Emile Boirac. L’étude scientifique du spiritisme. Article paru dans la « Revue Philosophique de la France et de l’Etranger, (Paris), 1911, 1, pp. 367-383.
Emile Boirac (1851-1917). Philosophe et médium français. Il fit la promotion de l’espéranto. Il est aussi connu pour avoir popularisé le concept de déjà-vu (1876) pour caractériser le sentiment d’avoir déjà expérimenté une situation1Il a été nommé recteur de l’Université de Grenoble (1898) et Dijon (1902).
Il est aussi connu pour avoir popularisé le concept de déjà-vu (1876) pour caractériser le sentiment d’avoir déjà expérimenté une situation. Il fut également à l’origine du concept de Cryptopsychie, et recouvre les « phénomènes psychiques inconscients étudié par la parapsychologie. Il a alors donné son nom à une revue philosophique en 1907 : La Cryptopsychie. Il proposa aussi le terme de « métagnomie » pour parler de l’acquisition de connaissances par d’autres moyens que les cinq sens (ce que l’on nomme actuellement perceptions extra-sensorielles.
Quelques publications :
— L’avenir des sciences psychiques. Paris, Félix Alcan, 1917. 1 vol. Broché. Dans la Bibliothèque de philosophie contemporaine.
— L’idée du phénomène. Etude analytique et critique. Paris, Félix Alcan, 1894. 1 vol.
— La psychologie inconnue. Introduction et contribution à l’étude expérimentale des sciences psychiques. Troisième édition revue. Paris, Félix Alcan, 1908. Autre édition : 1920. 1 vol. Broché. Dans la Bibliothèque de philosophie contemporaine.
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original, mais avons corrigé plusieurs fautes de typographie. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
[p. 367]
L’Etude scientifique du spiritisme.
Est-il possible d’étudier scientifiquement le spiritisme ? Telle est la question qu’on se propose d’examiner ici.
Il convient avant toute chose de bien préciser le sens des principaux termes que nous allons employer dans cet examen.
I
Le mot « spiritisme » a, dans l’usage courant, des significations très diverses, quoique plus où moins voisines les unes des autres. D’une manière générale, on peut dire qu’il désigne tantôt un ensemble de faits d’une certaine espèce, tantôt une doctrine, hypothèse, théorie ou système, proposée pour l’explication de ces faits.
Au premier point de vue, qu’on pourrait qualifier en quelque sorte d’objectif, le spiritisme comprend tous les faits où semble se manifester, en présence ou à l’occasion de certains incidents de la vie des êtres humains, l’intervention d’êtres intelligents, habituellement invisibles et qui ne font normalement pas partie de notre monde.
Que de tels faits, marqués de cette apparence, se produisent effectivement et qu’on puisse les observer, les décrire, les classer, etc., c’est là un point qu’il n’est plus possible aujourd’hui de contester, la question de savoir jusqu’à quel point cette apparence correspond dans chaque cas particulier à quelque réalité, et à quelle sorte de réalité elle correspond, étant, bien entendu, réservée. Comme ces faits se produisent toujours ou presque toujours sous la condition de la présence de certains individus particuliers qu’on nomme médiums, on a aussi proposé de les appeler médiumniques, médianimiques ou médianiques (car la forme du mot n’est pas très bien encore fixée). Ils présentent d’assez nombreuses analogies avec d’autres faits (chez lesquels cependant manque l’apparence ci-dessus [p. 368] décrite) et qui souvent se produisent en combinaison avec eux : à savoir les faits de suggestion et autosuggestion, hypnotisme, dédoublement de la personnalité, magnétisme animal, divination de la pensée, transmission de pensée, télépathie, extériorisation de la sensibilité et de la motricité, etc., etc.. Aussi certaines personnes, surtout dans le public étranger à ce genre d’étude, englobent-elles même ces derniers faits sous l’appellation générale de spiritisme : ce qui est un abus de mot tout à fait légitime et regrettable. Les faits spiritiques ou médianiques d’une part, et les faits d’hypnotisme, suggestion, magnétisme animal, etc., d’autre part, constituent deux ordres de phénomènes parfaitement distincts et qu’on peut, qu’on doit même étudier séparément (bien que, nous l’avons montré ailleurs (1), une certaine connaissance du second de ces ordres soit indispensable pour pouvoir s’orienter utilement dans l’étude des premiers sans que la réciproque soit également vraie).
Ce sont ces faits spiritiques, ou, comme nous avons proposé de les nommer, spiritoïdes, avec leur apparence, illusoire ou véridique, qu’il s’agit avant tout pour le savant appliqué à leur étude, de recueillir dans les meilleurs conditions d’exactitude et d’authenticité, soit par l’observation, et, s’il se peut, par l’expérimentation directe et personnelle, soit par des attestations rigoureusement contrôlées de témoins dignes de foi, de comparer, de classer, d’analyser, de soumettre en un mot à tous les procédés de la méthode scientifique, pour tâcher d’en découvrir les lois.
Mais le gros du public, (et même beaucoup de savants) ne se résignent pas à l’attitude presque indéfiniment expectante qu’impose ce point de vue. Il veut avant tout qu’on lui explique les phénomènes. A quelle cause faut-il les attribuer ? Est-ce que, véritablement, ce sont des esprits qui les produisent ? Ces esprits sont-ils les âmes des morts ? Ou des démons ? Ou des élémentaux, comme en admettaient certains rêveurs du Moyen-âge, etc., etc ? Voilà la question qu’il faut débattre et résoudre avant tout. Et c’est à la question ainsi posée que répond en effet le spiritisme entendu au second sens du mot, au sens qu’on pourrait appeler subjectif.
Pourtant, même à ce point de vue, il y aurait peut-être encore lieu de distinguer entre un spiritisme qui se présenterait comme une [p. 369] simple hypothèse, d’ordre scientifique ou expérimental, pourrait-on dire, suggérée par certains faits et destinée surtout à en faciliter l’étude, c’est-à-dire à provoquer, à ordonner des expériences nouvelles et à amener la découverte de faits nouveaux, et un Spiritisme qui se présenterait plutôt comme une doctrine philosophique et religieuse, liée sans doute à l’origine à un certain ensemble de faits, mais qui, une fois suscitée et apparemment prouvée par ces faits, se désintéresserait de leur étude, trouverait son intérêt en elle-même, et apporterait aux hommes la solution systématique de tous les grands problèmes métaphysiques, moraux et sociaux. Il conviendrait, ce nous semble, de réserver le nom de Spirites pour désigner ceux qui professent le Spiritisme entendu dans ce dernier sens. Nous hésiterions à appeler ainsi les partisans du Spiritisme réduit à l’état de simple hypothèse expérimentale. En tout cas, le nom ne saurait convenir en aucune façon à ceux qui, admettant simplement le Spiritisme objectif, c’est-à-dire la réalité des phénomènes spiritoïdes, se proposent uniquement d’étudier ces phénomènes, en dehors de tout parti-pris doctrinal, avec les mêmes dispositions d’esprit qu’ils apporteraient à l’étude des phénomènes astronomiques, chimiques ou biologiques.
II
Mais justement, pour tous ceux qui abordent cette étude avec de telles dispositions d’esprit, le mot « explication » n’a plus le même sens que pour les autres hommes, si même il conserve encore pour eux aucun sens.
Peut-être, en effet, n’et-ce pas un paradoxe, mais la simple expression de la vérité, de prétendre que le véritable esprit scientifique consiste à se désintéresser du besoin d’explication et à se réduire volontairement à la seule recherche du déterminisme des phénomènes. Ainsi, il y a longtemps que les savants ne se préoccupent plus de savoir ce qu’est en soi l’électricité ; l’essence des phénomènes [p. 370] électriques est à leurs yeux absolument inconnue, et ils la tiennent pour inexplicable, mais il leur suffit de savoir que les phénomènes électriques, quelles que soient d’ailleurs leur nature intime et leur cause profonde, se produisent dans des conditions déterminées, et ce sont ces conditions qu’ils se préoccupent de découvrir et de fixer. A la satisfaction de pouvoir dire : « Maintenant que je connais la cause première de tous ces phénomènes, ils ont cessé de me surprendre et de m’intriguer : c’est fini, je tiens le mot de l’énigme ; je peux me démontrer à moi-même et démontrer aux autres pourquoi ils existent et pourquoi ils sont ainsi et non autrement, et puisque l’explication est trouvée, je n’ai plus besoin de m’en préoccuper, je puis passer à d’autres problèmes » à cette satisfaction purement intellectuelle et théorique, les savant préfèrent la satisfaction essentiellement pratique de pouvoir influer sur les phénomènes, les provoquer, les empêcher, les modifier et surtout les utiliser pour des applications possibles aux diverses fins de l’activité humaine.
Sans doute, ce point de vue, qui est celui du savant, n’exclut pas le point de vue du philosophe, et il n’est pas interdit de vouloir superposer la connaissance philosophique des conditions déterminantes ; mais il est indispensable de ne pas confondre ces deux genres de connaissance l’un avec l’autre. C’est ainsi que, comme philosophe, je peux croire que tous les phénomènes du monde sont immédiatement produits par une cause éternelle, omniprésente, de nature spirituelle, extraordinairement intelligente (quelque soit d’ailleurs le nom que je donne à cette cause) mais comme savant, je n’en serais pas plus avancé même si cette croyance devait se transformer pour moi en connaissance absolument certaine car il me resterait toujours à savoir comment, c’est-à-dire par quel mécanisme de moyens ou de conditions, cette cause produit tous les phénomènes du monde, et c’est seulement cela qui m’intéresse en tant que savant.
Si nous transportons ces principes dans la question qui nous occupe en ce moment, nous voyons qu’elle change singulièrement d’aspect. De même que le physicien ne s’attarde plus à discuter si c’est Dieu ou la matière, ou tout autre cause supra-phénoménale qui produit les phénomène de pesanteur, chaleur, lumière, [p. 371] électricité, etc., mais s’emploie uniquement à étudier ces phénomènes pour tâcher d’en découvrir les lois, de même que le biologiste ne considère plus étant de son ressort la recherche de la nature intime de la vie, soit avec l’âme, soit avec Dieu, mais se borne à déterminer les conditions des manifestations vitales, de même, dirons-nous, le savant qui prend pour objet d’études les phénomènes spiritoïdes ne doit pas s’éterniser dans de stériles discutions pour savoir si ce sont bien des esprits, c’est-à-dire des entités situées en marge de notre monde, qui produisent ces phénomènes car le problème ne l’intéresse pas, ne le regarde même pas en tant que savant, et tout son effort doit simplement viser à découvrir comment les causes inconnues de ces phénomènes (même en supposant que se sont en effet des esprits, âmes des morts, démons, élémentaux, peu importe) réussissent à les produire (3). Sans doute, pour le philosophe, pour l’homme religieux, disons même pour tout homme en général, il serait prodigieusement intéressant d’arriver à savoir qu’il existe un monde invisible, distinct du nôtre et cependant voisin de lui, peuplé d’êtres intelligents qui peuvent, dans certains cas, entrer en relations avec nous, et parmi lesquels se retrouvent plusieurs de nos parents ou de nos amis disparus. Mais répétons-le encore une fois, cette connaissance, même en la supposant acquise, laisserait intact le problème scientifique du Spiritisme, exactement comme la certitude où nous sommes d’exister comme sujets sentants et pensants, capables de produire des mouvements dans notre corps par nos sensations, nos idées, nos émotions et nos volontés, laisse intact le problème scientifique du mécanisme nerveux et cérébral.
C’est pourquoi nous ne pourrions approuver la façon dont la plupart des auteurs ont envisagé la question. Les uns et les autres, adversaires aussi bien que partisans du Spiritisme (au sens subjectif du mot), en sont encore à la phase métaphysique du psychisme : il serait temps de passer enfin à la phase positive. L’étude impartiale, désintéressée des phénomènes spiritoïdes, pour eux-mêmes, pour savoir, abstraction faite de toute thèse à démontrer ou à réfuter, [p. 372] leur est profondément indifférente : l’important, pour eux, c’est de croire quelque chose et de prouver quelque chose. Pour les uns comme pour les autres, il s’agit de donner immédiatement, séance tenante, et par une seule formule, par un seul mot, l’explication des faits plus où moins étranges qui surprennent, déconcertent, parfois même effraient le public, quand ils ne font pas naître en lui les espérances les plus folles ; cette explication même, il s’agit de la démontrer, et, de part et d’autre, on argumente à perte de vue, tout comme font des théologiens pour des dogmes.
Faut-il croire aux Esprits ? N’y faut-il pas croire ? C’est là-dessus qu’on discute indéfiniment. Les partisans des esprits accumulent des anecdotes ; les adversaires ripostent par des anecdotes contraires : les deux partis ont chacun leurs autorités. Cela peut durer ainsi jusqu’à la fin des siècles. Au fond, les uns et les autres obéissent à des préoccupations extra-scientifiques, religieuses ou antireligieuses, ce qui revient exactement au même ; ils cherchent avant tout une satisfaction de leur foi. Les Spirites veulent prouver l’immortalité de l’âme et la vie d’outre-tombe, sans parler de la réincarnation et du progrès par les astres : ils accueillent sans critique, pêle-mêle, les faits les plus suspects, souvent même les plus évidemment insignifiants ou truqués ; lorsqu’ils consentent à des expériences de contrôle, c’est avec le parti-pris, plus ou moins inconscient, d’empêcher, d’entraver les mesures qui pourraient seules constituer un contrôle affectif ; ils seraient désolés qu’on leur prouvât que tel fait qu’ils attribuent à un esprit est tout simplement le résultat d’une supercherie ou d’une auto-suggestion des assistants ou même de l’exercice de quelque faculté supra normale appartenant au médium. Les Antispirites, de-même, professant pour la plupart le matérialisme et l’athéisme métaphysique, s’imaginent, à tort ou à raison, que si on parvenait à établir qu’il reste quelque chose de l’homme après la mort, c’en serait fait de leurs doctrines favorites ; ils voient dans le triomphe du Spiritisme le recul de la science, le retour des anciennes superstitions, et ils luttent de toutes leurs forces pour empêcher un tel désastre. Aussi, ils se refusent obstinément à prendre au sérieux les faits soi-disant spiritiques ; ces faits sont, a priori, invraisemblables, impossibles ; donc ils sont faux. On ne saurait trop déplorer la naïveté des savants qui se risquent à [p. 373] entreprendre l’étude ; on ne saurait trop décourager leur témérité ; et si, malgré tous les avertissements charitables qu’on leur prodigue, ils persévèrent, c’est sans doute à quelque trouble de leurs facultés mentales qu’il convient d’attribuer un aussi fâcheux égarement. Au fond, l’état d’esprit ses Antispirites est le même que celui des savants qui refuseraient d’admettre les admirables expériences de Pasteur, sous prétexte qu’en contredisant la doctrine de la génération spontanée, ces expériences peuvent fournir des armes aux partisans de l’origine supranaturelle de la vie, le même encore que celui des théologiens qui regardent d’un œil défiant les investigations des géologues et des historiens, parce qu’ils redoutent d’en voir sortir des conclusions opposées aux récits bibliques.
III
On nous objectera peut-être qu’il est impossible de procéder à cette étude méthodique des faits que nous donnons pour but aux psychistes sans prendre parti pour ou contre la doctrine des esprits ; mais cette objection part toujours de la même conception erronée qu’ont beaucoup de gens sur le rôle des doctrines dans les recherches scientifiques d’ordre expérimental. A proprement parler, il n’y a pas de doctrines dans les recherches de cet ordre : il n’y a que des hypothèses qu’on admet provisoirement, à l’essai, pour voir dans quelle mesure elles permettent de s’orienter dans le dédale des phénomènes et d’y avancer dans le sens des découvertes fécondes et des applications utiles. C’est seulement à ce titre que le savant peut envisager l’hypothèse des esprits, parallèlement avec toutes autres hypothèses, si l’observation des faits le lui suggère, et sans jamais lui attribuer aucune valeur définitive et absolue.
Interdira-t-on a priori au savant à faire une place à l’hypothèse des esprits parmi les idées directrices de ses recherches, même pour voir dans quelle mesure elle peut paraître suggérée par les faits et dans quelle mesure aussi elle est susceptible d’être confirmée et contredite par eux ? Ce serait la traiter un peu comme une excommuniée, indigne d’entrer en relation sous quelque forme, et à quelque degré que ce soit, avec la science.
Il n’est pas douteux cependant que cette hypothèse ne nous soit [p. 374] tout d’abord suggérée par les faits spiritoïdes eux-mêmes, tels du moins qu’ils se présentent à nous dans la plupart des cas. Ils nous la suggèrent, non seulement d’une façon indirecte, par les circonstances qui les accompagnent, mais même directement, toutes les fois que la force inconnue, d’apparence intelligente, qui se manifeste en eux, nous déclare être un esprit, le plus souvent un esprit de telle ou telle personnalité dont nous pouvons connaître le nom et l’histoire. C’est même là ce qui distingue, en bien des cas, les faits spiritoïdes des faits de même genre appartenant à d’autres ordres, tels que la suggestion, l’hypnotisme, le magnétisme animal, la télépathie, etc.
Qu’on nous permette de rappeler ici ce que nous en avons déjà dit dans la « Psychologie inconnue ».
« Tous ces faits présentent deux caractères qu’on ne remarque point dans les autres :
1° d’être essentiellement spontanés.
2° d’impliquer (au moins, hypothétiquement, fictivement), l’intervention de personnalités qui se présentent comme distinctes de toutes les personnalités visibles assistant à ces phénomènes eux-mêmes.
En premier lieu, ces faits, à la différence des faits d’hypnotisme, de suggestion, de magnétisme animal, ne peuvent être obtenus à volonté par des expérimentations proprement dites. C’est tout à fait improprement qu’on donne le nom d’expériences aux essais d’observation qu’on en peut faire. « Un des caractères les plus curieux des phénomènes psychiques, dit Maxwell (4), est leur indépendance apparente. Les expériences nous conduisent ; elles ne se laissent pas aisément conduire. On croirait souvent qu’elles obéissent à une volonté autre que celle des assistants. » Et le même auteur met en garde (5) contre l’erreur qui consiste à supposer « que les phénomènes psychiques s’observent à volonté ».
« Toutes les fois, dit-il, qu’un sujet payé donnera des séances régulières, il y aura cent chances contre une d’être en présence d’une escroquerie véritable. S’il est un caractère, certain pour moi, de tous ces faits paranormaux, ce caractère est leur irrégularité apparente. J’ai pu expérimenter avec des médecins instruits et soucieux de la recherche exacte ; j’ai fait avec eux de nombreuses [p. 375] expériences et j’ai observé que souvent des semaines entières s’écoulaient sans une bonne séance ; à d’autres moments, la force était si abondante que les phénomènes se produisaient sans séance véritable.
En second lieu et ce second caractère est étroitement lié au premier, ces faits suggèrent de prime abord à tous ceux qui les observent, soit implicitement, soit même explicitement, l’hypothèse de personnalités invisibles, distinctes de celles du médium et des assistants, qui interviendraient dans leur production. En d’autres termes, ils paraissaient avoir eux-mêmes une personnalité ; bien mieux, ils se donnent, ils s’affirment eux-mêmes comme ayant effectivement une personnalité propre. Que cette apparence soit illusoire ou conforme à la réalité, que cette affirmation soit vraie ou fausse, c’est là un point sur lequel les avis peuvent être et sont partagés ; mais que cette apparence et cette affirmation existent et qu’elles soient caractéristique de cet ordre de faits, tous les observateurs s’accordent à le reconnaître. Selon Maxwell[6]. « Un des faits les plus curieux que révèlent les expériences dites psychiques », c’est que « la force qui se manifeste paraît intelligente dans une certaine mesure… En général, les manifestations sont attribuées à un mort, connu ou inconnu ».
Il y a plus : quelque opinion que l’on professe sur la valeur de l’hypothèse des esprits, et même si en la tenant pour fausse, on se trouve presque forcément amené dans la pratique à opérer comme si on la tenait pour vraie, à peu près comme dans certains cas, les astronomes, pour faciliter certains calculs, raisonnent comme s’ils admettaient la vérité du système de Ptolémée dont ils connaissent cependant mieux que personne le caractère erroné. C’est là ce que reconnaît expressément l’un des plus sagaces expérimentateurs en cette matière, Maxwell. « J’appelle personnification, dit-il[7], l’être quelconque qui assure se manifester. On ne peut faire que des hypothèses sur son essence : le scepticisme que l’ensemble de nos observations m’a inspiré vis-à-vis d’elle peut n’être pas fondé : aussi vaut-il mieux lui témoigner la courtoisie que l’on marque à un co-expérimentateur. Cette prudente attitude est la plus profitable. Dans la pratique, j’ai pour la personnification les mêmes égards [p. 376] que pour le médium… Je l’interpelle par le nom qu’elle s’est donnée et je me trouve bien de lui indiquer avec précision ce que je cherche. Son concours, quelque réalité qu’il y ait au fond, m’a paru indispensable».
IV
Mais, tout en accordant que les faits nous suggèrent l’hypothèse des esprits avec une insistance parfois troublante, et qu’il est quelquefois utile de « jouer » expérimentalement de cette hypothèse, ne pourrait-on continuer à prétendre qu’il est impossible de la prendre réellement au sérieux et que le savant doit la considérer a priori comme une évidente fausseté ?
D’abord, en effet, cette hypothèse, peut-on dire, est en contradiction avec tout l’ensemble de notre expérience et de notre savoir.
D’une part, la physiologie nous enseigne que nulle pensée, nul sentiment, nulle volonté, nulle manifestation psychique en un mot, n’est possible sans un concomitant cérébral et nerveux, sans un substratum organique : dès lors, comment admettre l’existence d’êtres capables de penser, de sentir et de vouloir sans cerveau, sans nerfs et sans corps, tels que les prétendus esprit ?
D’autre part, la conclusion qui ressort de tout l’ensemble de nos connaissances positives, c’est que le monde constitue un système clos, dont toutes les parties agissent les unes sur les autres selon des lois constantes : les éléments et les forces qui le composent, aussi loin qu’on remonte dans son histoire, ont toujours collaboré entre eux, et la série des phénomènes, qui résulte de leurs actions réciproques, s’est toujours déroulée, quelque capricieuse qu’aient pu paraître les sinuosités de leur cours, d’une façon régulière et continue, sans interruption et sans déviation réelles. En d’autres termes, il n’y a dans la nature, telle que la science nous la révèle, ni hasard ni miracle véritables. Dès lors, comment imaginer un seul instant qu’en marge de ce monde ainsi cohérent et fermé, il puisse en exister un autre, situé, pour ainsi dire, sur un autre plan de la réalité, dans une autre dimension de l’espace, et néanmoins capable d’entrer par moments en contact avec celui-ci pour y envoyer tout [p. 377] à fait à l’improviste et comme par brusques échappées, d’extraordinaires et déconcertantes influences ?
Mais une telle imagination n’est pas seulement en contradiction avec tout ce que nous savons de l’univers : elle est la négation même de la science. Supposer en effet, que des êtres invisibles, insaisissables tels que les soi-disant esprits, peuvent intervenir à tout moment, au gré de leurs caprices, dans les phénomènes de la nature et de la vie, et les modifier arbitrairement, à la façon des lutins et des fées, n’est-ce pas rendre toute science impossible, puisque c’est supposer qu’il est toujours au pouvoir de ces êtres de contrecarrer et de suspendre l’action des lois naturelles, si tel est leur bon plaisir ? Admettez l’existence des esprits, vous ne pouvez plus être assuré que les corps obéiront à la pesanteur, que les combinaisons chimiques se feront sans création ni destruction de matière et d’énergie, que les fonctions vitales seront conditionnées par les circonstances matérielles où elles s’exercent. Vous avez fait dans le grand mur de l’univers une fissure par où le miracle peut se glisser à chaque instant, et quel miracle ? A en juger par les relations des séances spirites les mieux réussies, on pourrait presque le définir le « coq-à-l’âne de l’au-delà ».
V
Toute cette argumentation est évidemment spécieuse et impressionnante ; mais elle prouve simplement l’invraisemblance, ou, si l’on aime mieux, l’improbabilité de l’hypothèse des esprits : elle n’en prouve pas l’impossibilité, la nécessaire fausseté. Or, c’est le cas de rappeler le mot d’Arago : « Celui qui, en dehors des mathématiques pures, prononce le mot impossible manque de prudence ». Toute l’histoire des sciences depuis une cinquantaine d’années, montre que dans le domaine des sciences physiques et naturelles, l’invraisemblance peut parfaitement être vrai.
Ainsi, on déclare impossible, au nom de l’état actuel de nos connaissances physiologiques, l’existence d’êtres sentants et pensants qui seraient dépourvus de nerfs, de cerveau et en général, d’un organisme matériel analogue au nôtre. Une telle existence est évidemment très invraisemblable, pour qui raisonne d’après ce que l’existence nous a appris jusqu’ici ; mais comment pourrions [p. 378]-nous être certains qu’elle est impossible ? Quelque étendue que soit notre expérience, elle n’embrasse qu’une infiniment petite partie de la réalité et nous n’avons aucun moyen de discerner a priori ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Toute la question est donc de savoir s’il y a des faits réels qui suggèrent et tendent à prouver l’hypothèse des esprits : si de tels faits se présentent, on est autorisé à les soumettre au contrôle les plus sévères, à exiger d’eux avec une impitoyable rigueur toutes les garanties d’authenticité et d’exactitude ; mais on n’a pas le droit de les écarter de parti-pris et sans examen, sous prétexte qu ‘ils sont impossibles. On l’a dit avec juste raison : c’est la science à s’accommoder aux faits, non aux faits à s’accommoder à la science. Je me souviens d’avoir lu, il y a une dizaine d’années, un article d’un physiologiste connu qui démontrait que le phénomène de la transmission de pensée était impossible, parce qu’il nécessiterait l’existence d’un lien matériel entre deux cerveaux, exactement, disait-il, comme un fil métallique est nécessaire pour établir la communication télégraphique entre deux bureaux. Ce physiologiste ne prévoyait pas la découverte prochaine de la télégraphie sans fil.
Mais l’étude de la vie semble elle-même, à certains égards, entrebâiller la porte à l’hypothèse d’une action psychique indépendante des nerfs et du cerveau, sinon de tout substratum matériel. Est-ce que la même fonction vitale, nutrition, respiration, circulation, etc., ne se réalise pas, dans les différents embranchements du règne animal où même dans les différents règnes de la nature vivante, par des systèmes d’appareils appartenant à ces types très différents ? N’aperçoit-on pas des vestiges de sensibilité et d’activité instinctive chez certains végétaux, peut-être même chez tous, malgré l’absence complète de tissu nerveux ?
Remarquons d’ailleurs que l’hypothèse des esprits, telle qu’elle est habituellement formulée par les spirites eux-mêmes, n’exclut nullement la possibilité d’un substratum matériel pour les manifestations d’ordre psychologique dont ces esprits seraient les sujets supposés. Cette hypothèse, malgré les apparences et les préjugés contraires, peut être revendiquée par la métaphysique matérialiste tout aussi bien que par la métaphysique spiritualiste, s’il est vrai que les esprits sont sensés avoir un corps, fait de matière subtile, qui serait comme le double du corps charnel. Ce corps éthéré, fluidique ou astral, assujettit, tout [p. 378] comme l’autre, la vie psychologique des esprits à des conditions matérielles, quoique habituellement insaisissables pour nos sens. Certains faits, encore controversés, mais trop nombreux et trop exactement observés pour la plupart, pour qu’il soit indéfiniment possible de s’en débarrasser en les passant sous silence, ou en les rejetant a priori comme controuvés, semblent même nous engager à croire que notre propre activité mentale à nous, esprits incarnés, dépend aussi de ces conditions matérielles d’ordre invisible : tels sont les faits de télépathie, de suggestion mentale, de transmission de pensée, d’extériorisation de la sensibilité et de la motricité, où s’entrevoit un déterminisme des fonctions psychiques plus délicat et plus profond que celui qui a son siège dans les nerfs et le cerveau.
L’objection qui se tire de l’impossibilité de faire une place à des agents tels que les prétendus esprits dans un univers cohérent et fermé, tel que nous le montre l’ensemble de notre expérience, ne paraît pas plus décisive. Encore une fois, notre expérience est bien courte pour nous donner le droit d’enclore l’univers dans une enceinte infranchissable. Il s’en faut que nous ayons achevé de faire le tour de la nature, et que nous en ayons sondé toutes les profondeurs. Les plus récentes découvertes de la science ne suffisent-elles pas à nous convaincre déjà que, même dans les parties que nous croyons le plus complètement explorées, peuvent se cacher des substances ou des forces insoupçonnées ? Avant les travaux de Pasteur, nul ne se doutait de l’existence des microbes ni surtout du rôle immense joué par eux dans les phénomènes de la vie. Les gaz de l’air, argon, crypton, néon, etc., les ondes hertziennes, les rayons Rœntgen, le radium, autant de révélations inattendues, qui sont venues coup sur coup rappeler aux savants combien il serait imprudent pour eux d’appliquer aux secrets de la nature le proverbiale dicton populaire : « Si cela était, cela se saurait ». De plus en plus s’affirme et se précise, ainsi que nous avons essayé de le montrer ailleurs (8), la notion de phénomènes clandestins ou cryptoïdes, c’est a dire de phénomènes que la nature semble avoir systématiquement dérobés à nos moyens d’investigation, et dont il faut cependant que nous nous accoutumions désormais [p. 380] à concevoir et à admettre la réalité. C’est en ce sens qu’un penseur contemporain (9) a pu dire : « Dans des régions inabordables de l’espace, autour de nous, en nous peut-être, se produisent des ordres de phénomènes sur lesquels aucun jour ne nous est ouvert, que nulle sagacité ne saurait pressentir, et dont l’intelligence serait pourtant nécessaire pour avoir l’explication juste des choses ». Et de même Charles Richet a dit (10) : « Il est mille fois certain que nous passons, sans les voir, à côté de phénomènes qui sont éclatants, et que nous ne savons ni observer, ni provoquer ».
Où prend-on d’ailleurs le droit d’affirmer que le monde, tel que nous le connaissons, constitue un tout cohérent et fermé ? Bien au contraire, nous y constatons çà et là des trous, des fissures, par où s’introduisent des puissances nouvelles et mystérieuses que nous n’avons pas réussi à dévoiler. Quelques progrès que nous ayons faits dans l’application de l’hypothèse mécaniste à l’ensemble des choses, le passage de la matière à la vie et à la pensée reste pour nous un mystère inexpliqué, une énigme dont le mot nous échappe. Il y a eu, dans l’histoire de notre planète, une longue période où la vie n’existait pas ; et à certain moment, la vie est apparue. Comment ? Nous n’en savons rien, car jusqu’ici, nous n’avons pu observer ni provoquer l’apparition de la vie sans le concours de la vie même. L’adage : omne vivum ex vive reste intangible. Pareillement, si tous les faits nous prouvent que les formes de la vie ont évolué, ils ne nous renseignent guère sur la façon dont s’est faite leur évolution. Toutes les hypothèses que nous imaginons pour comprendre la transformation des espèces ne sont que des balbutiements. Nous observons bien les jaillissements indéfiniment variés de la vie : les sources même de la vie restent souterraines.
Dès lors, nous ne pouvons pas, sans pécher contre le véritable esprit scientifique, rejeter dès l’abord, sans examen, tous les faits qui ne paraissent pas rentrer immédiatement dans le cadre de nos théories, même les plus solidement établies. En fait, on trouve chez tous les peuples et dans tous les temps, même aux époques [p. 381] historiques, des récits de faits dits surnaturels, miraculeux, etc., tout à fait du même genre que les faits spiritoïdes (11). Il ne s’agit pas évidemment de les admettre sans plus ample informé comme authentiques et réels mais il ne s’agit pas d’avantage de les écarter en bloc comme apocryphes et imaginaires : il s’agit de suspendre à leur égard tout jugement définitif et de les soumettre à une rigoureuse critique ». Ce que nous appelons des erreurs et des superstitions, a dit Mme de Stael (12), tenait peut-être à des lois de l’univers qui nous sont encore inconnues. Les rapports des planètes avec les métaux, l’influence de ces rapports, les oracles même et les présages ne pourraient-ils pas avoir pour causes des puissances occultes dont nous n’avons plus aucune idée ? Et qui sait s’il n’y a pas un germe de vérité caché dans tous les apologues, dans toutes les croyances qu’on a flétris du nom de folie ? Il ne s’ensuit pas assurément qu’il faille renoncer à la méthode expérimentale si nécessaire dans les sciences, mais pourquoi ne donnerait-on pas pour guide à cette science une philosophie plus étendue qui embrasserait l’univers dans son ensemble et ne mépriserait pas le côté nocturne de la nature en attendant qu’on y puisse répandre de la clarté ? »
Observons enfin que si les esprits existent, il se peut très bien qu’ils entretiennent en réalité des rapports très définis et très constants avec notre monde, et que le caractère anormal et, pour ainsi dire, aberrant de leurs interventions ne soit qu’une apparence accidentelle, une sorte d’illusion d’optique due à l’insuffisance de nos moyens d’information. En ce cas, il serait plus vrai de dire qu’ils entrent eux aussi dans le système général de la nature, et qu’ils ne constituent pas en réalité un monde distinct ou du moins séparé du nôtre, pas plus que les comètes et les météorites ne sont réellement extérieurs ou étrangers à l’ensemble de l’univers planétaire et sidéral.
La contradiction que l’on prétend exister entre l’hypothèse des esprits et les principes même de la science est-elle aussi irréductible qu’elle paraît l’être ? Sans doute, cette hypothèse nous oblige à admettre que si des esprits interviennent dans la production de [p. 382] tel ou tel phénomène, il pourra en résulter des perturbations inexplicables par les seules lois de ce phénomène. Mais qu’est ce que ceci a de particulier aux esprits ? N’en est-il pas de même pour toutes les causes intercurrentes connues ou inconnues, qui sont toujours susceptibles d’entrer en conflit avec les causes proprement dites d’un phénomène quelconque ? Une loi de la nature ne s’énonce jamais en termes absolus ; elle affirme bien qu’un phénomène se produit toujours d’une certaine façon à la présence de certaines causes, mais toujours avec cette condition exprimée ou sous-entendue : l’absence supposée de causes contraires. Comme l’a déjà fait remarquer Stuart Mill, elle est la formule d’une tendance plutôt que d’un résultat. Ainsi les corps tendent à tomber sous l’effet de la pesanteur ; mais ils ne tombent effectivement que si cette action n’est pas contrebalancée par celle d’une cause antagoniste ; la chaleur dilate les corps, à moins que quelque circonstance spéciale à tel ou tel cas n’empêche la tendance à la dilatation de produire son effet, et ainsi de toutes les autres lois. Il suffira donc de mettre une fois pour toute la présence des esprits au nombre des causes contragissantes possibles pour échapper à la prétendue contradiction.
Mais on insistera peut-être en faisant remarquer que les causes contragissantes dont la science doit toujours réserver l’intervention possible dans l’énonciation des lois naturelles, sont du moins des causes connues pour la plupart, et dont on sait en tout cas qu’elles agissent d’une façon régulière, selon des lois tout aussi constantes que celles des autres causes dont elles ne diffèrent d’ailleurs pas en nature, tandis que les soi-disant esprits seraient des causes d’essence inconnue, surtout caractérisées par leur action capricieuse et anarchique.
Pourtant c’est sur le type de notre propre activité intelligente et volontaire, à nous êtres humains, que les esprits sont conçus ; il faut bien avouer que nous avons quelque connaissance de ce genre de causes, puisque nous en trouvons un échantillon en nous-mêmes. Irons-nous jusqu’à dire que la possibilité de l’intervention des êtres humains dans la production des phénomènes naturels, avec toute ce que cette possibilité comporte de fantaisie et de désordre de la part de ces êtres, est inconciliable avec les lois de la nature et ruine le fondement de la science ? Imaginons, par [p. 383] impossible, un savant antérieur à l’apparition des êtres humains dans le monde, inconscient de sa propre humanité, mais fermement attaché, comme il convient à un savant, au principe du déterminisme universel : ce savant, s’il venait à concevoir l’hypothèse de l’existence future d’êtres humains, ne la déclarerait-il pas impossible a priori comme introduisant dans le monde une cause permanente d’obstruction aux lois naturelles ? C’est qu’en réalité l’homme, malgré l’arbitraire apparent ou réel de ses actes, obéit, comme tous les autres êtres, à des lois. Quelque solution que l’on donne au problème métaphysique du libre arbitre, il faut bien confesser, en dernière analyse, que notre liberté, vraie ou fausse, coexiste en fait avec le déterminisme universel. Dès lors, ce qui est vrai de l’homme peut être également vrai des esprits conçus d’après le modèle de l’homme. S’ils interviennent dans les phénomènes de la nature, il doit y avoir des lois qui règlent leurs interventions ; et dans leurs interventions même, ils doivent agire selon des lois, dont quelques-unes, il est vrai, peuvent être ignorées de nous, mais que nous aurions par cela même le plus grand intérêt à connaître, puisque cette connaissance nous donnerait de nouveaux moyens d’influer sur les phénomènes naturels et de reproduire à volonté leurs plus étonnants prodiges.
La conclusion qui nous paraît ressortir de toute la discutions qui précède, c’est que l’hypothèse spiritique (ou spirite), si elle est handicapée d’un poids très lourd, en raison de son incontestable invraisemblance, n’en doit pas moins être admise à courir sa chance, concurremment avec toutes les autres hypothèses, sur le terrain de l’observation et de l’expérimentation scientifiques. La science a le droit d’exiger de toute hypothèse qu’elle fournisse ses preuves : elle n’a pas le droit d’interdire à aucune hypothèse l’accès de son tribunal.
E. BOIRAC
NOTES
(1) La Psychologie inconnue, paris, 1908.
(2) On pourrait en ce cas distinguer des Spirites, les Spiritistes, c’est-à-dire tous les chercheurs qui s’occupent des faits spiritoïdes à un point de vue exclusivement scientifique, abstraction faite de l’opinion qu’ils peuvent professer dans leur for intérieur à l’égard des prétendus Esprits.
(3) « Quand bien même il y aurait dans le spiritualisme une intervention de forces étrangères à notre monde, le vrai savant ne s’attachera qu’au déterminisme naturel que ces forces, si elles existent, emploient pour produire leurs effets. » J.Auzolat, Rivista di Scienca. Vol. IV, an II.1908.
(4) Les Phénomènes psychiques. Paris, 1903, page 37.
(5) Ibid, page 267.
(6) Ibid, page 47.
(7) Ibid, p. 60 et 62.
(8) La Psychologie inconnue. Chapitre 1° : les phénomènes cryptoïdes.
(9) L. Bourreau. Théorie des sciences.
(10) Revue scientifique. 1890, II.
(11) Il s’en trouve, par exemple, dans l’histoire de Jeanne d’Arc.
(12) De l’Allemagne.
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