Paul Duhem. Un cas de délire spirite. Article paru dans la « Revue de psychiatrie et de psycholoie expérimentales », (Paris), 8e année, 1904, pp. 127-129.
Paul Duhem, médecin aliéniste, adjoint de la maison de santé de Boulogne, que l’on dit avoir été spécialiste de l’hystérie chez la femme. Gendre de Paul Sollier.
Quelques publications :
— Délire consécutif à des pratiques spirites. Ann. médico-psychologiques, (Paris),LXII, 8e semestre, t. XIX, mai 1904, p. 447.
— Contribution à l’étude de la folle chez les spirites, Thèse de Paris, 1904.
— (avec Paul Sollier) Psychose polynévritique par auto-intoxication gastrique. Annales médico-psychologiques 1906, I, 460-467.
— Précis de physiothérapie clinique. Préface de M. le professeur Haryier. 1937. 1 vol.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Les notes de bas de page ont été renvoyées en fin d’article. — Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
Un cas de délire spirite.
M. DUHEM communique la relation d’un cas de délire spirite. Voici le résumé de l’observation et les conclusions de son étude : F., âgé de 52 ans, est un ancien adjudant devenu chef soudeur.
Rien à signaler dans les antécédents héréditaires et personnels ; à noter seulement un amour exagéré du beau sexe.
Il y a 18 mois, F. assista dans une société de spirites à des phénomènes médiumniques, et il essaya, sans y parvenir tout d’abord, d’acquérir l’écriture automatique. Cependant au bout de quatre ou cinq séances d’entraînement, il sentit un jour, après s’être mis en position d’écrire, sa main se mouvoir et tracer des caractères, et il s’aperçut qu’il avait tracé involontairement son nom. A partir de ce moment il se crut en communication avec les esprits. Peu à peu l’écriture automatique devient habituelle, cependant que se manifestent des phénomènes hallucinatoires variés.
Ce sont d’abord des hallucinations auditives : audition de mots bizarres et incompréhensibles, puis d’injures adressées par les esprits méchants ; bientôt les bons esprits parlent à leur tour, et, en même temps qu’ils adressent à F. des paroles consolantes, ils lui enseignent les maximes de la plus haute philosophie spiritualiste. Avec ces hallucinations auditives, apparaissent des troubles de la sensibilité générale : douleurs vagues dans les jambes, sensations de pointes de feu, de coups de tampon en diverses régions. Quelques jours après, ce sont des hallucinations de la vue, qui revêtent le caractère de visions mystiques. Ces dernières hallucinations disparaissent d’ailleurs assez vite, mais il n’en est pas de même des voix : elles persistent et font des prédictions variées, annonçant en particulier à F. qu’il aura la gloire d’être un nouvel Allan Kardec. Cependant aucune des prédictions ne se réalisant, la conviction délirante s’ébranle, et F. demande de lui-même des soins médicaux. Mais bientôt le malade trouve un aliment nouveau à son délire dans des troubles de la sensibilité génitale qui donnent naissance à des idées de persécution : les esprits veulent l’empêcher d’accomplir le coït, ils lui ont « noué l’aiguillette » ; de fait, ce n’est qu’au prix de grands efforts et au bout d’un temps considérable qu’il parvient à éprouver le spasme vénérien. Ces troubles délirants ne tardent pas à s’atténuer à leur tour et les hallucinations deviennent à demi-conscientes.
Au point de vue de la racine du délire, ce malade se rapproche de ceux qu’ont étudiés MM. Gilbert Ballet, Dheur, Sollier et Boissier, etc.
Cependant, dans la plupart des observations de ce genre, les sujets, adeptes convaincus du spiritisme, ont évolué vers un délire systématisé ayant les plus grandes analogies avec le délire religieux de Swedenborg ; ce sont des mystiques pour la plupart. Chez F. au contraire, après une ébauche, le mysticisme s’arrête et n’évolue pas. Ce malade présente des symptômes assez nets d’hystérie pour qu’il soit possible d’invoquer cette névrose dans l’appréciation de l’évolution particulièrement rapide des phénomènes hallucinatoires et délirants.
Harald Kreutzberg 11 (Decembre 1902 – 25 avril 1968)
NOTES
- VALLON s’étonne de la rapidité des accidents psychiques chez ce malade et demande si l’intoxication alcoolique ne pourrait pas être incriminée.
- DUHEM. — L’alcoolisme ne peut ici être mis en cause.
- CHRISTIAN fait remarquer que l’écriture automatique, chez ce malade, ne se distingue de l’écriture volontaire que par une plus grande dimension des lettres.
- PHILIPPE. — Ce détail a son importance. Au cours d’expérience que j’ai faites avec M. Binet, j’ai pu constater que les caractères deviennent plus volumineux dans certaines conditions, par exemple lorsque le sujet cherche â modifier l’allure générale de son écriture, écrit un mot étranger, ou simplement transpose certaines lettres. Ces faits méritaient d’être rappelés, encore qu’il soit prématuré de faire de cette légère perturbation de l’écriture habituelle un des caractères de l’écriture automatique.
- VALLON. — L’écriture automatique était-elle plus ou moins lente que l’écriture volontaire ?
- DUHEM. — Elle était sensiblement plus lente.
- VALLON, — Ceci pourrait expliquer l’ampleur plus grande des caractères.
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