent se présenter dans divers segments du corps et dans plusieures formes de l’activité motrice. Mais ce caractère nécessite beaucoup de restrictions. Le malade n’est d’ordinaire pas étonné par ses itérations. L’association avec les échopraxies est fréquente. [p. 236]

e) La persévération. C’est la persistance d’une tendance motrice qui s’exprime à nouveau à la suite d’une sollicitation et qui est inadéquate à cette dernière. C’est « l’intoxication par le mot » ou par le geste de certains neurologistes. La persévération est fréquente dans les atteintes pariéto-occipitales, elle est souvent associée à l’aphaso-agnoso-apraxie.

Ce diagnostic des diverses variétés de répétition motrice montre bien la nécessité d’une analyse clinique précise avant d’affirmer que le symptôme est bien une stéréotypie. Nous y reviendrons avec quelques modifications et additions.

II — DIVISION DU SUJET

Avant d’entrer dans le détail de notre sujet une division générale s’impose qui nous permettra de répartir en deux grands groupes l’ensemble des symptômes que les auteurs à tort ou à raison appellent stéréotypies. Quand on parle de stéréotypie en général on exprime ou on sous-entend qu’il s’agit de répétition uniforme de certains mouvements. Mais le terme répétition uniforme, comprend deux choses différentes :

1° Il peut signifier qu’un mouvement, chaque fois qu’il est réalisé, est exécuté d’une manière uniforme, invariable qui attire l’attention de l’observateur. L’acte moteur apparaissant sans raison connue ou toujours dans les mêmes conditions est exécuté une seule fois. Quelque temps après, au bout de quelques heures ou le lendemain, quand les conditions favorables connues ou inconnues qui déterminent son apparition se réalisent, il est exécuté de nouveau d’une manière identique à ses réalisations antérieures.

Citons quelques exemples pris dans la thèse de X. Abely : H.. est toujours la première à table ; avant de s’asseoir elle boit son vin, mange son dessert, elle absorbe son morceau de viande d’une seule bouchée et quitte la table aussitôt. Lorsque X… va se coucher, il fait pendant 5 minutes une marche alternativement en avant et à reculons près de son lit, puis se met au lit à reculons. A chaque repas ou à chaque coucher le même cérémonial est reproduit.

2° Dans la deuxième catégorie de répétitions uniformes l’acte est répété immédiatement et à de nombreuses reprises, quelquefois pendant des heures ou des journées. Un malade par exemple ouvre largement la bouche puis la referme brusquement ; [p. 237] trois ou quatre secondes après il répète le même mouvement et ainsi de suite pendant un quart d’heure et plus comme une silhouette mécanique de tir forain. Une autre se frictionne les genoux sur un rythme d’une vélocité progressive. Un autre fléchit pendant des heures l’avant-bras, etc

III. — FIXATION INVARIABLE

Nous entendons par fixation invariable une série de modifications

pathologiques d’un acte moteur, verbal ou idéique tel que cet acte chaque fois qu’il est exécuté est réalisé de la même manière sans aucune des variations que les diverses circonstances imposent aux actes de l’individu normal. Cette fixation involue jusqu’à une mécanisation, une automatisation de l’acte.

Pour bien comprendre la fixation invariable il est nécessaire d’étudier rapidement comment se créent chez les normaux les habitudes et les dressages moteurs. Quand nous apprenons à exécuter un acte nouveau ou une série d’actes, par exemple à jouer au billard ou au tennis ou à monter à bicyclette, nous cherchons à acquérir une liaison rapide et facile entre les éléments successifs de l’acte, nous éliminons les contractions musculaires parasites, nous dosons notre effort et nous obtenons enfin une exécution souple, gracieuse et exactement proportionnée au but à atteindre. Les athlètes et les acrobates réalisent les exercices les plus difficiles sans effort apparent et comme en se jouant. Un bon dressage a toujours pour fin que l’effort est exactement en rapport avec le résultat particulier à obtenir ; le bon joueur de billard ne donne ni trop, ni trop peu de force à sa bille, l’automobiliste prend exactement tous les virages, appuie sur l’accélérateur juste quand et comme il faut. De plus, dès qu’un dressage est acquis, le perfectionnement n’entrave pas la création de nouveaux dressages ; au contraire, les acquisitions motrices deviennent à mesure plus faciles et s’entraident loin de se gêner. Nos multiples dressages moteurs sont latents et n’interviennent que quand on a besoin d’eux. Donc, souplesse, adaptation aux circonstances, latence, entr’aide mutuelle des complexes moteurs acquis, sont les caractéristiques de l’éducation motrice normale. Ce que nous disons du mouvement s’applique également aux opérations psychiques : langues étrangères à apprendre, facilité d’élocution, recherche mentale. [p. 238]

Après cette rapide analyse de l’état normal nous pouvons

Mieux : mettre en évidence les éléments essentiels de la fixation invariable.

Ce symptôme s’observe particulièrement dans les délires chroniques et dans l’hébéphrénie. Ceux qui fusionnent ces deux entités sous le nom de schizophrénie peuvent soutenir que la fixation est une des caractéristiques les plus importantes de la maladie. Sans vouloir revenir ici sur ces distinctions nosographiques, peut-être de peu d’importance au fond, soulignons que dans ce que nous appelons délires chroniques les phénomènes de fixation sont cantonnés à l’ensemble délirant alors que les actes de la vie habituelle peuvent s’accomplir comme chez le normal.

De nouveaux dressages moteurs et mentaux peuvent être acquis, la profession des malades peut continuer d’être exercée avec

adresse et initiative. Dans l’hébéphrénie au contraire l’atteinte est globale et frappe tout le comportement du malade qui reste incapable d’initiative et d’éducations nouvelles. Le début des phénomènes de fixation est assez précoce dans l’hébéphrénie et les délires à structure alogique que certains auteurs appellent psychoses paranoïdes. Très tôt, parfois d’emblée, on est frappé par le retour insolite de certains complexes moteurs liés au délire, par la fréquence de formules invariables, par l’importance de certains mots essentiels dont le sens ne fera que s’étendre au cours du développement du délire (7). Nous nous séparons ici nettement des conceptions de Dromard et Bostroem et nous croyons que très précocement on peut constater l’apparition de syndromes fixés qui s’accentueront progressivement. Au moment où Dromard publiait ses recherches, les auteurs ne pouvant souscrire à l’explication des stéréotypies par la démence, lui ont opposé une série d’’observations caractéristiques dans lesquelles la tendance à la fixation invariable apparaît en pleine période de lucidité et d’intégrité intellectuelle. Cette conservation de l’intelligence conduit même le malade à donner des justifications — purement superficielles d’ailleurs — de la tendance à se comporter toujours de façon identique. L’observation la plus caractéristique à notre avis est celle d’Antheaume et Mignot (8). [p. 239]

Il s’agit d’un malade chez lequel apparaissent en 1894 des idées de persécution avec état mélancolique, puis en 1895 des idées de grandeur. « Dès l’année 1898 ce malade remet régulièrement à la visite deux fois par semaine trois lettres adressées l’une à son père, les deux autres à chacun de ses frères. Depuis 1898 ces lettres sont invariablement conçues dans les mêmes termes ; il y a actuellement plus de 1.600 exemplaires ; nous en avons plus de deux cents entre les mains ». Nous rapportons simplement le début de la lettre très longue

Pour en montrer le style caractéristique sur lequel nous reviendrons (9) :

« Mon cher père, mes chers frères,

« Je vais mon père vous dire encore, et c’est le cinq-cent-soixantième tour que j’envoie dans un nouveau compte rendu que dans les lettres que votre enfant vous a écrites depuis trois et plus (nous sommes à plus de quatre) et vous écris encore, je n’ai écrit et n’écris qu’à vous, à vous-même, à mon père même, qu’à mon père lui-même, et je précise encore par ces paroles : qu’à vous-même mon père et je dis : ce n’est bien rien qu’à vous, etc, (pendant plus de quatre pages). »

Dès qu’on examine ces lettres, disent les auteurs, on est frappé de la similitude d’aspect qu’elles présentent ; elles sont toutes identiques, non seulement quant au fond mais quant à la forme ; des lettres écrites à plusieurs mois d’intervalle sont en fait superposables. On dirait vraiment qu’elles sont tirées avec une planche stéréotype ; les mêmes phrases, les mêmes mots, les mêmes signes sont invariablement toujours au même endroit, à la même place ; les pages commencent et finissent chaque fois sur les mêmes termes ; elles contiennent toutes le même nombre de lignes et il y a quatre pages d’une écriture serrée.

C’est le plus bel exemple de fixation invariable que nous ayons rencontré. Insistons sur les caractères suivants : solidarisation obligatoire entre les éléments successifs, invariabilité, inadaptation aux nécessités de l’actualité, défaut de perfectionnement et de développement. Pour utiliser l’exemple précédent constatons qu’un homme normal qui voudrait obtenir sa sortie varierait les formules, trouverait de nouveaux arguments, s’adresserait à d’autres personnes, etc. On ne peut admettre qu’il s’agisse d’une simple erreur de jugement ou d’une conduite délirante et supposer que le malade ayant rencontré d’emblée la formule [p. 240] parfaite trouve inutile de la changer. Peut-être le croyait-il peut-être même le disait-il, mais il se trompait ne se rendant pas compte qu’un phénomène pathologique, la tendance à la fixation, était intervenue dans son activité mentale. Pour les complexes moteurs ‘fi:~ésil !enest de même. Parfois ils paraissent dépourvus de sens quand on examine un malade ancien, mais si l’on connaît l’évolution de la maladie dès le commencement, on se rend compte qu’il s’agit d’actes en rapport avec le délire. Ce caractère de déréalité, pour parler comme Bleuler, n’est pas suffisant. L’absence de variation est un élément primitif et ne résulte pas simplement du fait que le mouvement appartient à la pensée autistique. La preuve c’est que, spécialement dans l’hébéphrénique, les phénomènes de fixation invariable s’observent dans là conduite courante : la manière immuable de se tenir, de travailler, promenades exactement sur la même trame, etc. Le défaut de variation n’est pas davantage la simple conséquence d’un déficit démentiel global (atteinte du jugement, défaut d’intérêt, ou d’activité); les particularités de l’observation ci-dessus le montrent suffisamment, les démences ordinaires (P. G., sénilité) présentent parfois des répétitions d’idées sous forme de rabâchage, mais sans caractère de fixité et d’invariabilité.

A mesure que durent les phénomènes de fixation de nouveaux caractères cliniques peuvent être mis en évidence. Ce sont : la tendance à la simplification des formules verbales et des gestes, la mécanisation de ces derniers, le déclenchement de plus en plus facile des complexes fixés, le défaut d’acquisition d’habitudes nouvelles et le délaissement des anciennes, la réduction progressive de la spontanéité et de l’adaptabilité générales. A ce moment le délire c ‘est vraiment stéréotypé dans le sens de Falret. La tendance aux formules elliptiques est frappante. Nous nous permettons de rappeler quelques-uns de nos malades (10).

OBS. I — B…, interné à 27 ans avec idées de grandeur et de persécution, interprétations et hallucinations, loquacité d’apparence incohérente, est resté dans le même état pendant 25 ans sans’ affaiblissement du fonds intellectuel ni de l’activité praxique. Il répétait sans cesse « c’est simultané d’opération, sein chimique, hémorroïde, [p. 241] hypondiarque et tauromachie ». Après plusieurs semaines d’examen, lecture des écrits antérieurs et confirmation de nos hypothèses par le malade, nous avons fini par comprendre cette formule, expression condensée de tout un système de persécution sexuelle. Il faut d’abord noter que le malade déformait beaucoup de mots et que simultané veut dire opération simulée, inutile, en définitive opération injustifiée. Pendant la nuit on lui faisait subir des opérations de ce genre consistant en actes sexuels contre nature ; le sein est pour lui l’expression de la sexualité (nous verrons plus loin qu’il demande une femme corsetière), l’adjectif chimique exprime quelque chose de faux, de pas naturel comme on a pu dire le pain chimique, le vin chimique. Hémorroïde est un terme suffisamment explicite pour localiser les persécutions

Sexuelles ; hypondiarque, déformation d’hypocondriaque, est quelque chose de physiquement pénible ; quant à la tauromachie, elle représente une violence cruelle. Le même malade réclamait sans cesse : « tiers et rentes », « corsetière ou célibataire », c’est-à-dire la part d’héritage qui lui revenait de ses parents, une femme à opulente poitrine ou au moins la liberté sans femme.

La fixation invariable sous forme de condensation progressive peut même s’appliquer à une expression fondue en un seul mot néologique. Nous avons déjà cité l’exemple suivant : « Je suis le Maître des Biens Nationaux » qui progressivement devient : «   Je suis le Maîtracinau ».

Outre ces formules condensées la fixation provoque aussi dans l’expression du délire l’apparition d’ensembles verbaux qui constituent une masse complexe avec digressions obligatoires, répétitions, cheminements tortueux indispensables où la clarté se perd mais où a tendance affective, source de l’idéation délirante, persiste. Nous avons souligné à plusieurs reprises combien le terme « schizophrénie »  ou « dissociation »,  habituellement utilisé pour désigner cet état d’involution intellectuelle, s’y applique inexactement puisqu’il s’agit d’une agglutination invincible d’idées et de mots. Dans ces masses verbales complexes figurent souvent des répétitions fragmentaires d’idées ou de

mots, comme on en trouve dans la lettre citée plus haut du malade d’Antheaume et Mignot, des énumérations litaniques et même des itérations palilaliques. ce langage ressemble beaucoup au langage hallucinatoire écrit par les malades au moment même de l’hallucination, particularité assez rare. Nous trouvons un

bel exemple de ces masses verbales avec répétitions et petites [p. 242] itérations dans une observation de Petit et Baudard (11). Nous n’ouvrirons pas une discussion pour savoir si dans le cas particulier il y a vraiment comme cause une infection neurotrope, sa réalité même ne contredirait pas le diagnostic clinique de schizophrénie. Voici un exemple de ces phrases uniformément fixées :

« Et je pars en paix avec Mme H. qui vient me voir et me chercher ce soir, et avec Mme H. qui vient me voir et me chercher et avec neveux et nièces à moi qui vient me voir et me chercher et m’emmène chez moi en paix, et je pars en paix et je pars en paix, 40, rue Pergolèse (XVIe)… »

Les phénomènes de fixation d’ordre moteur se prêtent moins facilement que les formules verbales à une étude analytique. Ils doivent être étudiés par le cinématographe. Ils sont souvent expliqués par des idées délirantes. On retrouve dans les mouvements atteints de fixation la solidarisation des éléments   uccessifs, le défaut de souplesse, la tendance à la déformation, à la simplification et ajoutons à la mécanisation. Ces gestes peuvent être non seulement inintelligibles quand on ne connaît pas l’explication par le délire (gestes symboliques, incantations, moyens de défense) mais ils diffèrent des actes normaux par leur brusquerie, leur raideur, leur défaut de grâce. Dans

les formes anciennes, ils deviennent parfois véritablement spasmodiques et  sont exécutés avec une grande vigueur et éventuellement associés à des troubles du rythme respiratoire et à de la congestion de la face. Ces variétés ressemblent absolument à certains tics. Klaesi rapporte dans sa monographie quelques exemples de ces complexes moteurs et en donne la genèse. Un malade par exemple se tenait sur un pied, tendant l’autre jambe jusqu’à l’horizontale et pivotait ensuite sur lui-même jusqu’à décrire presque un cercle complet. C’était un système de défense contre les femmes, il voulait les chasser avec sa jambe tendue et par mépris leur montrer son dos ; comme il  pouvait y en avoir partout, il  tournait aussi vite que possible son dos dans toutes les directions.

A mesure que la maladie évolue, surtout dans les paraphrénies, le déclenchement des complexes verbaux et moteurs fixés [p. 243] devient de plus en plus facile. Les malades dont l’activité est restreinte ressassent toujours les mêmes idées délirantes ; ceux qui ont conservé de la spontanéité ramènent tout aux quelques thèmes fixés qui représentent leur délire ; l’analogie verbale joue un grand rôle dans cette attraction. Une de nos malades a synthétisé son roman deréel autrefois très riche en quelques thèmes fixés : le tombeau de son mari, celui de son fils, le drapeau et un sabre qui fut attribué à ses parents dans une succession. Ces leitmotive d’ordre militaire attirent invariablement dans leur orbite tout événement nouveau, particulièrement les nouvelles des journaux. Les événements politiques, les visites à l’Arc de Triomphe, les rixes, les guerres, les paix sont rattachés de gré ou de force au tombeau de famille, au drapeau ou au sabre. La vie réelle dans toute sa variabilité et son imprévu est cristallisée dans l’un ou l’autre des thèmes invariablement fixés.

Dans ces « stéréotypies » délirantes il est nettement visible, contrairement aux opinions de Dromard et de Bostroem, que les formules verbales fixées ne sont nullement émancipées de l’état affectif qui leur a donné naissance, au contraire elles ne font qu’un avec lui. Quand il y a involution, c’est-à-dire atténuation l’intérêt vital, des complexes délirants (période de retraite de certains délirants chroniques), la formule verbale devient moins vigoureusement persistante et finit par s’éteindre. La même observation s’applique aux complexes moteurs, expression du délire. Leur simplification ne prouve pas que l’état affectif originel a disparu, mais quand il s’amoindrit les actes qui l’expriment deviennent plus rares et finissent par disparaître avec lui.

Dans l’hébéphrénie, la fixation s’étend plus ou moins à tous les actes de la vie courante. Chez les malades de cet ordre on observe des promenades toujours dans le même cercle qui finissent par tracer un chemin dans les cours et dans les préaux, des positions particulières à table, la mécanisation d’actes tels que le salut ou la poignée de main. Travailleurs, ces mêmes malades se comportent comme de véritables robots sans introduire, jamais de modification ou d’initiative dans leurs fonctions ; ayant contracté par exemple l’habitude de balayer une pièce à heure fixe, ils réaliseront leur travail même si le médecin y est assis en train d’écrire, ils arroseront soigneusement le jardin sous une pluie battante. Enfin ces gestes automatisés subissent [p. 244] la même involution que les actes moteurs fixés d’origine délirante ; ils se libèrent de toutes les contingences et deviennent de moins en moins effectifs.

Les phénomènes de fixation ne sont pas le monopole du groupe des schizophrénies. On en observe dans d’autres maladie, avec des caractères souvent moins nets il est vrai. Dans certaines formes de maladie de Pick nous avons insisté sur la réduction du stock des idées à quelques thèmes, deux, trois ou quatre, qui sont répétés dans les mêmes termes. Ce symptôme mérite bien d’être appelé fixation invariable. Il diffère cependant par quelques points de ce qu’on observe dans la schizophrénie. D’abord en dehors de ces résidus, le reste des souvenirs et des préoccupations est radicalement oublié dans la maladie de

Pick dès qu’elle est un peu avancée, dans la schizophrénie au contraire pendant longtemps il y a « non-utilisation », « entrave »,  mais non pas perte absolue. De plus dans là maladie de Pick on n’observe pas de tendance à la simplification, aux formules elliptiques, aux néologismes condensant une formule. Nous n’y avons jamais rencontré aucun mouvement atteint de fixation invariable.

Dans certaines maladies grossièrement organiques, on observe quoique rarement des phénomènes typiques de fixation même avec involution jusqu’à la formule elliptique et agrammatique. En voici un bel exemple rapporté par Crouzon, Christophe et Fabre (12). II s’agit d’une malade de 44 ans, spécifique, qui depuis 18 ans est atteinte à  la suite d’un ictus d’hémiplégie droite avec aphasie de Wernicke.

« Ce qui frappe avant tout c’est que la malade parle et parle même abondamment, tantôt par monologues, tantôt par essais de conversation suivie. Les monologues ont plusieurs caractères : ils sont en premier lieu invariables, absolument fixes dans leur contenu d’un jour à l’autre. Pour mettre en évidence ce caractère d’invariabilité l’un d’eux a été enregistré sur un disque phonographique et l’on peut se rendre compte que le débit propre du disque et celui de la malade sont rigoureusement superposables. Ils sont composés de mots placés les uns à la suite des autres qui sont pour la plupart des substantifs. Aucune phrase n’est correctement construite. Ce sont des séries de mots débités en style « petit nègre » mais dans ces litanies de mots, [p. 245] privés de toute construction grammaticale, il est possible d’extraire une signification ; elles évoquent en effet dans un ordre chronologique exact, certains faits de la vie de la malade comme son mariage, « vingt ans, les bouquets de fleurs, quatre landaus », ou l’histoire de sa maladie : « deux semaines criblée de petits boutons et la tête horible, le médecin, le sirop Gibert et des piqûres, etc… »

Signalons surtout des phénomènes proches de la fixation invariable dans certaines névroses dues à des chocs émotifs intenses. Ils présentent quelques caractéristiques importantes : 1° leur origine doit être sans discussion possible attribuée au choc émotif, un seul choc suffisant pour les provoquer ; 2° leur ténacité est grande et persiste pendant des mois et quelquefois pendant des années ; 3° la psychothérapie plus ou moins brusquée exerce sur ces phénomènes une action favorable ; 4° ils sont déclenchés facilement par l’émotion initiale ou une émotion analogue. Les observations de ce genre étaient fréquentes pendant la guerre. L’attitude et les mouvements fixés consistent surtout en des complexes réflexes et spécialement en réflexes de défense d’origine phylogénétique très ancienne : réaction pilo ou vaso-motrices, fuite, tremblement, cris, tempête motrice ou réflexe de simulation de la mort tels que Krestchmer les a décrits dans l’hystérie. Kroll (13) insiste particulièrement sur ce point et rappelle l’exemple d’un soldat qui regardant un avion ennemi en reçut une bombe ; longtemps après il présentait des mouvements forcés de la tête et des yeux qui l’obligeaient à regarder en l’air. Le même auteur parle encore d’astasies-abasies, de vertiges fixés consécutivement à l’émotion d’un tremblement de terre en Crimée. Nous pourrions tous citer de nombreux exemples analogues. Nous voilà ramenés à la question de l’hystérie. Depuis 1907 Claude soutient que l’hystérie est caractérisée par « la capacité que possède le sujet d’isoler et de fixer de façon durable certaines manifestations de l’activité motrice, sensitivo-sensorielle ou psychique en dehors de toute intervention apparente de la volonté et de la conscience. L’essentiel du trouble hystérique réside dans une fragilité particulière de toutes les fonctions d’intégration telle que sous l’effet d’émotions, pour un sujet sain, subliminales, se réalisent chez lui des dissociations neuronales qu’il est incapable ultérieurement [p. 246] de dominer, abandonné à ses seules énergies ». La perte fonctionnelle de certaines liaisons interneuronales n’est que le négatif des frayages pathologiques qui constituent les phénomènes de fixation invariable. D’ailleurs on rencontre également dans l’hystérie de ces frayages exagérés (contractures, etc.). La différence fondamentale, rappelons-le, entre la schizophrénie et les états émotifs et hystériques est que dans ces derniers les phénomènes de fixation sont brusques et d’origine émotive ou instinctivo-affective ; dans la schizophrénie ils s’établissent progressivement soit dans le domaine du délire, soit en fixant fortuitement certains éléments de l’activité générale. De plus au frayage excessif et à la fixation de certains complexes moteurs ou idéiques s’adjoint une défaillance générale des virtualités de frayage normal et par conséquent un déficit de l’activité et de l’initiative. Ce n’est pas dire qu’on n’observe pas de phénomènes hystériformes dans la schizophrénie, spécialement au début.

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Les recherches physiologiques de Pavlov et de son Ecole nous ont apporté de précieux renseignements sur la physiologie des liaisons interneuronales, leur création possible, leur pathologie. Les réflexes conditionnés diffèrent des phénomènes de fixation par leur labilité ; ils représentent en somme l’aspect normal du frayage. Mais chez certains animaux on peut observer des réflexes conditionnés pourvus d’une ténacité pathologique. Tantôt, comme le signale Pavlov chez des chiens anormaux la réaction motrice d’un réflexe conditionné persiste longtemps après qu’on a cessé de l’entretenir ou même survient à l’occasion d’autres excitants, tantôt l’inversion des réflexes (transformation d’un excitant en inhibiteur et inversement) est impossible et le chien en expérience continue de répondre positivement à une excitation alors qu’un chien normal répond négativement. Cette persistance anormale des réflexes que Pavlov appelle inertie pathologique est pour lui à la base de symptômes tels que la stéréotypie, l’itération, la persévération et même, ce qui paraît un peu audacieux, la névrose obsessionnelle et la paranoïa. Sans suivre Pavlov jusque-là, nous sommes de son avis pour les phénomènes de fixation invariable. Il est assez [p. 247] délicat de transposer ces données physiologiques sur le plan histologique. Enccore quand il s’agit d’analyseurs bien précis comme celui du nombre de vibrations, d’un métronome et d’une réponse très simple comme une sécrétion, on peut penser à une modification matérielle ou dynamique (terme tentant mais sans précision) d’un nombre très limité de neurones, mais quand il s’agit d’ensembles aussi complexes qu’une longue formule délirante ou toute une série de mouvements, il est difficile d’admettre une modification persistante dans tous les neurones correspondants qui servent non seulement à  réaliser les complexes moteurs fixés, mais encore un grand nombre d’autres. On en arrive à cette conception que l’ensemble idéique ou moteur atteint de fixation, dès qu’il ‘est déclenché, doit se dérouler obligatoirement et totalement, que ses divers éléments successifs doivent toujours emprunter des voies particulières et invariables, déterminées d’avance. Dans cette manière de voir ce ne sont pas les chemins qui sont meilleurs, les passages d’un neurone à l’autre qui sont plus faciles, c’est l’ensemble des véhicules (si l’on nous permet cette image) qui d’emblée est lancé dans diverses directions obligatoires. Quel que soit notre désir d’inscrire les phénomènes mentaux dans les centres nerveux nous devons avouer le défaut de concordance entre la conception histologique du frayage et la comparaison qui nous a servi à exprimer l’aspect clinique de la fixation invariable. Mais à notre avis cette discordance s’atténue beaucoup sur le terrain de la physiologie normale et pathologique. II ne faut pas voir dans cette notion de frayage une modification des synapses permettant à un courant de passer plus facilement comme entre les divers éléments d’une canalisation électrique. L’activité du système nerveux est caractérisée par l’apparition et le cheminement dans les divers neurones entrant en action de quelque chose qui se déplace comme des ondes et est pourvu de certaines qualités de rythme dont la chronaxie peut nous donner des correspondances numériques ; tout s’enchaîne par accord, par syntonie ; telle intervention, telle inhibition provenant d’autres régions ne se produit plus s’il y a trop de discordance entre les chronaxies des éléments en jeu. L’état normal est caractérisé par une souplesse admirable, par des virtualités presque infinies de fonctionnement synergique et d’influences réciproques entre les différents centres. Dans les phénomènes de fixation [p. 248] invariable et en général dans l’affaiblissement schizophrénique on peut penser que d’une part certains ensembles psychopathologiques ont acquis une solidarisation excessive et un déroulement obligatoire jusqu’à la fin et que d’autre part ils sont devenus imperméables à des possibilités d’inhibition, de modification, d’adaptation provenant de l’activité cérébrale générale. A côté de ces ensembles privilégiés et émancipés, l’activité générale des centres nerveux est d’abord entravée et devient progressivement défaillante dans les cas graves. Bien entendu nous n’avons pas la prétention d’apporter ici la moindre démonstration de cette conception physiopathologique ; nous voulons simplement, sans y insister, montrer comment on peut se représenter le fonctionnement du cerveau des schizophrènes en accord avec les tendances actuelles. Soulignons que les démences ordinaires (paralysie générale, sénilité) comportent des éléments de déficit par destruction de neurones alors que dans la schizophrénie il n’y a que fonctionnement pathologique, au moins pendant longtemps.

Nous pouvons maintenant montrer l’importance explicative du phénomène de la fixation invariable dans la clinique de la schizophrénie. Le terme de schizophrénie a fait fortune parce qu’il ne comprend ni la notion de démence ni celle de jeunesse dans la dénomination de la maladie, facilité qui lui permet de tout absorber sans contradiction dans les termes. Mais quand on veut préciser les caractéristiques de l’entité de Bleuler une foule de difficultés surgissent. Originellement le terme a voulu exprimer le trouble de l’association des idées considéré comme symptôme capital. Cette dislocation des associations d’idées, telle qu’une idée donnée est associée aux précédentes et aux suivantes non par le caractère logique et utile mais au hasard des multiples aspects sous lesquels une idée peut se présenter, joue un rôle à peu près nul dans les délires, accessoire dans l’hébéphréno-catatonie et secondaire même dans certaines formes d’incohérence verbale quoiqu’il y soit très apparent. Souvent ce qu’on appelle incohérence chez les schizophrènes n’est pas une suite de mots groupés au hasard et variant d’un moment à l’autre. Les mêmes formules reviennent toujours, l’agrammatisme habituel résulte d’une sorte d’élision des éléments de la syntaxe, les liaisons des fragments d’idées par fixation invariable n’ayant plus besoin du ciment grammatical. [p. 249]

Quelques auteurs, en particulier Rogues de Fursac, ont rectifié le sens de schizophrénie et insisté sur le défaut de cohésion entre les éléments affectifs, intellectuels et actifs de la pensée. Cette conception ne nous satisfait pas beaucoup plus. Dans les délires la pensée se présente sous forme d’ensemble dans lesquels les trois éléments sont au contraire solidement unis. Sous l’influence de Minkowski et de Krestchmer l’opinion de Bleuler a évolué et l’autisme est devenu l’essentiel de la schizophrénie. Nous avons déjà critiqué cette notion avec H.  Ey (14) et dans l’analyse de l’ouvrage de Minkowski. Rappelons seulement qu’à notre sens l’autisme n’existe que dans les délires, ce terme exprime seulement la valeur individuelle de la pensée du malade et n’explique aucun des caractères de l’affaiblissement intel1eclectuel ; dans l’hébéphréno-catatonie il  y a pauvreté et non autisme, le malade étant aussi indifférent à lui-même qu’au monde extérieur. Si nous faisons appel au contraire aux symptômes de fixation invariable et à leurs corollaires, nous comprendrons

Mieux l’essentiel de l’affaiblissement intellectuel de la schizophrénie. D’un côté nous trouvons la permanence, la répétition, la fixation des idées, des gestes, des attitudes, le défaut d’adaptation à l’actualité, l’improductivité de péripéties nouvelles ; d’autre part nous constatons la baisse progressive de toutes les virtualités d’activité mentale, les frayages possibles longtemps inutilisés devenant difficiles et impraticables. Ainsi s’explique le rétrécissement progressif de la pensée et de l’action de ces malades, l’étrécissement progressif non comparable à la démence des paralytiques ou des séniles parce que, au moins pendant longtemps, sous l’influence de conditions encore mal déterminées (maladies fébriles, état physique grave, mort imminente) un réveil de l’activité mentale entravée peut se produire. Cette conception est séduisante car elle déplace le problème psychologique vers le plan sinon histologique du moins physiopathologique.

Ces considérations montrent la valeur profonde et véritablement générale de la notion de stéréotypie (fixation invariable) ; elles cadrent parfaitement avec l’évolution générale des idées en psychiatrie tant anciennes que contemporaines. Si le terme [p. 250] stéréotypie est conservé, il  devrait être réservé aux phénomènes de fixation invariable.

Ce que nous venons de dire  sur l’affaiblissement intellectuel des schizophrènes n’est pas en contradiction avec les idées que nous avons soutenues avec Dide à plusieurs reprises. Nous continuons de penser que l’élément essentiel de l’hébéphrénie est une atteinte des fonctions instinctivo-affectives, un défaut

d’ardeur dans la vie psychique (athymhormie) le déficit intellectuel n’étant que s secondaire.

 

 

Dans la dichotomie des stéréotypies nous avons distingué les actes exécutés d’une manière uniforme chaque lorsqu’ils sont réalisés et les actes répétés immédiatement un certain nombre de fois. La fixation invariable comprend l’essentiel du premier groupe mais ne le constitue pas ‘tout entier. Certains mouvements exécutés toujours de la même façon et qui par ce fait attirent l’attention de l’observateur ne sont pas stéréotypés par le mécanisme de la fixation et doivent en être distingués. Dans les formes catatoniques on est frappé par l’aspect étrange de certains actes qui sont toujours répétés de façon identique. Ce symptôme est appelé par quelques auteurs maniérisme et quand il est persistant : maniérisme stéréotypé. L’élément perturbateur qui donne son cachet à ce symptôme consiste en l’apparition de phénomènes moteurs parasites par troubles du tonus d’accompagnement, barrages au cours de l’exécution, etc. Cliniquement, surtout au début de l’hébéphréno-catatonie, on observe souvent dans la démarche, l’acte de tendre la main, de marcher, de s’asseoir, des interruptions, des répétitions de fragments d’actes, des contractions anormales, des antagonistes qui donnent au complexe moteur un caractère particulier d’étrangeté. De même les expressions mimiques déformées, exagérées ou parasites sont fréquentes : sourires, rires explosifs ou ironiques, grimaces inexpressives apparaissent à intervalles réguliers ou irréguliers, sans solidarité avec les paroles ou la situation du malade. Ces symptômes persistent pendant assez longtemps sans grand changement et on les appelle d’ordinaire stéréotypies. Le parasitisme mimique est un symptôme primitif d’ordre [p. 251] neurologique provoqué vraisemblablement par une atteinte des noyaux caudés, Après les recherches cliniques de Rogues de Fursac, Bourguignon et d’Heucqueville (15) ont montré par l’examen électrique que, dans ces anomalies mimiques expressives ou inexpressives souvent sans relation avec des états affectifs, on observe des troubles notables de la chronaxie de certains faisceaux des muscles de la face, présomption importante en faveur d’une atteinte directe des centres nerveux (par lésion ou trouble physico-chimique). Ce dernier groupe de symptômes que nous distinguons de la fixation invariable avait déjà attiré l’attention de Dromard qui les distinguait également des stéréotypies véritables sous le nom de pseudo-stéréotypies catatoniques et qui insistait sur leur « précocité et leur regressivité. »

Enfin comme quelques auteurs, spécialement X. Abély, ont tendance à considérer toutes les habitudes uniformes comme des stéréotypies, il  convient de montrer en quelques mots en quoi elles se distinguent des phénomènes de fixation. Il s’agit d’habitudes résultant d’un désintérêt relatif, d’un défaut de rénovation mentale ; c’est la conduite des retraités, des gens qui vont chaque jour à la même heure faire leur partie de cartes à la même table du même café, etc. Mais dans ces cas on ne trouve ni l’inadaptation aux nécessités des circonstances, ni la tendance à la simplification et à la mécanisation. Les habitués du petit café changent de table quand un carreau cassé laisse pénétrer la pluie ou un courant d’air jusqu’à ‘eux, un schizophrène stéréotypé se laisse tremper par l’orage dans son coin de la cour si on ne l’oblige pas à rentrer. Bien entendu on peut trouver entre les deux groupes des formes de transition. Les habitudes tenaces par défaut de rénovation mentale s’observent particulièrement chez les débiles, les maniaques chroniques, les déments légers.

 

Traditionnellement on décrit, à côté des stéréotypies motrices, des stéréotypies d’attitude ou akinétiques. Nous n’en parlerons que brièvement ; leur description et leur discussion reproduirait [p. 252] les arguments que nous venons de développer dans ce chapitre de la « fixation invariable ».

Dans le groupe des stéréotypies dites akinétiques nous retrouvons des attitudes en liaison avec les complexes délirants et qui sont anormalement prolongées ou réalisées avec une fréquence insolite: station à  genoux pendant des journées, positions particulières des bras ou des jambes, etc. Au début on pourrait se demander si l’attitude est pathologique par elle-même, elle peut être la traduction normale d’un état délirant ; mais bientôt apparaissent la mécanisation, le défaut d’adaptation aux circonstances extérieures, etc., caractéristiques de la fixation invariable. De même peuvent être atteintes de fixation certaines attitudes sans rapport avec des idées délirantes et qui font partie du comportement général des hébéphréniques : malades s’asseyant toujours dans le même coin, de la même façon.

A côté de ces phénomènes de fixation on peut observer des attitudes prolongées par des mécanismes différents. Ce sont des comportements qu’on pourrait appeler réflexes ou instinctifs en ce sens qu’ils sont réalisés et maintenus sans que le malade participe à leur exécution avec une conscience active. Chez le normal nous retrouvons ces réflexes complexes dans les expressions émotives ou instinctives qui sont toujours involontaires… sauf au théâtre. Chez les hébéphréno-catatoniques les attitudes instinctives prolongées de façon pathologique peuvent être en désaccord avec l’activité intellectuelle des malades. Tel hébéphréno-catatonique, capable de participer à des conversations et à des discussions raisonnables, restera pendant des journées et des semaines debout jour et nuit contre la porte de sa chambre, essayant violemment de sortir dès que cette porte s’ouvre même si dix infirmiers sont présents pour l’en empêcher. Cette attitude est l’expression instinctive d’un désir de fuite, comparable à celle d’un animal récemment mis en cage. D’ordinaire elle disparaît en quelques semaines avec l’état instinctif correspondant, c’est pourquoi nous ne la considérons pas comme un phénomène de fixation. Mais il est possible que dans certains cas elle se prolonge davantage et persiste sous forme de symptôme fixé. Dans un autre groupe d’attitudes dites « stéréotypées » nous trouvons des complexes moteurs dont les éléments constituent un tout solidaire mais dont la finalité nous échappe. S’agit-il encore de réactions instinctives tellement [p. 253] archaïques qu’elles ont perdu pour nous toute signification, s’agit-il d’un groupement fortuit de certains éléments moteurs dont la synergie résulterait seulement du voisinage anatomique des divers centres activés en même temps par un excitant anormal inconnu ? Telles sont par exemple : la flexion de la tête (oreiller psychique), la station sur un pied, la contraction des lèvres transformant la bouche en groin, certaines grimaces complexes prolongées mais inexpressives. Quoi qu’il en soit ces attitudes comportent des anomalies du tonus et se rapprochent d’une part des symptômes analogues observés dans l’encéphalite épidémique et d’autre part des mouvements dits stéréotypés par troubles du tonus accompagnant la contraction musculaire (pseudo-stéréotypies catatoniques de Dromard). Comme ces derniers ils sont moins persistants que les symptômes atteints de fixation invariable authentique. Pour compléter l’analogie avec les symptômes analogues de l’encéphalite épidémique, rapportons deux exemples :

OBS. Il. — N…, atteint à 22 ans d’hébéphréno-catatonie apparaissant progressivement sans épisode infectieux, ni aucun phénomène de la série parkinsonienne, stupeur, mutisme, hypotonie sans conservation des attitudes, cachexie progressive malgré une alimentation artificielle copieuse et variée. Mort en hypothermie. Ce malade, pendant plus de trois mois, a présenté une fixité absolue des globes oculaires maintenus obstinément en bas avec aréflexie vestibulaire totale et immobilité des globes oculaires, quel que soit le mouvement passif imprimé à la tête. Ce symptôme rappelle, mais avec une prolongation insolite, les spasmes oculogyres de l’encéphalite épidémique.

OBS, III. — D…, femme de 30 ans, Début de troubles mentaux à la suite d’un choc émotif. Jamais de fièvre ni aucun symptôme d’encéphalite épidémique, Etat anxieux avec phobies et obsessions prolongé pendant un an. Conscience de l’anxiété, puis délire complexe cénesthopathique et de persécution, apparition brusque d’akinésie pure avec hypotonie, sialorrhée, pâleur, refus d’aliments, Apparition de catatonie typique. Flexibilité cireuse, conservation de toutes les attitudes, attitudes spontanées bizarres : station sur un pied à la manière d’un échassier, station sur un pied avec un autre pied touchant la bouche et enfin protraction de la langue pendant des heures. La langue est modérément hypertonique, congestionnée par suite de la compression dentaire et sort démesurément de la bouche jusqu’à toucher le menton. Cette protraction dure pendant plusieurs heures, cesse, puis [p. 254] se reproduit. La malade tombe dans un état d’indifférence et d’inertie complet. Elle finit par prendre un embonpoint confinant à l’adipose et est depuis 8 ans dans un état démentiel. Ce cas diffère de celui de Lhermitte et de Kyriaco en ce sens que la durée de la protraction de la langue est beaucoup moindre, mais ces variations de durée n’ont pas grande importance puisque dans notre observation précédente au contraire le spasme oculogyre a duré pendant des mois.

Enfin signalons les attitudes vicieuses prolongées en particulier au niveau de la main et des doigts. On observe : la flexion permanente des doigts dans la main (petit doigt et annulaire ou tous les doigts), la flexion de la main sur l’avant-bras et de l’avant-bras sur le bras. Ces attitudes s’accompagnent de troubles vaso-moteurs importants : cyanose, refroidissement, effacement des plis, peau lisse. Elles rappellent les phénomènes décrits par Babinski et Froment sous le nom de troubles physiopathiques. Avec Dide nous avons déjà signalé cette particularité. A la longue ces attitudes anormales s’accompagnent de rétractions tendineuses et d’ankylose comme Cullerre l’a publié il  y a déjà longtemps. Dans des cas de ce genre il est impossible de ne pas admettre comme cause de la permanence de l’attitude une atteinte nerveuse localisée, probablement végétative.

 ITÉRATIONS

Les itérations constituent l’essentiel de notre second groupe de répétitions uniformes.

On entend par itération la répétition immédiate d’un acte moteur ou verbal qui, une fois terminé, est répété sans utilité un certain nombre de fois. Le résultat est une entrave à l’activité motrice verbale ou idéique du sujet.

La plus commune des itérations est la palilalie ou répétition spontanée, apparemment incoercible, d’un ou de plusieurs mots ou d’une courte phrase. G. Levy distingue la tendance palilalique (répétition inconstante de quelques mots), la palilalie simple et la grande palilalie qui comporte la tachyphémie avec aphonie terminale. La paligraphie s’observe moins souvent. Nous en avons rapporté de beaux exemples dans la maladie de Pick (16), [p. 255] nous en donnerons plus loin une remarquable reproduction dans l’hébéphréno-catatonie. Enfin, quoique plus rarement, on rencontre des palikinésies ou répétitions d’actes non verbaux : action de se moucher une dizaine de fois, flexion interminable de l’avant-bras, friction des genoux continuant pendant des journées.

A côté de la palilalie, Trenel (17) a décrit la palilogie des épileptiques. Au cours de certains équivalents psychiques avec état crépusculaire les malades intercalent un grand nombre de fois dans un discours habituellement incohérent une expression ou une phrase toujours identique. Dans l’exemple de Trenel la phrase interpolée est « La pièce de 10 francs devient noire quand elle est en or ».  Nous croyons que la palilogie est une variété de palilalie. Dans les discours palilogiques des épileptiques on constate en effet, à  côté des interpolations, de nombreuses répétitions immédiates sans conteste palilaliques.

Dans un exemple d’écriture inconsciente et automatique chez une épileptique de Souques on remarque, également associées à des interpolations palilogiques, de nombreuses répétitions paligraphiques. L’analyse des troubles du langage montre, comme nous le verrons, que plusieurs symptômes peuvent coexister, l’ensemble de l’extériorisation orale ou graphique n’étant que la combinaison des divers éléments pathologiques en jeu. Dans la palilogie il  y a, à  notre avis, palilalie et loquacité automatique ; la tendance à la répétition itérative est toujours présente mais son exécution est retardée par le flux automatique des paroles. G. Levy (18) admet que conscients ou inconscients les automatismes verbaux s’expriment par des manifestations qui s’échelonnent de la motricité presque pure jusqu’aux formes psychiques pures. Sterling (19) élimine de la palilalie vraie certaines catégories de répétitions conditionnées par l’écholalie ou par un déficit aphasique, ces dernières entrant dans le domaine de la persévération. Dans la palilalie vraie il distingue deux groupes : un, spasmodique avec accélération du débit et tendance à  l’aphonie ; un atonique avec répétitions sur le même ton, sans tachyphémie, pouvant se compliquer de périodes de [p. 256] mutisme. Cette distinction ne nous paraît pas de grande importance. La palilalie est un symptôme d’ordre organique, neurologique, pouvant, comme l’a montré nettement G. Levy, se développer en dehors de tout trouble mental. Elle s’observe dans le syndrome pseudo-bulbaire, dans le parkinsonisme encéphalitique et dans la maladie de Pick. Pour cette dernière Caron (20) avait émis l’avis que la palilalie qu’on y rencontre est un phénomène de fatigue psychique ou de persévération. Nous avons démontré (21) qu’il s’agit bien dans cette maladie de palilalie ou de paligraphie authentique entièrement comparable à celle du parkinsonisme.

Aux itérations s’associent souvent des symptômes qu’on peut appeler des corollaires. Ce sont les échopraxies (écholalie, échomimie, échopraxie). Brissaud appelait déjà la palilalie une autoécholalie. Pick a insisté sur la liaison des deux symptômes. G. Levy a publié un cas remarquable d’échopalilalie et après l’avoir niée au début s’est convaincu de la parenté des deux symptômes. Soulignons qu’il ne s’agit que de parenté et non d’identité, il n’est guère satisfaisant de dire que la palilalie est une auto-écholalie comme le faisait Brissaud ; on pourrait aussi bien ou plutôt aussi mal expliquer l’écholalie par la palilalie. On doit se borner à  constater que les deux symptômes sont souvent associés et appartiennent au même groupe.

Un certain nombre d’auteurs, en particulier Babinski et Sterling, signalent l’alternance de la palilalie avec le mutisme. Ce dernier symptôme mérite d’être retenu ; il s’agit d’une variété particulière de mutisme intermittent différent de celui de la stupeur ; le malade semble ne pas pouvoir se décider à parler. C’est la faculté de mise en train, de démarrage qui est déficiente. Dans la maladie de Pick nous avons constaté le groupement sinon simultané du moins successif des symptômes suivants : palilalie, écholalie, mutisme, amimie. A mesure que la maladie évolue le langage s’appauvrit, la tendance au mutisme se développe

de plus en plus, la mise en train du malade devient difficile, il finit par ne plus parler. En même temps les troubles de la mimique subissent une involution analogue : au début on observe un état de jovialité véritable avec rire fréquent à en devenir fatigant, puis la netteté de l’expression mimique décline [p. 257] en une sorte de grimace intermédiaire entre le rire et le pleurer

et enfin à la période terminale l’amimie devient complète, le malade présentant parfois un véritable facies de cadavre. Nous désignons cet ensemble par le nom abrégé de syndrome P. E. M. A. (initiale de chaque symptôme). C’est un intermédiaire entre le syndrome pseudo-bulbaire et le syndrome catatonique. Il est fort vraisemblable qu’il s’agit d’une atteinte du corps strié. L’intérêt de cette constatation est qu’on peut isoler en dehors de l’aphasie d’une part et des dysarthries d’autre part, un syndrome d’atteinte du langage portant sur les fonctions de mise en train, d’itération, d’arrêt, associé à des troubles de la mimique.

La question s’élargit encore si l’on fait intervenir l’atteinte du rythme, du mouvement au sens musical du mot (tempo). Nous signalons à ce sujet l’article intéressant de L.  v. Angyal (22). Cet auteur étudiant les troubles primaires du langage dans la schizophrénie distingue les troubles d’origine corticale qui ressortissent au groupe de l’aphasie et les troubles d’origine subcorticale. Le mutisme, le défaut de tendance à parler, la loquacité résultent d’une lésion du centre subcortical d’excitation. Les itérations de syllabes, de mots, de groupe de mots, simples ou en crescendo sont vraisemblablement déclenchées par une lésion simultanée des deux noyaux caudés et de l’écorce frontale gauche. Les troubles du tempo (mouvement au sens musical), du rythme, de la mélodie de la voix coïncident toujours avec de graves troubles de la mimique ; leur foyer commun doit être cherché dans le corps strié. Cette conception, comme on le voit, concorde avec celle que nous soutenons à propos du syndrome

  1. E. M, A,

Nous croyons que tous les symptômes de cette série doivent être étudiés plus analytiquement qu’on ne l’a fait jusqu’ici ou plutôt avec un mode d’analyse nouveau. On pourra ainsi se rendre compte que des symptômes qu’on a tendance à séparer sont en partie identiques, leurs différences résultent de leur combinaison et de leurs interférences avec d’autres mécanismes élémentaires,

En voici quelques exemples : La grande palilalie avec accélération et tendance à  l’aphonie est : 1° une itération ; 2° un trouble du tempo par accélération (accelerando  en terminologie [p. 258] musicale) conduisant à la déformation et à la simplification verbale. Cette tendance à l’accélération s’observe également dans le langage non palilalique (tachyphémie paroxystique de Claude), dans la démarche (festination), etc. La micrographie progressive des encéphalitiques est un symptôme voisin. Dans la palilogie des épileptiques, il y a, nous l’avons vu : 1° itération ; 2° excitation du langage automatique. Cette notion va être capitale quand nous allons étudier les itérations dans l’hébéphréno~catatome. Rappelons dès maintenant que dans la verbigération  il y a combinaison de : 1° itération ; 2° tempo lent (grave ou largo) ; 3° ton inexpressif et éventuellement ; 4° excitation du langage automatique. De plus dans l’hébéphréno-catatonie les symptômes essentiels de la maladie (indifférence, défaut général de vigueur, barrage, fading) interviennent parfois pour ternir la pureté du symptôme itération.

Enfin il ne faut pas oublier que la fonction d’itération s’exerce non seulement sur la parole et les mouvements mais aussi sur le langage intérieur et sur la pensée (G. Levy). Tous les autres éléments que nous avons décrits à côté : troubles du tempo, défaut de démarrage, barrage, fading font de même. La pensée obéit aux mêmes mécanismes régulateurs que la parole et le mouvement. .

Cet exposé préalable était indispensable pour aborder comme il convient les itérations dans l’hébéphréno-catatonie. Dès les premières observations de palilalie les auteurs ont été frappés par les analogies de ce symptôme avec certaines formes de stéréotypie des déments précoces, ils ont essayé de les comparer et de les différencier. L’argumentation de Dupré (23) est assez condensée pour être intégralement reproduite.

« La palilalie se distingue aisément des stéréotypies du langage qu’on observe chez les catatoniques. La répétition des mots ou des phrases se fait sur un mode différent : en un débit progressivement accéléré et avec une intensité progressivement décroissante… De plus, si les palilaliques s’expriment souvent avec des troubles d’intonation que Brissaud a décrits chez les pseudo-bulbaires, ils ne parlent pas avec cette affectation, ce maniérisme, ce ton emphatique, théâtral, déclamatoire ou litanique qui démontrent d’emblée la nature psychique de cette [p. 259] altération du langage de certains aliénés. Le plus souvent d’ailleurs, ces stéréotypies ne constituent pas de pures répétitions de mots ou de phrases : entre les locutions répétées s’interposent d’autres mots, d’autres phases, qui rompent la continuité de la répétition, la fidélité de l’écho, et permettent de voir dans la stéréotypie du dément précoce plutôt la réitération monotone de certaines parties électives du discours que la simple reproduction en écho des derniers mots prononcés, quel que soit le contenu et le sens de la phrase ».

Au cours de la même discussion Trenel soutient un point de vue analogue. « Chez le dément précoce et l’épileptique le symptôme est d’apparence plus psychique. Chez le dément précoce il n’y a pas de dysarthrie analogue (tachyphémie avec tendance à l’aphonie) sauf parfois une apparence qui relève du maniérisme. Pour Bostroem (24) certaines répétitions observées dans la démence précoce ne sont ni des itérations authentiques, ni de véritables stéréotypies verbales ; il  s’agit de répétition, comme nous en voyons dans certains troubles de la conscience, surtout dans l’état crépusculaire épileptique ».   Ce sont des phénomènes de fatigue comme on peut en observer chez le normal.

Les arguments que nous venons de reproduire sont basés sur une représentation conventionnelle de l’hébéphréno-catatonie et non sur une étude vraiment clinique. Ils font appel à des notions artificielles telles que l’origine psychique ou neurologique des symptômes ou à des symptômes sans aucune unité ni valeur tels que le maniérisme (25). Voici les réponses que nous leur opposons :

1° La remarque de Bostroem sur quelques répétitions parcellaires observées dans l’hébéphréno-catatonie par suite de fatigue, d’indifférence, de laisser aller nous paraît justifiée. On a bien parfois l’impression que le malade répète le mot terminal d’une phrase par suite d’un affaiblissement progressif, d’un évanouissement de son activité, Nous avons signalé ce fait avec Deschamps (26). Mais nous pensons démontrer qu’à côté de ce symptôme il existe des itérations véritables, Quand [p. 260] le malade remplit interminablement la page de lettres ou de mots répétés, quand on est obligé de l’interrompre faute de patience, il faut bien reconnaître qu’il s’agit non pas d’un symptôme de fatigue mais d’un trouble direct obligeant le malade à continuer de répéter indéfiniment les lettres ou les mots. 2° Nous avons montré que la tachyphémie est un trouble associé et non nécessaire dans la palilalie. Qu’il nous suffise de rappeler que la tendance palilalique et la palilalie simple ne comportent pas d’accélération. De plus, quoique assez rare, la tachyphémie peut s’observer dans certaines itérations des hébéphréno-catatoniques. En voici deux brefs exemples :

OBS. IV. — Mlle B…, internée à 22 ans. Hébéphrénie avec coexistence de symptômes mélancoliques. Se croit coupable, indigne, désire mourir. Troubles profonds de l’affectivité, ne veut pas reconnaître sa mère, l’appelle « Madame » parce qu’elle ne sent plus qu’elle l’aime. Sourires sans raison. Inactivité. Mouvements lents. Phases d’excitation motrice et verbale avec intonation puérile. Au cours de ces périodes, loquacité avec nombreuses expressions itérées, tachyphémie, aphonie et mouvement prolongé des lèvres ébauchant encore la phrase répétée : « Je veux avoir le petit ripaton ». D’autres fois itérations d’expressions adéquates au délire : « Je mérite la mort » avec également tachyphémie et tendance à l’aphonie.

OBS. V (obs. VI de L. v. Angyal). — De l’observation détaillée qu’on pourra lire dans le texte nous ne rapportons que les phénomènes itératifs : 1° Excitation motrice et verbale ; 2° nombreuses itérations dans les mouvements et le langage et dans ce dernier : itérations syllabiques, itérations verbales, itérations d’un groupement de quelques mots ou d’une phrase avec souvent mouvement accéléré et ton ascendant (pendant ces périodes il est impossible d’entrer en relations avec le malade). Les éléments itérés sont souvent de contenu indifférent, ils ne sont pas chargés d’une forte tonalité affective. Surviennent aussi des répétitions écholaliques dans lesquelles le malade utilise pour ses itérations le contenu des questions qu’on lui pose. Barrages.

A notre avis le ton dit « emphatique, déclamatoire, litanique » est l’inverse de la tachyphémie. Comme dans la palilalie tachyphémique, dans les répétitions litaniques des déments précoces on constate l’itération associée à un trouble du tempo,  mais ce dernier au lieu de correspondre à la notation musicale accelerando correspond à la notion largo. Ce symptôme est particulier à la démence précoce, nous ne l’avons encore rencontré [p. 261] dans aucune autre maladie. Il correspond bien à la verbigération des classiques. Si l’on veut bien faire attention à l’intonation des paroles verbigérées on constatera qu’elle n’est d’ordinaire ni empathique, ni déclamatoire, mais plutôt inexpressive, sans caractère, comme celle de la plupart des palilalies. Quand la verbigération est expressive, c’est qu’elle fait partie d’un complexe délirant mais le plus souvent les mots répétés sont fortuits et variables.

3° Nous n’avons pas à insister sur l’interposition d’autres mots entre les locutions répétées ; nous avons déjà montré que pour nous il s’agit d’itération associée à un langage automatique ou même simplement à l’extériorisation d’une pensée normale. Sur ce point nous sommes d’accord avec G. Levy qui fait entrer la palilogie des épileptiques dans les itérations.

4° De même il suffit de rappeler que la « nature psychique » des répétitions ne suffit pas pour les exiler du cadre de la palilalie. Elles pourraient au maximum être considérées comme une variété psychique des itérations et recevoir le nom de palipsychie. Chez la malade de G. Levy il y avait, outre la palilalie ordinaire des répétitions incoercibles de la parole intérieure qui gênaient le développement de la pensée de la malade aussi bien que les itérations orales.

5° Si les phénomènes de fixation invariable sont dans un certain nombre de cas (délires chroniques) localisés aux complexes délirants, les itérations de l’hébéphréno-catatonie sont sans rapport avec le délire et ne sont même pas provoquées par un trouble psychique global tel que : fatigue, inertie, etc. ; elles apparaissent comme des symptômes primitifs résultant directement de l’excitation ou si l’on préfère de la libération de certains centres de régulation motrice. Elles se produisent à l’occasion de paroles ou de mouvements quelconques ; on trouvera plus loin une observation dans laquelle des itérations graphiques interminables surviennent aussi bien dans l’écriture spontanée que dans la dictée. Dans d’autres cas, il s’agit de mouvements parasites sans finalité qui durent pendant quelques heures et quelques jours puis disparaissent. Par quelques points ces symptômes sont encore à rapprocher de ce que Dromard appelait les pseudo-stéréotypies catatoniques. Comme eux ils sont initiaux et transitoires dans l’hébéphréno-catatonie, comme eux [p. 262] ils doivent être rattachés à une atteinte des noyaux gris centraux.

Les phénomènes de maniérisme persistant par trouble du tonus d’accompagnement, de parasitisme mimique, d’itérations authentiques sont du même ordre que ceux observés dans des maladies grossièrement organiques, encéphalite épidémique chronique, maladie de Pick, syndromes pseudo bulbaires ; mais tandis que ces entités cliniques résultent de lésions destructives et habituellement irrémédiables, l’agent pathogène inconnu qui intervient dans l’hébéphréno-catatonie provoque des atteintes fugaces de certains territoires nerveux, atteintes qui guérissent spontanément et se réveillent dans un autre territoire nerveux provoquant ainsi des syndromes transitoires et variables. C’est en ce sens que l’on peut reprendre l’expression de G. de Clérambault sur les atteintes serpigineuses des centres nerveux. La lésion guérit dans une région pour s’étendre à une autre. C’est pourquoi on voit se succéder, surtout au début de la maladie, tous les symptômes du même groupe : troubles du tonus, catalepsie, parasitisme mimique, rixe explosif, itérations verbales, mouvements parasites itératifs, syndromes thalamiques transitoires, signe de Babinski transitoire, etc.

6° L’association de l’écholalie et de l’échopraxie d’une part et des répétitions verbales d’autre part, fréquente dans l’hébéphréno-catatonie est un argument de plus en faveur de la nature itérative véritable de ces répétitions ; en effet écholalie et itérations verbales sont souvent associées chez des malades neurologiques (maladie de Pick, pseudo-bulbaires) et aussi chez les tiqueurs, comme l’a signalé Meige. Cette constatation montre que l’écholalie et l’échopraxie des hébéphréno-catatoniques ne constituent pas un syndrome à part spécial à la maladie. Certains auteurs ont voulu assimiler l’écholalie au comportement de l’enfant. Il est exact que les enfants quand ils commencent à parler répètent souvent les paroles entendues, mais c’est là une manifestation d’activité et de tendance au progrès, les paroles répétées sont dotées d’une intonation vivante indiquant la compréhension ou l’interrogation. Pareil fait s’observe chez le normal, les déments légers, les débiles, certains hébéphréno-catatoniques inhibés qui répètent ou plutôt se répètent la question pour l’assimiler et la mieux comprendre. L’écholalie véritable, au contraire, qui appartient à la série palilalique et se [p. 263] rencontre exclusivement dans l’hébéphréno~catatonie et certaines affections cérébrales organiques, est un phénomène passif obligatoire avec intonation neutre et sans aucun effort en vue d’une compréhension meilleure des paroles répétées. Que le mécanisme nerveux, dont la libération par des lésions sus-jacentes provoque l’écholalie, soit le même que celui qui entre en jeu au moment où l’enfant apprend à  parler, c’est possible, mais dans un cas il  fonctionne physiologiquement à une étape déterminée de l’évolution qui a besoin de lui, dans l’autre il  entre en activité par déficit des fonctions supérieures dans un système nerveux et dans un psychisme en partie ruiné et sans harmonie avec l’ensemble des autres fonctions. Son activité est inutile, sans but, improductive et ne concourt pas à la tendance vitale générale. Ces fonctions libérées, jadis utiles au cours de l’évolution ontogénique ou phyllogénique, sont loin de  représenter un réel équilibre nouveau utilisant au mieux les mécanismes nerveux restés intacts. Elles fonctionnent à vide et entravent l’activité restante au lieu de l’aider. Cette conception générale que nous exposons en passant à propos de l’écholalie, s’applique également à l’itération. Il est séduisant d’admettre que la tendance à  répéter plusieurs fois un mouvement déterminé correspond à  une modalité archaïque de régulation motrice; beaucoup de mouvements inférieurs sont en effet itératifs : marche, allure de trot, de galop, mastication, etc. Il est possible qu’à la suite de certaines lésions sus-jacentes ce mécanisme ancien soit libéré au sens jacksonien et exerce son action sur des ensembles moteurs d’acquisition récente phyllogéniquement ou tardive ontogéniquement tels que le langage ; mais nous tenons à faire remarquer que cette nouvelle régulation n’est pas une chute à  un niveau inférieur d’équilibre,  elle introduit dans l’activité motrice des caractères d’intempestivité, de gêne, de parasitisme.

Pour fournir une base concrète à  cette discussion nous rapportons brièvement quelques observations d’hébéphréno-catatonie avec itérations graphiques, verbales ou praxiques évidentes. Si l’on veut bien examiner les malades en se dégageant de la notion imprécise de « stéréotypie » on se rendra compte de la fréquence des itérations authentiques dans l’hébéphréno~catatonie. [p. 264]

OBS. VI. — F.-B. L…, âgé de 21 ans, est interné le 16 mai 1931 avec les certificats suivants :

Est atteint d’hébéphrénie.

Syndrome d’opposition. Mutisme. Contorsions maniérées. Grimaces. Sourires ou rires immotivés. Attitudes catatoniques. Inactivité complète. Désaffectivité. Indifférence.

Début de la maladie à 18 ans, est devenu indifférent, abandonne son travail, perd son temps à lire des romans. Va presque tous les jours au cimetière passer des heures sur la tombe de son frère. Craint d’être tué par son père, se lève la nuit pour demander du secours. Aucun antécédent encéphalitique : pas d’épisode fébrile, jamais de diplopie ni de somnolence. Aucun symptôme de la série parkinsonienne.

A l’entrée, inactif, indifférent. Conserve toujours la même attitude : tête fléchie, tournée du côté gauche, penchée à gauche.

Réponses exactes, brèves. La mémoire semble assez bien conservée. Dès que la conversation se prolonge, répond à presque toutes les questions : « Je ne sais pas ».

Dès le jour de son entrée on constate de la paligraphie aussi bien dans l’écriture spontanée que dans la dictée. Tantôt il y a répétition littérale, tantôt répétition verbale (voir les reproductions des autographes) la même lettre est répétée jusqu’à 38 fois. Voulant écrire : « J’en sais rien », le malade écrit « J’enssaiieniienneiinnnnt » ou encore « J’enennennennennnnuainnnnsssssss ». Il y a à la fois répétition et mélange des lettres répétées. Jamais on n’a constaté de palilalie, mais parfois de la palipraxie. Voulant se moucher, le malade répétait l’acte huit ou dix fois avec une exécution de plus en plus imparfaite et finissait par maintenir indéfiniment son mouchoir sur le nez.

Est resté dans le même état pendant huit mois avec de temps en temps des périodes d’agitation désordonnée. Transféré ensuite dans un autre asile.

OBS. VII. — M. R…, interné le 26 septembre 1925 à l’âge de 18 ans avec le certificat suivant :

Psychose hébéphrénique avec délire polymorphe à thème érotique et de persécution. Illusions, interprétations et hallucinations auditives. Excitation psychique, récriminations, menaces, projets de vengeance. Etat obsédant hypocondriaque portant sur le désir impérieux d’être opéré des oreilles pour une otorrhée ancienne, bénigne, ne relevant pas d’un traitement chirurgical.

Tombe progressivement dans l’indifférence et l’inertie avec périodes de mutisme. Cet état se prolonge jusqu’en 1932. Mémoire et orientation [p. 265] bien conservées comme on peut s’en rendre compte dans les moments où le malade consent à répondre. Persistance d’hostilité contre la famille.

Le 18 février 1932 commence une période d’excitation catatonique : impulsions violentes, lacération de vêtements, etc… qui se transforme bientôt en demi-stupeur. M. reste couché dans son lit sans parler ni se mouvo.ir. Le 20 février on constate qu’il exécute interminablement un mouvement de la tête de gauche à droite et vice versa ; le lendemain, il fléchit rythmiquement l’avant-bras sur le bras ; dans l’après-midi, debout dans la cour, il exécute des mouvements de flexion du tronc et de la tête dans le plan sagittal, le lendemain il présente un haussement rythmique des épaules, etc… Ces mouvements itératifs variant de localisation persistent pendant environ un mois, puis le malade retombe dans son inertie habituelle où il se trouve encore (juin 1934).

OBS I de L. v. Angyal. — 1° Barrages ; 2° après le barrage le langage démarre avec difficulté ; nous y observons l’itération simple, rythmique de la première syllabe ; 3° la parole est sans couleur, monotone, précipitée, brusque, incohérente, inaccentuée.

OBS. II, id. — 1° Barrages, dissociations verbales ; 2° itération simple de syllabes, de mots, de groupements de deux ou trois mots. Persévération,

Verbigération ; 3° mouvement (tempo) ralenti ; 4° la parole est incolore, monotone, inaccentuée ; 5° la mimique est pauvre. Graves troubles du langage spontané.

OBS. VIII. — Pierre L… (27), est interné à 22 ans. Démence précoce catatonique. Ralentissement extrême de l’activité psychique, réponses adéquates mais très retardées, désintérêt du monde extérieur, ambivalence et hésitation. Difficulté d’exécution des actes volontaires, mouvements parasites et contradictoires, attitudes stéréotypées et cataleptiques. Troubles vaso-moteurs.

Aggravation rapide des symptômes, amaigrissement progressif malgré une copieuse alimentation artificielle. Troubles trophiques, flexion invincible des doigts dans la paume de la main.

Apparition de mouvements rythmiques : tressaillements sur sa chaise toutes les cinq ou six secondes, ouverture ample de la bouche se produisant avec une assez grande régularité, saut rythmé pendant des heures. Décès par cachexie et hypothermie.

Histologiquement. Lésions prédominant sur la macroglie et l’oligodendroglie (dégénérescence de Penfield-Grynfeltt). Nombreuses zones [p. 266] de désintégration de Buscaïno. Pas de réaction inflammatoire appréciable.

*
*   *

Tous les actes qui sont répétés immédiatement un certain nombre de fois ne sont pas des itérations authentiques. Pour les distinguer de ces dernières une analyse clinique assez subtile est quelquefois nécessaire ; nous la croyons indispensable.

1° La première catégorie de mouvements répétés à distinguer des itérations est le symptôme que les neurologistes appellent « intoxication par le mot » qui s’observe exclusivement dans les syndromes aphaso-agnoso-apraxiques et dans les démences où domine l’aphaso-agnoso-apraxie. Le malade trouve difficilement le nom des objets qu’on lui présente ; il reconnaît et nomme par exemple une brosse, on lui montre ensuite un

encrier, il  dit : « c’est une brosse » ; un crayon : « c’est une brosse », etc. Le symptôme survient d’autant plus facilement que le malade est fatigué par l’effort mental. Des manifestations analogues apparaissent dans le domaine de l’activité : le malade a montré qu’il reconnaissait une brosse en exécutant le geste de brosser ses vêtements, si on lui met dans la main une montre ou un porte-plume il essaiera d’exécuter avec ces objets le geste de se brosser. On voit facilement en quoi ce symptôme diffère des itérations : il  n’y a pas tendance à répéter immédiatement et indéfiniment un mot ou un geste, l’énonciation ou l’exécution initiale n’est pas le facteur qui déclenche directement la reproduction du mot ou de l’acte ; il  s’agit d’une reproduction substitutive en ce sens que les mots désignant les objets nouveaux ne pouvant être facilement évoqués sont remplacés par le mot déjà prononcé resté au seuil de la conscience. Cette persistance au seuil de la conscience est-elle réellement plus accentuée qu’à l’état normal, c’est probable, mais elle n’est pas la cause suffisante de la répétition qui ne survient jamais spontanément mais seulement comme substitut d’un nouveau mot inévocable. Ce symptôme est désigné depuis Neisser par le terme persévération (Haften) ; nous préférons ne pas employer cette dénomination parce qu’elle s’applique également à la variété suivante que nous croyons devoir séparer des itérations.

Cette variété est celle des actes anormalement continués. Un [p. 267] assez grand nombre d’actes de la vie courante ou professionnelle sont constitués par une série d’éléments identiques. L’acte de coudre par exemple est caractérisé par une succession de points d’aiguille ; il est terminé seulement quand on est arrivé au bout de la couture. Il en est de même pour de nombreux travaux tels que balayer, cirer des chaussures, astiquer des casseroles, bêcher, peindre une porte, etc. Dans tous ces cas il y a bien répétition d’un élément identique mais non itération pathologique. Le caractère pathologique intervient quand l’acte est anormalement continué ou prolongé, particularité fréquente dans l’hébéphréno-catatonie. Les malades de ce genre occupés à de menus travaux n’en finissent jamais, ils continuent pendant une demi-heure de cirer des chaussures en pensant à autre chose ou à rien, ils dépensent trop de peinture à badigeonner une porte et ainsi de suite, Pour nous ces actes n’entrent pas dans le cadre des itérations, ils sont continués mais non recommencés.  Ce n’est pas une obligation positive à recommencer l’acte qui intervient, c’est l’arrêt qui ne survient pas par désintérêt ou défaut d’initiative ; la continuation est une manifestation de passivité parce que dans certains cas la solution de paresse est de persister et non de cesser. Les actes continués se distinguent des itérations par leur mollesse, leur tendance au ralentissement et à l’effacement. Ils sont une manifestation de ce trouble général fréquent dans l’hébéphrénie et qui consiste après l’exécution de l’acte à ne pas revenir spontanément à une position de repos, au zéro si l’on nous permet cette expression. Nous avons déjà montré que

la conservation des attitudes, le signe de Maillard dans le réflexe rotulien, etc. sont la conséquence d’une perte de la capacité du retour spontané à  la déposture. Aussi bien que le précédent ce symptôme des actes continués mérite le nom de persévération.

Il faut encore signaler parmi les actes répétés, non authentiquement itératifs, certains mouvements parcellaires par excitation pathologique continue d’un centre moteur : myoclonies, grincement des dents, mâchonnement. Il suffit de constater que dans ces cas on n’a pas affaire à un complexe moteur véritable, à une praxie,

Quant aux mouvements décrits chez les idiots sous le nom de monotypies par Klaesi : mouvements réitérés de salutation, de flexion du corps, etc. nous croyons qu’il s’agit d’itérations véritables puisque ce sont des actes relativement complexes et rythmés. [p. 268] On peut supposer que chez ces malades l’organisation de la régulation motrice reste incomplète et utilise des centres archaïques de mouvements qui dirigent ces derniers selon le mode itératif.

On doit enfin distinguer des itérations verbales certaines formules répétées indéfiniment et immédiatement un certain nombre de fois, à intervalles variables pour exprimer un puissant état émotif ou affectif qui se prolonge. Cette formule constituée au début de l’état émotif est reproduite parce que cet état émotif intense et persistant, a besoin de s’exprimer oralement et parce que le sujet s’intéressant peu à l’expression verbale répète la même formule faute d’en chercher ou d’en trouver une autre. Nous avons observé une personne normale qui en apprenant la mort inattendue de son mari ne pouvait que répéter :

« Faut-il, faut-il ! » (sous-entendu vraisemblablement qu’un pareil malheur arrive ou une autre idée analogue). Cet état se prolongea une dizaine de minutes. Dans ces cas l’état mental constitue certainement le phénomène primordial et non une tendance à l’itération. Les répétitions de cet ordre sont totalement dépourvues de rythme ; elles surviennent par poussées variables, coïncident avec des renforcements d’émotion. Vraisemblablement les lamentations répétées des mélancoliques, peut-être certaines formules de défense des persécutés, appartiennent à cette catégorie. Mais si ces expressions répétées persistent trop longtemps, pendant des mois et des années, c’est qu’un nouveau mécanisme intervient : celui de la fixation invariable. Dans certains cas à la fixation invariable peut s’adjoindre l’itération véritable. Les lamentations on les formules de défense peuvent devenir secondairement des « stéréotypies » du groupe de la fixation invariable ou des itérations ou les deux à la fois.

— VUE D’ENSEMBLE

Nous pensons que cette longue étude aura convaincu le lecteur qu’on ne peut plus continuer d’appeler stéréotypies sans autre précision une foule de symptômes différents comme pathogénie et comme valeur séméiologique. Parmi eux nous croyons que les plus importants sont les phénomènes de fixation invariable et les itérations authentiques. Pour résumer et [p. 269] classer toutes les variétés que nous avons décrites nous allons les énumérer en soulignant eu italique celles qu’on observe dans l’hébéphréno-catatonie et les délires chroniques et que la plupart des auteurs appellent encore indifféremment stéréotypies.

 

 

LEGENDES DES PLANCHES ET FIGURES

Planche I.

FIG. L – Spasme oculogyre prolong!. dans l’hébéphréno-catatonie. Agrandissement

d’un Illm de 9 mm. (obs. Il).

FIG. 2. – Protraction de la langue dans l’hébéphréno-catatonie (obs. III).

FIG. 3. – Balancement rythmique de la tête et du corps (itération praxique). La

pose a été prolongée pour rnonfrer le déplacement en flou; remarquer l’allongement du béret (obs. VII).

FIG. 4. – Attitude habituelle du malade paligraphique (obs. VI).

guiraudstereotypie0002

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Planche Il.

FIG. 5. – Paligraphie dans l’écriture spontanée.

guiraudstereotypie0001

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Planche III.

FIG. 6. – Déformation du texte et paligraphie dans l’écriture !Ous dictée.

guiraudstereotypie0003

◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊◊

 

NOTES

(1) J. P. FALRET : Des maladies mentales. Paris 1864, p. 193.

(2) G. DROMARD : Etude psychologique sur la stéréotypie. Rev. de Psych., 1904. — Etude clinique sur la S. des déments précoces. Arch. de Neur., 1905. —  De la S. dans ses rapports avec les divers éléments de la vie mentale. Bulletin de l’Inst. Psychol., 1905. — Sur la genèse de la formule motrice dans la S. Bul. de L’Inst. Psychol., 1905. — La mimique chez les aliénés. Alcan édit., 1909.

(2 bis) A. BOSTROEM : Handbuch der Geisteskranskhetten., t. Il, p. 161-173, 1928.

(3) X. ABELY : Les stéréotypies. Thèse de médecine de Toulouse, 1916.

(4) J. KLAESI : Ueber die Bedeutung und Entstehung der Stereotypien Karger, Berlin, 1921.

(5) MAYER-GROSS : Die Kiinik der Schizophrenie. Handbuch de Bumke, vol. IX p. 396-401.

(6) K. KLEIST : Gehirnpathologie. 1 vol. de 1408 pages, Ambr, Barth, édit., Leipzig, 1934.

(7) GUIRAUD et SON : Considérations sur la psychologie des délires. Annales médico-psychologiques, 1925.

(8) ANTHEAUME et MIGNOT : Remarques sur la stéréotypie, L’Encéphale, juin-juillet, n°4, 1906.

(9) D’après des renseignements aimablement fournis par M. Mignot, après 20 ans d’internement ce malade a pu sortir et vivre en liberté dans un village de 1a Corse sous la surveillance de sa famille.

(10) P. GUIRAUD : Les formes verbales de l’interprétation délirante. Annales médico-psychologiques, t. 1,1921, p. 395.

(11) G. FETIT et A. BAUDARD : Psychose infectieuse chronique avec stéréotypies litaniques. Ann. méd.-psychol., 1934, t. II, p. 269.

(12) CROUZOX, CHRISTOPHE et FABRE : Aphasie de Wernicke avec automatisme verbal et monologues stéréotypés. Revue Neurologique, 1932, t. II. p. 75.

(13) KROLL : Los syndromes neuropatologicos. Traduc. espagnole, p. 632.

(14) P. GUIRAUD et H. Ey : Remarques critiques sur la schizophrénie de Bleuler. Annales médico-psychologiques, t. l, 1926, p. 355.

(15) BOURGUIGNON et D’EUCQUEVILLE : Chronaxie et troubles profonds de l’expression mimique chez une catatonique, Annales méldico-psychol., t, I, 1931, p, 461.

(16) P. GUIRAUD et Mme BONNAFOUS-SÉRIEUX : Maladie de Pick au début. Annal. Médico-psychol. nov. 1935.

(17) TRENEL : Folie épileptique, Pratique Médico-chirurg., 1911, p. 598,

(18) G. LEVY : Les formes conscientes de l’automatisme verbal. Presse médicale, 12 sept. 1931, p. 1344.

(19) W. STERLING : Palilalie et symptôme linguo-salivaire dans le parkinsonisme encéphalitique. Rev. neurol., 1924, t. I, p. 205.

(20) M. CARON : Etude clinique de la maladie de Pick. Thèse Paris, 1.934.

(21) P. GUIRAUD et Mme BONNAFOUS-SÉRlEUX : Loc. cit.

(22) L. v, ANOYAL : Uber den subkortikalen Anteil der Schizophrenen Sprachstorungen. Monatsschrift (für Psychiatrie und Neurologie, vol. 86, p, 137, 1933.

(23) E. DUPRÉ et LE SAVOUREUX : Palilalie chez une pseudo-bulbaire. Revue neurol., 1914, t. 1, p. 453.

(24) BOSTROEM : Katatone Storungen, In traité de Bumke, t. Il, p. 168,

(25) P. GUIRAUD : Catatonie et syndromes extrapyramidaux, Paris Médical, oct.1927.

(26) P. GUIRAUD et A. DESCHAMPS : Le « fading » mental dans l’hébéphrénie, Annal médico-psychol., 1932, t, l, p, 136.

(27) P. GUIRAUD et H. EY : Syndrome hébéphréno-catatonique mortel. Bullet. Soc. clin. Médecine mentale, 1926, p. 49 avec observation in extenso.

VARIÉTÉS DES STÉRÉOTYPIES SYNDROME OU ON LES CONSTATES
Hébéphrénie.
Symptômes de fixation invariable Hébéphrénie.Délires chroniques.
Maladie de Pick. Rares démences organiques
Attitudes et mouvements déformés par troubles persistants du tonus musculaire.
Troubles persistants de la mimique. Formes catatoniques.
Encéphalite épidémique chronique.
Réveil d’attitudes réflexes archaïques.
Immobilisation de la main et des doigts par troubles végétatifs.
Affaiblissements mentaux.
Habitudes stables par déficit mental. Psychoses chroniques.
Formes frustes de schizophrénie.
Pseudo-bulbaires.
Itérations authentiques. Encéphalite épidémique
Hébéphréno-catatonie
Maladie de Pick, Alzheimer
8° Intoxication par le mot. Syndromes aphaso-agnoso-apraxiques
Actes continués inutilement. Hébéphréno-catatonie.
10° Répétitions motrices par excitation des centres inférieurs Paralysie générale.
Méningites.
11° Monotypies Idiotie.
Mélancoliques.
12° Répétitions exprimant un état affectif permanent. Hébaphréniques.
Délirants chroniques

 

 

 

 

 

 

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